La Vie et rien d’autre en Blu-ray : Coup de torchon

Bertrand Tavernier n’a pas été très gâté en Blu-ray. En effet, si ce n’est ses trois dernières réalisations contemporaines à l’existence de ce déjà plus très nouveau support, Dans la brume électrique (2009), La Princesse de Montpensier (2010) et Quai d’Orsay (2013), sa très riche filmographie restait jusqu’ici vierge de tout upgrade en bleu. Poussé par le centenaire du début de la première guerre mondiale, Studio Canal Vidéo a enfin décidé de remédier à ce crime de lèse-majesté en sortant au sein d’un coffret tombant pile poil pour les fêtes de fin d’année (1), le formidable Capitaine Conan (que nous aborderons dans un autre papier) et La Vie et rien d’autre qui mérite autre chose que son statut injuste de film un peu oublié.

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Un monument ?

À la différence de Capitaine Conan qu’il réalisera sept ans plus tard, Tavernier s’intéressait ici aux conséquences de la première guerre mondiale. La plus meurtrière pour la France avec plus d’1,5 millions de morts et disparus. On est en 1920 et le pays tente tant bien que mal de panser ses plaies. Le commandant Dellaplanne (Philippe Noiret dans un rôle qui lui sied comme un gant) a pour tâche de recenser les soldats disparus pour que justement ils ne le soient plus. Entreprise qu’il mène avec zèle mais en porte-à-faux avec une hiérarchie militaire et politique qui aimerait pouvoir ensevelir une fois pour toute ces quatre années qui ont saignées la nation à blanc. Entre-temps, celle-ci aimerait tout de même qu’on lui trouve un soldat inconnu à enterrer sous l’Arc de Triomphe, ce que refuse d’accomplir Dellaplanne qui ne veut pas se rendre complice d’une entreprise dont le seul but est de dissimuler la réalité et l’Histoire : « Ils ont fait massacrer des millions d’hommes et on ne va plus penser qu’à un seul » assène-t-il au personnage joué par la diaphane Sabine Azéma à la recherche de son poilu disparu. C’est dans ce contexte historique finalement très peu traité au cinéma, voire même dans les livres faute de chiffres avérés et de documents d’archive, que Tavernier et son acolyte au scénario Jean Cosmos ont développé des personnages crédibles, des rencontres probables et une idylle savoureuse.

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En fait, La Vie et rien d’autre est quelque part la suite d’Un Dimanche à la campagne dont Dellaplanne se fait l’écho à un moment en disant qu’il est un homme de 1913. En ce sens qu’il exprime la perte d’une douceur de vivre et d’illusions définitivement perdues dont le XXème siècle ne se remettra jamais et dont au passage Le Capitaine Conan en sera la vision paroxystique. On a là comme une trilogie virtuelle qui fait sens et dont La vie et rien d’autre n’est absolument pas le maillon faible comme on a bien voulu le dire à l’époque. Certes, sa facture classique peut induire en erreur en ce sens que sa linéarité associée à une mise en scène épurée laisse à penser que le film est sans prétentions formelles ni prises de risque. Il n’en est rien. La force du discours (un pays qui abandonne une deuxième fois ses enfants, une morale en berne, la perte des idéaux républicains qui aboutira à Vichy…) et les thématiques abordées (la mémoire collective, le réapprentissage de la vie…) sont suffisamment fortes pour permettre au film de traverser les décennies et de se positionner en place forte d’une filmographie cohérente.

Un Blu-ray tout sauf monumental

Au début de la précédente décennie (gros coup de vieux detected), Studio Canal avait édité en DVD un grand nombre de films réalisés par Tavernier. La vie et rien d’autre en faisait partie et pouvait se targuer de bénéficier d’une édition plus que convenable. On ne peut en dire autant du Blu-ray qui pose surtout problème au niveau de l’image. Il est certain qu’en comparant avec le DVD, il y a véritablement treize ans d’écart. La définition a fait un bond indéniable, la stabilité de l’ensemble est absolument bluffante et la gestion des couleurs est juste parfaite. Mais ce qui coince c’est cet étalonnage un peu trop verdâtre qui lors des séquences de nuit se transforme en des bandes bleues incessantes qui viennent zébrer les arrières-plans en des sautes façon macroblocks des plus disgracieux. Sans compter que l’encodage est en 1080i et non 1080p comme annoncé au dos de la jaquette. Vraiment dommage car par ailleurs le mono 2.0 encodé en DTS-HD MA est en tout point remarquable même si le défilement en 25i/s altère un chouïa la musique césarisée de Oswald d’Andrea.

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Quant aux bonus, SCV reprend ceux qui étaient présents sur le DVD et qui datent de 2001. L’un est une interview de Tavernier et de Noiret (lunettes de soleil en mode je suis là pour mon pote Tavernier mais qu’est-ce que j’ai envie d’être ailleurs). C’est bien entendu le cinéaste cinéphile qui tient le crachoir avec pas mal de précisions sur le tournage, comment il en est arrivé à réaliser ce film ou encore le choix de Sabine Azéma qui remplaça Fanny Ardant. Le second complément est une nouvelle fois une interview avec cette fois-ci le scénariste Jean Cosmos qui nous a d’ailleurs malheureusement quitté l’été dernier. Scénariste de télévision, il collabora avec Tavernier à sa demande initiant une doublette fructueuse qui perdurera par la suite avec La Fille de d’Artagnan (1994), Capitaine Conan (1996), Laissez-passer (2002) et La Princesse de Montpensier (2010).

En ces temps difficiles où les ventes du DVD s’effondrent et où celles du Blu-ray, on le sait maintenant, ne prendront pas la relève, il est préjudiciable de ne pas proposer une édition Blu-ray au-dessus de tous soupçons. Un acte manqué de plus qui donne la désagréable impression que certains éditeurs surfent sur le relatif engouement économique de la restauration des films de patrimoine sans pour autant y adjoindre une quelconque valeur ajoutée tant technique qu’éditoriale. Au consommateur cinéphile ici de payer comme toujours l’addition. Et au film de Tavernier de ne pas disposer de l’écrin qu’il mériterait.

Note (1) : En attendant L’horloger de Saint Paul, Un Dimanche à la campagne et Le Juge et l’assassin déjà annoncés pour le 10 mars 2015.

Image : 2,5/5
Son : 4/5
Bonus : 3/5

Captures Blu-ray (cliquez sur les visuels pour les visualiser au format HD natif 1920×1080)

La vie et rien d’autre (StudioCanal Vidéo) – 02 décembre 2014 – Disponible uniquement au sein d’un coffret Tavernier – Capitaine Conan + La vie et rien d’autre

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CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray
Master restauré – Couleur
Format image : 2.35 – Résolution film : 1080i, 25i/s
Format son : Français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 / Audio description
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Durée : 2h11

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Bonus
Interview de Bertrand Tavernier et Philippe Noiret (SD, 34min35s)
Interview De Jean Cosmos (SD, 29min37s)
Bande annonce d’époque (SD)

 

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