La Dame de Shanghai - Image une test Blu-ray

La Dame de Shanghaï en Coffret Ultra Collector chez Carlotta

La Dame de Shanghaï d’Orson Welles fut tourné entre son film policier Le Criminel (USA – 1946) et sa version de la tragédie de Shakespeare, Macbeth (USA – 1948).

La Dame de Shanghai - Affiche

Le scénario, adapté d’un roman policier de Sherwood King au titre à la fois efficace et poétique, If I Die Before I Wake découvert par le cinéaste William Castle alors sous contrat à la Columbia, fut considérablement modifié entre les mains de Welles lorsque ce dernier fut chargé du projet. Castle se retrouva ensuite producteur associé d’un titre dont il rêvait d’être le réalisateur, pressentant son potentiel dramatique. La ligne directrice de l’histoire (une fille magnifique mariée à un avocat infirme dont elle planifie le meurtre avec l’aide de son amant, un marin tombé sous son charme) fut élargie pour devenir prétexte à une sorte d’opéra visuel qui durait à l’origine presque 155 minutes. Une durée réduite dans une salle de montage de la Columbia à 88 minutes environ sans l’accord de Welles. Des gros plans de Rita Hayworth, exigés par le producteur Harry Cohn, furent ajoutés par l’un de des trois directeurs photos Rudolph Maté ou Charles Lawton Jr. ou Joseph Walker, le premier et le dernier non-crédités. Ils sont magnifiques et il ne faut donc pas regretter leur insertion.

Sur le plan esthétique, Welles est, comme souvent, soumis à trois influences : le style baroque (partie mexicaine et direction des acteurs de second plan), le surréalisme (séquences du procès et de l’aquarium), l’expressionnisme allemand (séquences finales, notamment celle de la tuerie à travers les miroirs que Welles considérait comme la meilleure du film). Le décor de l’entrepôt fut influencé, dans sa composition plastique, par le film expressionniste allemand Le Cabinet du docteur Caligari que Welles avait projeté à ses techniciens afin de leur montrer ce qu’il voulait obtenir.

La Dame de ShanghaiLa Dame de Shanghaï © 1948, Renouvelé 1975 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.

L’actrice vedette Rita Hayworth, rousse métamorphosée en blonde, était enthousiaste à l’idée d’approfondir un personnage de femme fatale qu’elle avait simplement ébauché dans l’assez bon film noir Gilda (USA 1946) de Charles Vidor. Mais la critique américaine de 1948 n’aima pas le film et ce sont les critiques français qui le défendirent de l’autre côté de l’Atlantique où il devint rapidement un classique. Le fantôme du film que Welles rêvait de tourner s’estompa donc, une fois de plus, au profit du produit fini livré par le grand studio qui l’avait produit. Produit fini pourtant suffisamment génial et inspiré par lui-même, au point que La Dame de Shanghaï est enfin reconnu aujourd’hui comme tel en Amérique. Le roman de Sherwood King est aujourd’hui réédité chez Penguin, sa couverture illustrée par une très belle photo N&B de Rita Hayworth provenant du film de Welles.

PS : Peut-être verra-t-on un jour le montage voulu par Welles pourquoi pas restauré et édité par Columbia ? Après tout, on a bien fini par découvrir celui de La Soif du mal [Touch of Evil] (USA 1957) donc tout est possible. Il serait alors possible qu’on soit à nouveau déçu par la comparaison entre le montage restauré et le montage studio : dans le cas du titre de 1957, le montage studio de la Universal pouvait en effet sembler plus nerveux que celui voulu par Welles. Il se pourrait que le montage Columbia voulu par Harry Cohn nous produise cet effet, lui aussi. Les fantômes des films rêvés par Welles ne valent peut-être pas, en fin de compte, les films bien réels qu’ils ont engendrés.

Un Coffret Ultra Collector 11ème du nom

Format 1.37 N&B compatible 16/9, Full HD sur BRD50 en 1080/23.98p avec encodage AVC, disponible aussi en SD sur DVD9, encodage MPEG2. Copie argentique nettoyée de ses poussières négatives et positives, restaurée sur scan 4K à partir des éléments originaux de la Columbia puis numérisée par Sony pour une édition collector TCM en 2014, ensuite éditée (un peu améliorée) chez Mill Creek Entertainment en 2015.  Ce master Carlotta reprenant probablement celui de Mill Creek qui dispose d’un niveau supérieur de définition et de luminosité à celui de TCM.  Pour mesurer le travail accompli, il suffit de comparer la copie, sur les plans à la fois argentique et numérique, avec celle qui se trouvait sur l’ancienne édition DVD Pal zone 2 Columbia Classics sortie en 2003. Le seul élément impossible à modifier, si on veut maintenir le niveau nécessaire de grain, est la variation de l’émulsion argentique de 1948 : sous le pont de San Francisco, durant le générique d’ouverture, elle scintille et bouge donc inévitablement un peu mais plus aucune poussière n’y subsiste et les contours des objets sont impeccablement nets. La compatibilité 16/9 du format 1.37 est une amélioration vidéo de plus qui améliore encore le confort visuel.

La Dame de ShanghaiLa Dame de Shanghaï © 1948, Renouvelé 1975 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.

La VO comme la VF d’époque sont mono : pas de miracle sonore à attendre mais les deux pistes sont dynamiques. Elles n’ont, au demeurant, jamais été aussi bien audibles ni si bien nettoyées. C’est particulièrement vrai de la VF qui a été très bien restaurée car la VO avait toujours, pour sa part, mieux soutenu l’épreuve technique du vieillissement à cause, très probablement, de ses meilleures conditions de conservation en laboratoire. Il suffit là aussi, pour s’en convaincre, de comparer les pistes à celles de l’ancien DVD zone 2 PAL Columbia Classics de 2003. Il faut privilégier la VOSTF à cause d’Orson Welles dont l’accent irlandais colle naturellement au personnage et dont la diction est si nette, à cause aussi de la chanson de Rita Hayworth (que la VF n’a pas hésité à doubler mais moyennement bien). Les effets sonores sont bien restaurés, bien restitués et se détachent tous nettement sans augmentation inutile de volume. La musique est variée puisqu’on oscille entre une partition classique de film noir, une sourde, exotique et parfois angoissante musique mexicaine, enfin de l’opéra chinois classique. La VF d’époque est dramaturgiquement inégale : elle est parfois plus inspirée, plus primesautière que les sous-titres contemporains (qu’il s’agisse de ceux de 2003 sur l’édition DVD Columbia Classics ou de ceux de 2018 sur cette édition Carlotta) mais, outre le fait qu’elle ne colle pas toujours d’assez près à ce qui est dit, la voix française de « Michel » (prénom français donné à Michael O’Hara) est inégalement inspirée et sa sonorité nasillarde trahit totalement la voix grave de Welles. Concernant, enfin, les séquences du quartier chinois de San Francisco, certains observateurs assurent que la Elsa jouée par Rita Hayworth passe du mandarin au cantonnais à la volée : possible mais cela pourrait s’expliquer si elle sait que son interlocuteur parle l’un ou l’autre langage. Cela augmenterait la valeur de vérité du film d’autant plus que depuis le début du film, le spectateur se souvient qu’elle a dit avoir travaillé à Shanghaï et à Macao.

La Dame de ShanghaiLa Dame de Shanghaï © 1948, Renouvelé 1975 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.

Des trois entretiens proposés sur le BRD de cette édition « ultimate coffret », seul le premier est disponible au sein de l’édition single BRD ou DVD. Cela tombe bien car c’est le meilleur des trois, à savoir la présentation du film par Peter Bogdanovitch filmé par Laurent Bouzereau. On le trouvait déjà en VOSTF sur l’ancienne édition DVD Columbia Classics sortie en 2003 en Angleterre. Il fournit l’essentiel de ce qu’on doit raisonnablement savoir sur le titre et il est très bien monté et bien illustré. Bogdanovitch avait publié ses entretiens avec Orson Welles : matière première à son célèbre commentaire audio ici absent alors qu’il est présent sur l’ancien DVD Columbia et sur le BRD américain TCM Vault collection. Un problème d’histoire du cinéma dans cette présentation : Bogdanovitch ne croit pas au début du témoignage de William Castle (voir ci-dessous, section « livret ») à propos des droits du roman original américain.

Suivent deux autres entretiens beaucoup plus récents (2017-2018) avec Simon Callow, biographe d’Orson Welles et Henry Jaglom, cinéaste qui tourna avec Welles et devint son ami les dernières années de sa vie au point d’enregistrer des dizaines de cassettes audio autobiographiques de Welles. L’entretien avec Callow est très bien illustré mais n’apporte rien de plus que celui avec Bogdanovitch, sauf la mention de la projection du classique allemand expressionniste Le Cabinet du docteur Caligari, très utile information, peu connue en France. En revanche il y a quelque chose de gênant dans la leçon de cinéma que Callow prétend donner en comparant les carrières de John Huston et d’Orson Welles. L’entretien avec Jaglom est riche d’anecdotes de premières mains mais il ne concerne pas particulièrement le film de 1948, sauf l’anecdote relative à la séquence des miroirs et sauf la très belle anecdote finale sur l’amour de Welles pour Rita Hayworth.

Reste à mentionner la bande-annonce originale (VOSTF, état médiocre, disponible aussi sur l’édition single), conçue et montée par la Columbia et ne donnant absolument pas une idée correcte du titre de référence. Elle reflète la conception minimaliste que Harry Cohn pouvait en avoir…

La Dame de Shanghai - Coffret Collector

Concernant le livre, il s’agit d’un bel objet, richement illustré (une cinquantaine de photos) et comportant des textes explorant divers aspects du titre. Le plus important est incontestablement Mutinerie sur le « Zaca » de William Castle, chapitre extrait de son autobiographie, Comment j’ai terrifié l’Amérique – 40 ans de séries B à Hollywood, traduit aux éditions Capricci, Paris 2015. Castle fut, en tant que producteur exécutif pour la Columbia, artisan de la genèse et producteur exécutif du film de Welles. La section écrite par Frank Lafond étudie en détail la presse professionnelle et généraliste américaine depuis l’annonce du projet jusqu’à la sortie en exclusivité de 1948 : travail minutieux et soigneusement référencé mais Hedda Hopper et Louella O’Parson valent-elles encore la peine qu’on se penche aujourd’hui sur leurs articles ? Lafond y analyse en détails les vérités et les mensonges. Les trois entretiens (avec le critique Nicolas Saada, avec le directeur photo Darius Khondji, avec la productrice Dominique Antoine) sont inégaux, le plus homogène étant celui de Saada centré sur le film dont il couvre tous les aspects. Ce n’est pas le cas des deux autres qui s’éparpillent sur la vie et l’œuvre de Welles. Vient ensuite, de la p.116 à la p.157, une revue de presse américaine (traduite en français) de 1948 et une revue de presse française plus récente (un article d’Yve Kovacs paru dans les Études cinématographiques n°13, été 1963, deux articles de Peter Kral et Yann Tobin parus en 1982 et en 1998 dans Positif). Le meilleur des trois articles français (en dépit de son allure de dissertation scolaire parfois assez laborieuse) est celui de Kovacs qui cite Welles à plusieurs reprises et fournit systématiquement ses références en notes.

La Dame de Shanghai - Coffret Collector
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La Dame de Shanghaï (1948) – Édition Coffret Ultra Collector Blu-ray + DVD + Livre 160 pages

Réalisateur : Orson Welles
Éditeur : Carlotta Films
Sortie le : 14 novembre 2018

 

San Francisco (U.S.A.) et Mexique, 1947 : Michael O’Hara un marin irlandais, ancien combattant communiste de la guerre d’Espagne, à la fois idéaliste et naïf, tombe amoureux d’Elsa Bannisterr, l’épouse d »Arthur Bannister, avocat pénaliste richissime car véreux, célèbre mais infirme. O’Hara se laisse embaucher sur le yacht de Bannister comme garde du corps d’Elsa et marin. Grisby, l’associé douteux de Bannister, propose à O’Hara un crime fictif destiné à lui permettre de disparaître en empochant une assurance vie. Ce dernier accepte, en dépit des avertissements d’Elsa, une mise en scène criminelle qui se retourne alors inexorablement contre lui.

Spécifications techniques du Blu-ray :

  • Image : 137:1 encodée en AVC 1080/24p issue d’un nouveau master restauré 4K
  • Langues : Français et Anglais DTS-HD Master Audio 1.0 mono
  • Sous-titres : Français
  • Durée : 88min

Bonus :

  • La Dame de Shanghai - conversation avec Peter Bogdanovich : entretien mené par Laurent Bouzereau (HD – 21min)
  • Simon Callow à propos de La Dame de Shanghai : analyse du film (HD – 21min)
  • Henry Jaglom en tête à tête avec Orson Welles (HD – 24min)
  • Bande-annonce
  • Miroirs d’un film : La Dame de Shanghai d’Orson Welles : livre de 160 pages avec textes inédits, entretiens d’époque et 50 photos d’archives

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