Dune (1984) de David Lynch

Dune : Un Blu-ray aussi aride qu’Arrakis

Pour profiter sans doute du retour sur le devant de la scène de David Lynch qui nous fait le coup du revival de Twin Peaks, l’éditeur Movinside propose un nouveau Blu-ray de Dune (1984). Nouveau ? Pas vraiment en fait. On est même dans le domaine de la régression peu avenante. Explications.

« Dune est le seul de mes films dont le contrôle m’a échappé »

Est-il encore nécessaire de présenter Dune ? Pour tous ceux qui en auraient déjà vaguement entendu parler mais sans savoir véritablement de quoi il retourne, en voici un bref résumé histoire de briller au cours d’un diner, mondain ou entre amis. Dune c’est d’abord un roman en deux tomes assez épais (comptez près de 1200 pages au total, retenez bien ce chiffre, il aura son importance quelques lignes plus bas) publié en 1965 (1970 en France) en plein âge d’or de la littérature SF. L’ouvrage devient un classique quasi-instantané souvent comparé à Fondation de par la densité et l’ampleur des thématiques qui y sont abordés avec une intelligence rare : politique, économie, guerre, religion, etc. Tout comme la mythique saga imaginée par Isaac Asimov, l’œuvre signée Frank Herbert se déclinera par la suite en un cycle jusqu’à la disparation de son auteur en 1986. Hollywood n’attendra toutefois pas jusque-là puisque dès le début des années 1970, Arthur P. Jacobs, producteur très en vue à l’époque pour l’adaptation d’un autre classique de la littérature SF, La Planète des singes de Pierre Boulle, acquiert les droits du roman d’Herbert. Suite à la disparation de Jacobs en 1973, c’est un français, un certain Michel Seydoux (frère de Jérôme, grande famille de producteurs dans l’Hexagone s’il en est), qui récupère alors le projet à la demande d’Alejandro Jodorowsky. Après quatre ans de boulot (par ailleurs relatés dans un documentaire sorti en 2013 : Jodorowsky’s Dune), les déliriums sous LSD (de la bouche même du réalisateur chilien), la folie des grandeurs du cinéaste et avec elle un budget inflationniste auront raison de cette deuxième tentative qui périclite en 1977, année où un certain Star Wars explose tout au box-office et (re)lance la mode du space opera en cinémascope.

Dune (1984) de David Lynch - Édition France 2017 (Movinside) - Capture Blu-ray

Il n’en fallait pas davantage pour que Dino De Laurentiis (et sa fille Raffaella) se penche très sérieusement sur le sujet. Et la famillia de mettre à son tour la main sur les droits du bouquin d’Herbert. Un temps pressenti à la réalisation après Alien (1979), Ridley Scott se désiste finalement devant les atermoiements du projet pour partir s’occuper d’un autre futur chef-d’œuvre de la SF, Blade Runner (1982). Le choix du producteur italien se porte alors sur un certain David Lynch, très remarqué avec ses deux premiers longs-métrages : Eraserhead (1977) et Elephant Man (1980). S’ensuit à nouveau un long (et douloureux) processus créatif avec plus d’un an et demi de réécriture par Lynch en compagnie du romancier pour aboutir à un script de 135 pages (à comparer aux 1200 pages du roman), un tournage au Mexique certes moins onéreux mais non moins complexe et de multiples démêlés entre le cinéaste et le producteur en vue d’accoucher d’une adaptation de 2h17, pas une seconde de plus. Une durée imposée par le studio Universal qui a investi $30M dans un budget qui grimpera finalement à $40M. Deux suites sont même d’ores et déjà dans les cartons mais devant le flop de Dune au box-office américain ($30M de recettes), de trilogie il n’y aura finalement point.

Dune (1984) de David Lynch - Édition France 2017 (Movinside) - Capture Blu-ray

La « saga Dune » ne s’arrête pas là pour autant et l’héritage du classique de Frank Herbert ne cesse depuis de se décliner à l’envi. Tout d’abord en jeux vidéo avec un premier titre développé par feu le studio français Cryo en 1992 sur support CD-ROM (une révolution à l’époque que les moins de 30 ans ne peuvent pas comprendre) et un excellent RTS la même année (oui les graphismes en feront peut-être sourire certains mais dites-vous bien qu’à l’époque, ce Dune II vidéoludique aida à populariser le genre dit « stratégie en temps réel » dans lequel s’engouffreront bien vite les Command and Conquer et autres Warcraft). Sur le petit écran ensuite, deux mini-séries verront le jour : Dune (2000) et Les Enfants de Dune (2003) affichant chacune une durée beaucoup plus conséquente (près de 4h30) afin d’être aussi fidèle que possible aux romans. C’est également à la télévision (américaine) que le public pourra enfin découvrir le fameux montage initial de 3h du film de Lynch qu’il désavouera allant même jusqu’à faire retirer son nom du générique au profit du célèbre patronyme d’Alan Smithee. Enfin, depuis bientôt dix ans, un nouveau projet d’adaptation sur grand écran refait régulièrement surface avec la valse habituelle des réalisateurs : l’américain Peter Berg (Deepwater, Traque à Boston) puis le français Pierre Morel (Banlieue 13, Taken) tandis qu’aux dernières nouvelles, ce serait finalement le québécois Denis Villeneuve (Premier contact, Blade Runner 2049) qui s’y collerait.

Dune (1984) de David Lynch - Édition France 2017 (Movinside) - Capture Blu-ray

Dune, le film de 1984, sorti dans les salles françaises en février 1985 où il rencontra un franc succès (contrairement aux États-Unis) avec 2,3M d’entrées, soit à date la deuxième meilleure performance au box-office hexagonal de David Lynch derrière les 2,4M d’entrées d’Elephant Man. Trente ans plus tard, certains continuent à trouver le résultat au mieux bancal au pire à le qualifier d’anomalie dans la filmographie du réalisateur qui confesse d’ailleurs lui-même bien volontiers que « Dune est le seul de mes films dont le contrôle m’a échappé ». De l’autre, à l’instar de l’auteur de ces lignes, il y a ceux qui apprécient particulièrement le résultat à l’écran en dépit des inévitables concessions faites par rapport au remarquable roman fleuve d’Herbert.

Dune : Un Blu-ray très aride

Quant à ceux qui souhaiteraient se forger leur propre opinion sur la chose ou bien se revoir le film, il sera difficile de leur conseiller cette nouvelle édition Blu-ray 2017. On y trouve certes un fort sympathique livret d’une trentaine de pages revenant en détails sur les grands pans du projet évoqués ci-dessus, le tout étayé de nombreuses déclarations des différents protagonistes présents aussi bien devant que derrière la caméra. Mais au-delà de ces quelques pages, le reste est déjà beaucoup moins engageant. Du côté de l’image, il semblerait, selon nos propres constatations, que nous soyons ici en présence du même master que sur la précédente édition Blu-ray parue en France en 2008 (cadrage, couleurs, etc.) mais encodé cette fois en 1080/50i et non plus en 1080/24p ! Conséquence directe : des effets de crénelage plus ou moins prononcés et un encodage 50i que l’on croyait pourtant définitivement proscrit. Côté son, c’est là encore la désillusion puisqu’en lieu et place des pistes VO et VF proposées en DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 de la précédente édition 2008, cette nouvelle édition 2017 délaissent totalement les pistes 5.1 et ne proposent plus que les seules pistes DTS-HD MA 2.0 ! Autant dire que pour le coup, les scènes à grand spectacle et la B.O. signée Toto (que l’auteur de ces lignes affectionne là aussi tout particulièrement) en prennent un sérieux coup. Enfin, outre les feuillets évoqués ci-dessus, l’interactivité est désormais totalement vierge, tous les bonus de l’édition 2008 étant passés à l’as : documentaires, scènes coupées, interviews, galeries photos, bandes annonces, etc.

In fine, nous ne saurions que trop vous conseiller de reporter votre choix sur la précédente édition Blu-ray sortie en 2008 sous label Filmedia que l’on trouve encore à des tarifs très abordables. Quant à ceux qui voudraient la totale, ils pourront toujours opter pour le combo Blu-ray + DVD 30ème anniversaire paru en 2014 qui renferme également la fameuse version de 3h du film (mais uniquement sur support DVD). Une édition beaucoup plus rare et in extenso plus onéreuse à se procurer. Mais à l’heure actuelle, la meilleure prestation audio-vidéo reste encore l’édition américaine sortie en 2010 chez Universal. L’interactivité y est certes moins garnie que les éditions françaises 2008 et 2014 mais le Blu-ray en question propose la VO en DTS-HD Master Audio 5.1, la VF en DTS 2.0, des sous-titres français sur le film et les bonus et surtout la qualité d’image la plus probante à date, tant en termes de colorimétrie que de définition avec une compression vidéo moins visible que sur les éditions françaises (le film occupe 36Go sur le Blu-ray américain contre 29Go sur le Blu-ray français de 2008 et celui de 2017). Nous sommes certes encore loin de l’édition de référence mais en attendant un vrai travail de remasterisation, cette édition américaine (parfaitement lisible sur les platines françaises car non zonée) reste la plus recommandable de toutes.

Notes :

  • Image : 3/5
  • Son : 3/5
  • Bonus : 1/5

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Dune (1984) de David Lynch - Édition France 2017 (Movinside) - Packshot Blu-rayDune de David Lynch (USA – 1984) – Movinside – Sortie le 11 avril 2017

An 10191. Deux clans, les nobles Atréides et les belliqueux Harkonnen, se disputent la planète Arrakis, précieuse parce que son sous-sol renferme la substance la plus rare de l’univers : l’Épice. La guerre fait bientôt rage sur ce sol hostile, rendu plus dangereux encore par des vers monstrueux que, selon une prophétie, le jeune Paul Atréides doit soumettre. S’il y parvient, il aura gagné à sa cause les Fremen, le peuple des sables dans l’attente de son sauveur.

Spécifications techniques :

  • Image : 2.40:1 encodée en AVC 1080/50i
  • Langues : Anglais & Français DTS-HD MA 2.0
  • Sous-titres : Français
  • Durée : 2h 16min 17s

Bonus :

  • Livret

Une réflexion sur « Dune : Un Blu-ray aussi aride qu’Arrakis »

  1. Il est assez remarquable que les « écriveurs » de ce site semblent ni maitriser le sujet ni connaître ledit sujet. Dune, ce n’est pas deux tomes, mais six tomes, ce n’est pas 1200 pages, mais pratiquement 10.000. Ce site deviendra-t’il comme les critiques de Telerama, où, quand on lit une critique très violente contre un film, on peut sans peur l’aller voir, car se sera à coup sur un très bon film. Déjà, on a : le chant du loup, décrié avec force, mais grand film salué par le public, Tenet, idem, Dune de 2021, idem (et en outre critique nauséabonde). A chaque fois vous perdez en crédibilité, et in fine, ceux qui continueront de lire vos critiques, ce sera… ceux qui les ont écrit !

  Lâchez-vous !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *