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L’Horloger de Saint-Paul : Le premier long de Tavernier en Blu-ray

L’Horloger de Saint-Paul est le premier long métrage de Bertrand Tavernier. Et le moins que l’on puisse dire c’est que d’entrée de jeu tout y est, ou presque. Une épure de mise en scène entre héritage de la Nouvelle Vague et identité visuelle en propre déjà très marquée au service d’une histoire forte dont il est à l’origine (adaptation et/ou co-écriture). On y décèle aussi un talent de direction d’acteurs déjà manifeste qui dénote en creux la sensibilité d’un cinéaste qui a su insuffler dès le début quelque chose d’intrinsèquement fragile et d’une rare finesse de ton. Le Blu-ray édité par Studio Canal poursuit le travail essentiel de remise en avant de la filmo du réalisateur en HD initié en décembre dernier avec la parution de Capitaine Conan et de La Vie et rien d’autre. Il s’agit là à nouveau d’une très belle opportunité qu’il serait bien dommage de laisser filer (1).

Horloger de Saint-Paul-Affiche

Tavernier le prestidigitateur

Comme l’indique en très gros l’affiche d’époque, L’Horloger de Saint-Paul c’est d’abord l’adaptation d’un roman de George Simenon intitulé L’Horloger d’Everton dont l’action se déroule aux États-Unis. Tavernier a déplacé l’action dans sa ville natale de Lyon. Certainement pour se rassurer mais aussi et surtout pour se donner toute liberté dans la trahison du texte initial. Pour l’anecdote, il réitérera cette pratique avec Coup de torchon dont il déplacera cette fois-ci l’intrigue en Afrique-Occidentale française alors que la nouvelle de Jim Thomson qu’il adapte et réinterprétera, se déroule dans le sud-est des États-Unis. L’Horloger de Saint-Paul c’est l’histoire d’un père joué par un incroyable Philippe Noiret qui va découvrir et finalement commencer à apprendre à connaître son fils alors que celui-ci vient de commettre un meurtre et qu’il est recherché par la police.

Le parti-pris est passionnant car le personnage évolue en solitaire bien que le fantôme du fils ne soit jamais bien loin. Tout l’y ramène d’ailleurs à commencer par ce commissaire de police interprété par un Jean Rochefort pur jus qui projette son propre échec familial dans cette affaire avec l’intention inavouée d’y trouver comme une rédemption en s’en occupant. Chaque confrontation entre ces deux acteurs fait des étincelles. Chacun déclarant d’ailleurs au sein des bonus de cette édition qu’il s’agira là d’une étape majeure pour ne pas dire décisive (Jean Rochefort avouant par exemple ne plus avoir peur de la caméra depuis ce film) dans leur carrière respective. Ce qui force aussi l’admiration c’est comment Tavernier joue avec le temps. Par un montage en apparence classique et une réalisation qui dilate certaines scènes, on a en effet l’impression d’une torpeur générale. De celle d’un père pour qui le temps s’arrête et qui cherche à comprendre le geste de son fils pour mieux l’accepter et le défendre.

L’Horloger de Saint-Paul est un film qui retient son souffle et canalise l’espace temps pour mieux distiller la violence des sentiments très peu exacerbés. De cet équilibre de chaque instant, de cette respiration chaotique, Tavernier en a fait un film inoubliable et une méthodologie qui a marqué et marque encore sa filmographie. Il suffit de (re)voir Quai d’Orsay au souffle épique en milieu ministériel pour se rendre compte du côté souvent à la limite de la fracture du myocarde de ses films. Un aspect borderline qui quand il est abandonné relègue au demeurant ses créations au rang de faire-valoir (La Princesse de Montpensier, Laissez-Passer, Holly Lola…). Le cinéma de Tavernier le pudique est ainsi fait qu’il se doit de toujours se mettre à nu en même temps que sa mise en scène s’applique à tout cacher, à tout minimiser, sans que pour autant le spectateur soit dupe. Un travail de prestidigitation qui est l’essence même du cinéma et dont le cinéphile Tavernier n’en connaît que trop bien les enjeux. Pour notre plus grand plaisir.

Un Blu-ray bien huilé (on fait ce qu’on peut)

L’Horloger de Saint-Paul fait partie de ces films que chaque nouvelle vision confirme dans son statut d’œuvre importante et protéiforme. Le revoir donc en Blu-ray n’échappe pas à ce constat. La redécouverte est d’ailleurs totale d’un point de vue Master dont on nous dit qu’il a été restauré par StudioCanal (sans l’aide du CNC donc). Il suffit de jeter un œil sur le comparatif ci-dessous entre l’image du DVD de 2003 et celui du Blu-ray pour se rendre compte déjà de l’immense différence d’étalonnage et de luminosité. D’un côté une température de couleur très chaude et ici une tonalité générale tirant vers le bleu-gris assez froid. On n’ose croire que l’éditeur se soit amusé à jouer à l’apprenti-sorcier et donc on prendra pour un fait établi qu’il s’agit là des intentions initiales de Tavernier et de son chef opérateur de l’époque Pierre-William Glenn qui au demeurant le suivra par la suite sur pas mal de ses films.

Cliquez sur les captures ci-dessous pour les visualiser au format natif

Horloger-de-Saint-Paul-DVD-1DVD 2003

L'Horloger-de-Saint-PaulBlu-ray

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L'Horloger-de-Saint-Paul-Philippe Noiret et Jean RochefortBlu-ray

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L'Horloger-de-Saint-PaulBlu-ray

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L'Horloger-de-Saint-Paul-Philippe NoiretBlu-ray

La force de cette restauration et de l’encodage subséquent est d’avoir su « tenir » une telle image. Malgré des contrastes très appuyés et un ensemble assez sombre, les noirs ne sont jamais bouchés, les arrières-plan sont vivants sans le moindre artefact de compression visible et on se surprend même à constater une très belle richesse dans la palette des couleurs. Cerise sur le gâteau, la présence d’un grain « cinéma » qui n’altère en rien une définition d’ensemble rarement prise en défaut. Bref, on est conquis.
Idem quant à la partie sonore qui propose un encodage en mono DTS-HD Master Audio 2.0 qui uppgrade incontestablement la piste en DD 2.0 du DVD. Les voix y sont plus clairement présentes et l’équilibre ambiances / dialogues n’appelle aucune critique. On s’en voudrait de passer sous silence la présence d’une piste en audiodescription et de sous-titres pour les sourds et malentendants.

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StudioCanal reprend les bonus du DVD moins les documents d’archive, certainement pour des histoires de gros sous envers l’ayant droit INA. Il s’agissait d’un reportage sur le tournage diffusé en son temps sur FR3 et d’une très courte interview de Tavernier menée par France Roche lorsque le film reçu le Prix Louis Delluc en 1974. On se consolera en (re)découvrant les deux interviews menées à l’époque exclusivement pour le DVD. D’une part Tavernier et Noiret qui reviennent sur les origines du film, le tournage, son impact sur leur carrière respective et leur complicité jamais démentie depuis. Et d’autre part Jean Rochefort qui émaille savoureusement ses souvenirs autour du film d’anecdotes pertinentes quant aux quasi premiers pas de Tavernier derrière une caméra (il avait en effet déjà réalisé deux courts au sein de deux films à sketches). On trouvera aussi et enfin la bande-annonce d’origine non restaurée.

(1) À noter qu’à la même date, StudioCanal en profite aussi pour sortir en Blu-ray Le Juge et l’assassin et Un dimanche à la campagne sur lesquels nous reviendront très prochainement via deux chroniques séparées.

Image : 4/5
Son : 4/5
Bonus : 3,5/5

 

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

L’Horloger de Saint-Paul – Édition Blu-ray

Éditeur : StudioCanal Vidéo
Date de sortie : 10 mars 2015

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Spécifications techniques :
– Image (Master restauré) : 1.66:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Français DTS-HD MA 2.0 Mono et Audiodescription
– Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
– Durée : 1h45
– 1 BD-50

Bonus :
– Interview de Bertrand Tavernier et Philippe Noiret (40min33s)
– Interview de jean Rochefort (15min20s)
– Bande annonce (3min12s, SD)

Cadeau Bonux

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