Le Manoir de la terreur - Image Une

Le Manoir de la terreur d’Alberto de Martino chez Artus Films

Le Manoir de la terreur est une belle redécouverte à marquer d’une pierre noire et blanche, comme l’est son image.

Le Manoir de la terreur - Affiche France

Co-écrit par Sergio Corbucci, réalisé par Alberto de Martino (1), cinéaste qui s’avère ici davantage qu’un excellent technicien puisqu’il se veut esthète d’emblée (voir le démentiel travelling latéral qui ouvre le générique d’une manière frénétique, crescendo au sens sonore comme spatial), interprété par des acteurs parfois surprenants de puissance dramatique (Gérard Tichy) voire d’une inquiétante beauté (Helga Line ici gouvernante comme elle le sera deux ans plus tard dans Les Amants d’outre-tombe de Mario Caiano, à cette différence qu’ici elle ne joue pas une femme défigurée mais une femme d’une beauté hiératique : c’est elle la star du Manoir de la terreur bien que son nom ne soit pas spécialement mis en évidence au générique) que n’aurait pas reniée un Edgar Poe sous le signe de qui le film est ostensiblement placé, pas seulement à cause du prénom de son héros, allusion à La Chute de la maison Usher dont Roger Corman venait de donner une version deux ans plus tôt. Musique démentielle de Carlo Franci, qui oscille entre le lyrisme pléonastique de celle de James Bernard et les baroques déviations de celle d’un Bernard Hermann. Direction photo et montage capables d’opérer, avec peu de moyens, les prouesses plastiques les plus étonnantes, mais jamais réalisées pour elles-mêmes, au contraire servant systématiquement le scénario et sa progression, donc jamais gratuites. On ne l’a pas assez remarqué mais le scénario du Manoir de la terreur est construit – d’une manière typique de son époque – sur un refus du surnaturel, sur un jeu conscient avec la peur comme telle, faisant finalement de la névrose le ressort même de l’action. C’est aussi en cela que le patronnage d’Edgar Poe est justifié, bien au-delà de l’allusion à Roderick Usher.

Le Manoir de la terreur est placé, par sa bande-annonce, sous les auspices ténébreux de bien des maîtres : Alfred Hitchcock, Edgar Wallace, Bram Stoker, Mary Shelley. De fait, ces quatre noms rendent bien compte de la variété et de la richesse du cinéma fantastique européen et américain des années 1960 et on peut dire que Le Manoir de la terreur leur rend à chacun hommage. Le suspense est soumis à rebondissement constant, comme chez Hitchcock et il dépend aussi d’une situation névrotique dont les protagonistes sont autant les jouets que les vecteurs. Comme chez Bram Stocker, l’espace semble déterminer pour partie la névrose : le château des Blackford a la même texture concrète et maladive que celle du chateau de Dracula ou que celle de La Maison du juge, une nouvelle moins connue mais tout aussi remarquable de Stoker. D’Edgar Wallace, Martino reprend le jeu plastique avec les stéréotypes qu’il met en scène consciemment afin de jouer avec eux et avec le spectateur. De Mary Shelley, il hérite d’une sorte de fièvre romantique, transposée en 1884 dans une Angleterre victorienne qui devrait la contenir : cette contradiction historique est l’un des fondements du renouveau fishérien du mythe de Frankenstein, celui-là même qui initiait la veine frénétique des Hammer films depuis 1957.

Le Manoir de la terreur- Capture DVD

On peut remonter plus avant qu’Alain Petit concernant la séquence d’enterrement prématuré de la soeur de Roderick. Elle rend certes hommage direct au Raptus [L’Effroyable secret du professeur Hichcock] (Ital 1962) de Riccardo Freda mais aussi, voire surtout, à la séquence célèbre, trente ans plus tôt, du Vampyr de Dreyer. Alberto de Martino connaît ses classiques : il s’était intéressé à la même époque au mythe de la Gorgone dans Persée l’invincible, il s’intéressera par la suite à celui de la prophétie dans Holocauste 2000. On aurait tort de penser que les diktats des producteurs sont à l’origine de ces orientations : Martino allie trop bien la forme au fond pour qu’il n’y ait pas, chez lui, un profond intérêt pour les thèmes traités, sous couvert de « film de consommation ».

Sans doute moins personnel que Freda, moins novateur que Bava, moins ambitieux que Cottafavi, Alberto de Martino demeure pourtant leur égal technique (Le Manoir de la terreur aurait plu à Fritz Lang en raison de la grande rigueur de sa mise en scène, des fulgurances spectaculaires qui en émanent presque naturellement, alors que le script est illustré en eaux-fortes) et son art vaut bien par exemple celui d’Antonio Margheriti ou d’un Mario Caiano. Film de genre se voulant tel à un point frisant la perfection, Le Manoir de la terreur a été exploité sous le titre international de Horror (cauchemar, littéralement). Du cauchemar, il possède la surréaliste intrication, la secrète logique, la noire beauté.

Le DVD édité par Artus propose le magnifique jeu français N&B de photos d’exploitation : elles sont presque, pour certaines, expressionnistes. Sans oublier de très belles reproductions du dossier de presse international, sous le titre Horror. Bande-annonce originale italienne, avec le titre international d’exportation. On trouve aussi une présentation d’Alain Petit.

(1) Alberto de Martino vient de nous quitter le 2 juin 2015 à l’age de 85 ans

Le Manoir de la terreur – Édition DVD

Éditeur : Artus
Date de sortie : 3 mars 2015

Le Manoir de la terreur - Recto DVD Artus

Spécifications techniques :
– Image : 1.66:1 encodée en MPEG2
– Langues : Français et Italien en DD 2.0 mono
– Sous-titres : Français
– Durée : 1h30
– 1 DVD-9

Bonus :
Le monstre de Blancheville par Alain Petit
– Diaporama d’affiches et photos
– Bandes-annonces de la collection Gothique

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