Pique-nique à Hanging Rock - Image une news Blu-ray

À propos de la restauration 4K de Pique-nique à Hanging Rock

Le 19 juillet 2023, l’éditeur ESC va décliner Pique-nique à Hanging Rock (1975) en trois éditions : un DVD, un combo Blu-ray + Blu-ray 4K et une édition exclusive Fnac qui rajoutera un DVD de bonus au combo. Forcément cela nous a interpellé. C’est que le premier film marqueur dans la filmo de Peter Weir (même si Les Voitures qui ont mangé Paris (1974), son précédent et premier long, mériterait que l’on si attarde tout autant d’autant que l’éditeur ESC le propose en Blu-ray depuis avril 2022) n’a jamais eu vraiment les honneurs d’une édition en vidéo physique digne de ce nom de par chez nous. Il faut d’ailleurs remonter à 2004 pour en retrouver une quelconque trace en DVD. C’était quand feu l’éditeur Opening le proposait au sein d’un coffret réunissant Les Voitures qui ont mangé Paris / La Dernière vague (1977) et Le Plombier (1979), soit les premiers pas retentissants de ce réalisateur australien appelé à rejoindre dès les années 80 la grande « famille » du cinéma hollywoodien.

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Pique-nique à Hanging Rock - Édition limitée - Blu-ray 4K Ultra HD + Blu-ray

Éditeur :ESC Editions
Sortie le :19 juillet 2023  

Pique-nique à Hanging Rock - Affiche d'origine France

L’affiche française pour la première exploitation du film en 1977 – On notera l’orthographe utilisée pour « Pique-nique »

Pour voir ou revoir Pique-nique à Hanging Rock via une copie digne de ce nom il fallait en fait se tourner vers l’éditeur US Criterion qui a fidèlement édité le film depuis un Laserdisc NTSC devenu collector jusqu’au mémorable coffret Blu-ray édité en 2014. En Angleterre c’est Second Sight qui a rempli ce rôle en éditant dès 2010 un Blu-ray proposant un master que Criterion a repris d’ailleurs pour son édition de 2014. Second Sight qui est au demeurant encore là puisqu’il est le premier à dégainer en ce mois de mai 2023 une édition 4K issue d’une toute nouvelle restauration supervisée par le directeur de la photo Russel Boyd et Peter Weir. C’est apparemment ce master que reprend ESC pour son édition de juillet prochain et c’est pour cela aussi que l’on a voulu y jeter un coup d’œil un peu en avant-première histoire de se faire une petite idée de ce qui nous attend mais aussi parce que celui-ci nous arrive précédée d’une réputation pour le moins calamiteuse. En cause cette restauration mentionnée plus haut qui a posé problème à tous ceux qui ont eu la « chance » de revoir le film ainsi.

Pique-nique à Hanging Rock - Packshot Blu-ray Second Sight 2023

Pour juger sur pièce, nous sommes allés acquérir l’édition Blu-ray Pique-nique à Hanging Rock (Second Sight faisant en effet bien les choses puisque outre le Blu-ray, l’éditeur propose aussi une édition Blu-ray 4K et un maousse combo où l’on retrouve Blu-ray et Blu-ray 4K – soit 4 disques – accompagnés d’un livret et du livre de Joan Lindsay d’où est tiré le film) chez Metaluna, un des derniers lieux pro (et cinéphiles) digne de ce nom à Paris en matière de vidéo physique. C’est d’ailleurs son propriétaire qui nous a alerté sur les retours et avis pour le moins déceptifs de sa clientèle sur cette restauration. Toutefois, et avant de nous lancer, nous avons demandé confirmation auprès d’ESC quant à l’origine du master utilisé pour leurs futures éditions. La réponse est limpide. Nous la reproduisons in extenso : « Effectivement, nous travaillerons à partir du même master que Second Sight, présenté en HDR. Réalisé à partir d’un scan 4K sur Arriscan XT obtenu à partir d’un négatif déposé au National Film and Sound Archive of Australia, celui-ci a été restauré par The Grainery aux Etats-Unis et Fixalfilm en Pologne. L’étalonnage, lui, a été encadré par Gosia Grzyb avec la supervision et l’accord du directeur de la photographie du film Russell Boyd et de Peter Weir lui-même. » Un laïus qui reprend quasi à la virgule près le carton présenté en pré-générique sur l’édition Second Sight que vos pouvez découvrir ci-dessous.

Pique-nique à Hanging Rock - Capture restauration Second Sight

Dernières précisions. Nous avons donc revu le film en Blu-ray. La partie 4K sera gérée par notre ami Stéphane Argentin à la réception du disque ad hoc qu’ESC devrait nous envoyer. Disons que ce papier fait office d’introduction détaillée à sa future chronique de la chose. Enfin, nous avons ressorti nos deux autres éditions Blu-ray qui prenaient la poussière sur nos étagères. Le Criterion de 2014 (obviously comme dirait les ricains) et le Koch Media de 2012 (éditeur allemand pour rappel) qui reprenait le même master que le Second Sight de 2010 (comme le Criterion rappelons-le). Trois éditions qui vont nous permettre d’appréhender (humblement) l’approche faite autour d’une restauration sur un peu plus de dix ans.

Pique-nique à Hanging Rock - Packshots BD Criterion / Koch Media

Ce qui est le plus souvent reproché à cette nouvelle restauration est son étalonnage tirant excessivement vers le jaune/doré. Une température de couleur qui de prime abord semble pourtant en adéquation avec la « tonalité » de Pique-nique à Hanging Rock puisqu’elle accentue le côté « chaleur étouffante » dans lequel le film baigne tout du long. Une impression encore plus oppressante lors d’un de ses climax où les trois jeunes filles disparaissent au sein du labyrinthique « Hanging Rock ». Le ressenti est d’ailleurs immédiat dès les premières images du générique où de surcroît les contrastes et les couleurs n’ont plus rien à voir avec le précédent master. Tout y est en effet appuyé et densifié à l’extrême. Une première impression plutôt positive même si dans notre for intérieur on demande à voir la suite. C’est qu’à trop vouloir caresser d’emblée nos rétines dans le sens du poil, cela éveille immédiatement non la suspicion mais au moins un début d’interrogation. Et puis il a cette sensation d’absence de grain, ce qui est un exploit avec des contrastes si poussées. Sans parler de ce constat (pas immédiat mais après un second visionnage) que le générique n’est plus d’origine. En ce sens que tout (titre etc…) a été effacé et recréé en numérique. Pourquoi pas. D’autant qu’en guise de stabilité d’ensemble, c’est du coup la perfection absolue. Au passage on remarquera que le film retrouve son format d’origine à savoir du 1.66 en lieu et place du 1.78 que l’on nous servait jusqu’ici.

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Pour revenir au grain, on aurait pu aussi dire « pourquoi pas ». Sauf que celui-ci réapparaît au gré de certaines séquences avec cette désagréable impression qu’il a été rajouté là aussi numériquement sans que pour autant on puisse affirmer que cela lorgne du côté d’un bruit vidéo rédhibitoire. Pour avoir échangé sur le sujet avec Bruno, le propriétaire de Metaluna, celui-ci nous a rétorqué que c’était une pratique assez répandue chez certains éditeurs US comme Blue Underground tout en nous renvoyant ici où le procédé du dégrainage puis l’ajout numérique d’un faux grain est clairement détaillé par Geoff Dearth qui fait partie du staff chez Second Sight. Il précise aussi qu’il ne s’agit pas là de la volonté de l’éditeur mais bien celle de Peter Weir. Dont acte ? Contraint et forcé, on va dire que oui.

Mais là où on aura plus de mal c’est, pour y revenir oui toujours, sur l’étalonnage. Car autant lors des scènes en extérieur ça passe plus ou moins crème, autant lors des nombreuses scènes de nuit (extérieurs ou intérieurs), nos rétines prennent très chers. On vous colle les trois captures comparatives ci-dessous pour que vous vous fassiez une idée de quoi qu’on parle.

Très clairement la teinte jaune et les contrastes donnent au tout un aspect vitreux et momifié (au niveau du visage) sans parler des arrière-plans totalement bouchés qui couplés avec le vrai-faux grain annihile totalement la profondeur de champ. Autant dire qu’ici c’est une véritable catastrophe qui va bien au-delà de la faute de goût. Cela en devient limite pathétiquement drôle car comment comprendre que dans un quelconque labo on puisse valider ça. Sur ce simple constat, on a d’ailleurs remballé précieusement notre Criterion afin de le remettre à sa place pour qu’il reprenne bien sagement la poussière. Car oui, si celui-ci proposait un master bien trop neutre (mais en adéquation avec la bible de l’époque), on a droit à du grain, à des contrastes et à des couleurs au demeurant mieux mis en valeur par rapport au Blu-ray de chez Koch Media. Certainement un travail au niveau de l’encodage beaucoup plus fin. Au regard des standards actuels, c’est très clairement en retrait mais à nos yeux il garde donc notre préférence.

Certains nous rétorquerons que nous sommes qui pour venir contester une décision prise sciemment par le réalisateur et son directeur de la photo. D’autres répondront que du moment où le public s’approprie une œuvre elle n’appartient plus vraiment à son créateur. Ce qui par ricochet devrait lui interdire de revenir dessus. On n’est pas loin de pencher vers ce postulat d’autant que Peter Weir n’en est pas à son premier coup de canif puisque lors de la ressortie du film dans les cinémas australiens en 1998, il en avait profité pour raccourcir son film de 7 minutes. Une version qui depuis l’arrivée du Blu-ray en 2008 est la seule à être proposée. Second Sight se démarque une nouvelle fois en proposant la version cinéma originelle sur le disque 2 tant en Blu-ray qu’en Blu-ray 4K. Ce que ESC n’a pas souhaité faire puisque seule la version dite « Director’s Cut » sera de la partie.

Pour la bonne bouche on vous a mis ci-dessous quelques captures de scènes issues de la version cinéma de Pique-nique à Hanging Rock. Et pour connaître toutes les différences entre la version Director’s Cut et la version cinéma d’origine on vous renvoie ici.

Enfin, notons que niveau bonus ESC en a produit d’exclusifs pour ses éditions Pique-nique à Hanging Rock tout en reprenant quelques modules présents tant sur le Second Sight que sur le Criterion. Le DVD qui est d’ailleurs adjoint pour l’édition exclusive Fnac proposera le très complet et mythique documentaire – making of du film de près de deux heures datant de 2003 que les passionnés du film auront découvert sur le Blu-ray Second Sight de 2010 (peut-être plus tôt en DVD) et que l’éditeur anglais reprend ici sur le premier disque. L’avantage c’est que chez ESC il sera sous-titré en français. L’autre bonus convergent entre Second Sight et ESC est « A recollection – Hanging Rock 1900 » aussi présent sur l’édition Criterion 2014. Il s’agit d’un documentaire datant de 1975 produit et diffusé à l’époque pour la télévision australienne avec des images fascinantes des lieux emblématiques du tournage.

Si on veut conclure (temporairement) il est évident que l’image proposée via cette restauration 4K ne va pas faire l’unanimité. Quant à nous, nous nous rangeons du côté des déçus avec une pointe de colère à l’égard de ceux qui triturent sans cesse leur création à l’aune des diktats techniques du moment ou en fonction de l’angoisse de plus en plus prégnante du temps qui passe et le besoin obsessionnelle de laisser une trace dans la mémoire commune…

10 réflexions sur « À propos de la restauration 4K de Pique-nique à Hanging Rock »

  1. Quelques petites remarques :
    * Geoff Dearth ne fait pas partie du staff de Second Sight, mais est un freelance qui collaborent régulièrement avec eux (notamment pour certains aspects techniques).
    * Le nouvel étalonnage ne fait, en fait, pas forcément plus parler de lui que le combo dégrainage / faux grain. En fait, il est passé comme une lettre à la poste auprès de pas mal de personnes et de chroniqueurs (à sa décharge, il est probablement plus proche des intentions originelles que l’ancien étalonnage sur-neutralisé).
    * Le souci est cependant que lui aussi fait régulièrement artificiellement / numériquement obtenu. C’est aussi ce qui explique l’impression désagréable laissée par les scènes un peu plus sombres : elles ont une palette de couleurs improbable qui semble constamment n’avoir pu être obtenue qu’informatiquement. Là encore, on est sur de l’approximation numérique.
    * La version cinéma incluse dans le coffret n’est pas la même que celle incluse dans l’édition Second Sight précédente, mais serait la version cinéma australienne, plus longue de 4 minutes.
    * Je ne sais pas trop de quoi Bruno parle exactement : du dégrainage, du faux grain, du combo des deux ? S’il parle de dégrainage, oui, c’est une pratique qui a été courante. S’il parle de faux grain, cela reste par contre extrêmement marginal, et je n’ai jamais entendu parler d’éditions Blue Underground qui en aurait user. Par contre, leurs anciennes éditions étaient basées sur des masters lardés de bruit de scanner CRT. C’est peut-être à ça qu’il pensait.

  2. Sandy Gillet, vous êtes vous seulement posé la question : comment le film a été diffusé en salle lors de sa sortie ?

  3. J’ai lu sur Devildead des infos dans la critique, et reprises sur le forum.
    Je vous invite à y faire un tour.

  4. Ok lu merci. Vous faites référence donc à ce passage :
    « Avec les années, PIQUE-NIQUE A HANGING ROCK devient un grand classique du cinéma australien. En 1998, une réédition est organisée aux USA, pour laquelle Peter Weir revoit le montage de son film, et retire notamment sept minutes de métrage afin de proposer un « Director’s Cut » qu’il juge plus satisfaisant. De même, il refait un étalonnage des couleurs totalement neutre, alors qu’en 1975, les copies avaient été tirées avec une dominante dorée, qu’il juge aujourd’hui démodée.  »

    « Enfin, on peut consulter la bande-annonce d’époque (en langue anglaise et non sous-titrée), qui permet de comparer le nouvel étalonnage « naturel » à celui, « doré », de sa sortie.  »

    Il ne me semble pas que dans notre texte nous nous opposions violemment à cet étalonnage à dominante jaune dorée. je me permets de reprendre ce passage :
    Ce qui est le plus souvent reproché à cette nouvelle restauration est son étalonnage tirant excessivement vers le jaune/doré. Une température de couleur qui de prime abord semble pourtant en adéquation avec la « tonalité » de Pique-nique à Hanging Rock puisqu’elle accentue le côté « chaleur étouffante » dans lequel le film baigne tout du long.

    Par contre nous sommes en effet bien plus dubitatif quant à l’option prise pour les scènes de nuit où là l’étalonnage à bien du mal à rendre compte de la photo en bouchant outrageusement les noirs et les arrières-plan.

    Bref, notre avis n’est en aucun cas comminatoire et apparemment vous vous rangez du côté de ceux qui « nous rétorquerons que nous sommes qui pour venir contester une décision prise sciemment par le réalisateur et son directeur de la photo. » Et vous avez raison comme ceux qui penseront le contraire. Le principal est que quand vous (re)découvrirez ce film, votre plaisir soit intact.

    Bien à vous

  5. La restauration, approuvé par le réalisateur et du directeur photo, s’est rapprochée de la copie originelle au cinéma.
    Dans le passé, il avait décidé de refaire un étalonnage des couleurs neutres, alors qu’en 1975, les copies avaient été tirées avec une dominante dorée.
    Il est revenu sur cette décision.
    Les tons sont plus chauds, et à dominance jaune.
    J’ai été un peu surpris. Je n’aime pas trop la couleur jaune. Mais ce sont mes préférences esthétiques.
    Ce n’est pas parce que nous sommes habitués à une copie qu’elle est la seule valable, et surtout si elle n’est pas d’origine.

    Le format 1.66 est rétabli.

  6. Pour moi cette scène de nuit a été pensé en HDR, pour que la lampe semble éclairer le visage.
    Je devrais recevoir le Uhd sous peu, je verrais si c’est une bonne supposition.

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