Après une reprise en fanfare fin août avec pas moins de huit titres au programme, la collection Blu-ray Gaumont Découverte reprend à présent son rythme de croisière à raison de cinq nouveaux films chaque mois. Les longs-métrages y sont certes moins connus que les gros succès populaires qui figuraient dans les toutes premières vagues ; les chiffres au box-office en salles de l’époque sont d’ailleurs là pour en attester. Mais leur parution sur support Blu-ray n’en permet pas moins de (re)découvrir des œuvres qui, pour la plupart, n’ont rien perdu de leur superbe au fil du temps. Bien au contraire.
Débutons, une fois n’est pas coutume, par l’œuvre la plus ancienne chronologiquement parlant de cette neuvième vague Blu-ray Gaumont Découverte. Réalisé par Henri Decoin, L’Affaire des poisons (1955) entend relater le plus fidèlement possible, comme nous le précise le texte qui défile en ouverture, les faits historiques autour de la vague d’empoisonnements qui ébranla la Cour sous le règne de Louis XIV. Une affaire qui eut pour figure de proue Madame de Montespan, campée par une Danielle Darrieux aussi séduisante que venimeuse et accessoirement épouse à la ville du réalisateur de 1935 à 1941. Autodidacte (il quitta l’école à l’âge de huit ans) passionné par l’histoire de France, athée mais croyant néanmoins en l’existence du Mal, Henri Decoin se régala à faire le film dixit son fils Didier dans la petite présentation d’usage disponible en guise de supplément. L’approche y est certes beaucoup moins rocambolesque que dans Angélique et le Roi où Michelle Mercier faisait face à Estella Blain dans le rôle de ladite empoisonneuse mais n’en brosse pas moins une galerie de personnages aussi passionnante que les faits relatés telle une investigation policière (Pierre Mondy en fin limier) dont l’intérêt n’a rien à envier aux enquêtes high-tech modernes. Et si la représentation qu’en donne à voir Decoin divise aujourd’hui encore les historiens, son film n’en remporta pas moins un succès certain à l’époque avec 1,5M d’entrées.
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Le succès se situera un cran en deçà pour Estouffade à la Caraïbe (1967) avec moins d’un million d’entrées. Avec son titre tout en légèreté, le film s’inscrit dans la mouvance 007 / OSS 117 de l’époque. Et pour cause. Son réalisateur, Jacques Besnard, à qui l’on doit Le Grand restaurant un an plus tôt (paru dans la cinquième vague Blu-ray Gaumont Découverte), fut assistant-réalisateur d’André Hunebelle qui lui-même réalisa quatre des cinq OSS 117 qui virent le jour sur grand écran dans les années 1960 (et par ailleurs également disponible au sein de la quatrième vague Blu-ray Gaumont Découverte). Ajoutons à cela le fait que Frederick Stafford, polyglotte, sportif de haut niveau et chimiste de formation, a campé le célèbre Hubert Bonisseur de La Bath dans deux desdits OSS 117 et la quadrature du cercle autour d’Estouffade à la Caraïbe est alors résolue. On ne pourra alors que plussoir lorsque Jean-Claude Missiaen, qui fut l’attaché de presse de l’acteur autrichien sur le film Topaz d’Alfred Hitchcock, évoque un comédien qui « se balade dans un film qui se laisse voir mais sans pour autant casser trois pattes à un canard ». Amateur de destinations exotiques, de belles pépées (Jean Seberg), de situations hautement improbables (Stafford qui se balade durant toute la séquence finale avec un flacon hautement explosif autour du cou sans jamais se retrouver éparpillé façon puzzle), ce spectacle léger et rythmé est fait pour vous. La singularité du film serait plus à chercher du côté d’un tout jeune Serge Gainsbourg dans le rôle du sidekick comique de service.
Tout aussi léger est La Grande sauterelle (1967). Soit un George Lautner tendance basse de la filmo du réalisateur (un petit million d’entrées en salles à l’époque) qui, comme il nous l’explique lui-même dans les suppléments, tournait sans cesse par peur de l’échec public pour être toujours sûr d’avoir un autre film « en cours de fabrication » lorsque celui d’avant sortait en salles. Envisagé par Lautner comme une suite de Galia (1966), motivé par la perspective d’aller tourner dans un nouveau pays (le Liban), le réalisateur concède néanmoins à demi-mots que Hardy Krüger n’est pas Lino Ventura. Et oui, ce n’est pas donné à tout le monde de déclamer du Audiard comme sait si bien le faire Francis Blanche dans les rares scènes du film où il apparaît, qualifiées par Lautner de « parties poétiques » d’un long-métrage dont il se remémore comme un « voyage bizarre, étrange et merveilleux à la fois ». Quitte à se risquer sur le bizarre, on lui préférera, et de loin, les autres longs-métrages dans lesquels Lautner dirigea la toujours aussi émoustillante Mireille Darc. Soit au hasard Les Barbouzes (1964), Ne nous fâchons pas (1966), Laisse aller, c’est une valse (1971), Il était une fois un flic (1972) ou encore La Valise (1973), par ailleurs tous disponibles en Blu-ray chez Gaumont (cliquez sur les titres pour retrouver les vagues Blu-ray Gaumont Découverte correspondantes).
Audiard toujours mais dans un registre plus sérieux cette fois avec Sous le signe du taureau (1969). Soit un film qui, en dépit de quelques fâcheries passées entre Gabin et lui, réunissait pour la énième fois le scénariste / dialoguiste n°1 du cinéma français de l’époque avec le « monstre Gabin » et le réalisateur Gilles Grangier pour un résultat qualifié par Philippe Durant, spécialiste de l’œuvre d’Audiard, d’incompris par le public à sa sortie. Un public qui espérait assurément tout autre chose de telles retrouvailles (640 000 entrées en salles), le film ne versant ni dans la drôlerie souvent caractéristique de l’œuvre d’Audiard, ni dans un quelconque suspense ; Gabin, sous contrat avec la Gaumont, ayant explicitement demandé à ne pas faire de polar. Pour autant, Sous le signe du taureau (un titre trouvé en se basant sur le signe zodiacal de Gabin) était déjà à l’époque d’une incroyable clairvoyance quant aux arcanes du véritable pouvoir dans les multinationales et brossait une galerie de personnages tantôt arrivistes, tantôt opportunistes (l’ancien ami qui fit fortune sous l’occupation nazie) mais tous muent par un insatiable appétit du gain. Et Audiard, dans la bouche d’un Gabin aussi magistral qu’à son habitude, de nous servir l’une des nombreuses saillies passées depuis à la postérité : « Ce qui me déprime, c’est que la majorité des grosses fortunes est aux mains de petits cons ».
Cinquième et dernier titre de cette neuvième vague Blu-ray Gaumont Découverte, L’Homme orchestre était quant à lui entre les mains de De Funès, comme en atteste cette scène d’ouverture sur la Promenade des Anglais à Nice où son personnage fait la loi au milieu de la circulation : « Cette rue m’appartient et j’y suis le n°1 ». Acteur omnipotent du paysage cinématographique hexagonal de l’époque, c’est De Funès en personne qui demanda au producteur Alain Poiret de travailler avec Serge Korber. Issu de la Nouvelle Vague, ce dernier se remémore ses a priori de l’époque quant à la perspective de réaliser une « œuvre commerciale » ainsi que les différents ouï-dire concernant un De Funès autoritaire, limite tyrannique sur les plateaux. Pour autant, les souvenirs de tournages de Korber semblent plutôt agréables avec un De Funès à l’écoute et foisonnant d’idées pour telle ou telle scène trouvée et rajoutée au métrage final parfois le jour même. Et si, comme le confesse bien volontiers Korber, l’ossature scénaristique du film est un peu faible, L’Homme orchestre n’en remporta pas moins un joli succès à sa sortie avec plus de 2M d’entrées. Preuve qu’un De Funès, même mineur, en mode « Claude François et ses Claudettes » dans la première moitié et pouponnage dans la seconde moitié, savait rameuter les foules.
Bien que les différents titres de cette neuvième vague Blu-ray Gaumont Découverte ne soient pas les plus emblématiques de leurs scénaristes / réalisateurs / acteurs respectifs, Gaumont n’en poursuit pas moins un travail de parution Blu-ray plus que probant. Comme toujours, copies et bandes-son ont été restaurées avec le plus grand soin. Tous les films sont ainsi proposés dans leur format d’image respectif, depuis le 1.33:1 de L’Affaire des poisons jusqu’au scope de L’Homme orchestre, encodé dans un AVC 1080/24p qui offre un rendu HD plus qu’appréciable. Certains plans ou certaines scènes laissent toutefois apparaître une définition un cran en deçà (ex : le plan final du Decoin que l’on croirait exhumer d’une VHS des années 80) tandis qu’à d’autres, la saturation et le contraste des couleurs laissent à désirer (ex : des noirs un peu grisâtres sur le Grangier). Côté son, tout le monde est une nouvelle fois logé à la même enseigne, à savoir une unique piste VF DTS-HD Master Audio 2.0 monophonique là encore très propre et limpide et qui, lorsque le film et/ou la situation l’autorise, laisse même éclater un sacré panache (ex : les différents numéros musicaux du De Funès ou encore les scènes d’action d’Estouffade à la Caraïbe). Côté bonus, tous les titres ont à nouveau droit à une présentation, tantôt reprise du DVD tantôt créée tout spécialement pour la sortie Blu-ray. L’Homme orchestre récupère également le commentaire audio de Serge Korber. À défaut d’être particulièrement loquace (il parle quelques secondes avant de se taire souvent pendant de très longues minutes), le réalisateur n’en apporte pas moins un certain nombre d’anecdotes quant aux coulisses de tournage des différentes scènes. Une belle constance donc que cette collection Blu-ray Gaumont Découverte, tant artistique que technique, réaffirmée par cette neuvième vague.
Collection Blu-ray Gaumont Découverte – Vague n°9
Éditeur : Gaumont Vidéo
Date de sortie : 30 septembre 2015
L’Affaire des poisons (1955)
Spécifications techniques :
– Image : 1.33:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Français DTS-HD Master Audio 2.0 mono
– Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
– Durée : 1h 50min 31s
Bonus (en HD) :
– Présentation du film par Didier Decoin (10min 32s)
Captures Blu-ray – L’Affaire des poisons
Estouffade à la Caraïbe (1967)
Spécifications techniques :
– Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Français DTS-HD Master Audio 2.0 mono
– Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
– Durée : 1h 41min 01s
Bonus (en HD) :
– Présentation du film par Jean-Claude Missiaen (10min 11s)
Captures Blu-ray – Estouffade à la Caraïbe
La Grande sauterelle (1967)
Spécifications techniques :
– Image : 1.85:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Français DTS-HD Master Audio 2.0 mono
– Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
– Durée : 1h 43min 09s
Bonus (en HD) :
– Présentation du film par Georges Lautner (6min 48s, SD)
– Bande-annonce (3min 54s)
Captures Blu-ray – La Grande sauterelle
Sous le signe du taureau (1969)
Spécifications techniques :
– Image : 1.66:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Français DTS-HD Master Audio 2.0 mono
– Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
– Durée : 1h 21min 01s
Bonus (en HD) :
– Présentation du film par Philippe Durant (10min 12s)
Captures Blu-ray – Sous le signe du taureau
L’Homme orchestre (1970)
Spécifications techniques :
– Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Français DTS-HD Master Audio 2.0 mono
– Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
– Durée : 1h 25min 30s
Bonus (en HD) :
– Commentaire audio de Serge Korber
– Entretien avec Serge Korber (16min 09s, SD)
– Bande-annonce (2min 23s)
Captures Blu-ray – L’Homme orchestre