Été précoce - Image une test Blu-ray

Coffret Blu-ray – Ozu en 20 films : Été précoce (1951)

Été précoce apparaît au sein du troisième Blu-ray sur les 11 que comporte le coffret Ozu édité par Carlotta. Il a bénéficié d’une nouvelle restauration 4K en 2016 effectuée par le laboratoire Imagica de Tokyo en 2016. On le sait, les pays asiatiques ne se sont mis que très récemment à développer des politiques de conservation de leurs films de patrimoine. Et le Japon n’a jamais été le poisson pilote de la région en la matière. Mais depuis une bonne dizaine d’années, les choses changent et aujourd’hui la possibilité de découvrir ainsi ce deuxième film dit « de la maturité » de Yasujirō Ozu ne peut qu’enchanter les sens et tous les amoureux de son cinéma. En guise de « complément de programme », l’éditeur a inséré Une femme de Tokyo, un film muet de 1933 déjà présent au sein du coffret DVD Vol 1 datant de 2006. On y retrouve aussi deux suppléments découverts sur le Vol 2 cette fois-ci paru en 2007 à savoir un retour sur les lieux du tournage issu de la série produite au japon « Voyage dans le cinéma » et « Figures : Linges, fumées et poteaux électriques » qui est un montage des fameux plans fixes utilisés par Ozu en guise de transition d’une scène à l’autre. Comme le dit notre ami Francis ci-dessous, on cherche encore l’utilité d’un tel bonus. – SG

Été précoce - Affiche

Écrit et découpé d’une manière précise, pointilliste, par Kogo Noda et Ozu, Été précoce est le second volet de la « trilogie Noriko » dans la filmographie de Ozu avec Setsuko Hara en vedette reprenant un personnage sociologiquement et psychologiquement proche de Printemps tardif, le premier volet de 1949, mais il y ajoute un thème secondaire plus angoissant : la lente et inexorable dissolution d’une famille, au début réunie, progressivement séparée par les divers aléas de la vie. Ozu avait déclaré à propos de ce titre : « Davantage que l’histoire, j’ai voulu peindre les métamorphoses et les métempsychoses de l’éphémère ». Le montage traduit constamment cette volonté : brusquement, une scène se conclut ou s’ouvre par un enchaînement surprenant ou inhabituel, rompant la psychologie de la scène, n’introduisant pas à la scène suivante mais constituant une rupture, un tout à lui seul, même de quelques secondes. Plans de pièces vides, d’arbres, d’objets. Dans Été précoce Le rappel de la Seconde guerre mondiale est récurrent : on parle d’un parent disparu, probablement mort en opérations. Une certaine angoisse de mort flotte sur l’ensemble en dépit de quelques scènes de comédie (au salon de thé, la constitution du clan des vierges contre le clan des mariées, les mini-révoltes des enfants contre les adultes). Les plans symboliques les plus stupéfiants, bien que volontairement imbriqués dans la nécessité réaliste la plus apparente, sont ceux de l’après-midi au pied d’une statue de Bouddha. Casting admirable où Chishu Ryu ne tient pas encore le rôle d’un vieillard mais celui d’un homme mûr un peu bête et coléreux : une curiosité qui permet de mesurer les transformations physiques et psychologiques que lui fit subir Ozu. Concernant le style, un peu d’esthétisme (le ballon s’élevant dans les airs : figure de style convenue du cinéma japonais qu’on retrouve par exemple en 1975 dans un tout autre genre (le film noir policier violent) et chez un cinéaste aussi original et novateur que Kinji Fukasaku) mais aussi d’admirables plans fixes (comme toujours chez Ozu) et de brefs mais remarquables travellings sans oublier un sublime mouvement de grue (promenade finale dans les dunes au bord de la mer) qui annonce tout à fait ce que feront, dix ans plus tard, plus franchement et amplement, des cinéastes tels que Hiroshi Teshigahara ou Masaki Kobayashi.

Il était une belle restau 4K

Carlotta propose Été précoce via le même master 4K utilisé par l’éditeur Shochiku au Japon en 2016. Et à voir le comparatif ci-dessous on est bien dans le copié collé. Même finesse du grain, même définition ciselée, mêmes contrastes limite un peu trop appuyés lors de certains passages et même stabilité d’ensemble idyllique. Au final c’est une impression très argentique qui se dégage avec des détails dans les noirs que l’on peut parfois qualifier de miraculeux auxquels nous avons droit pour le plus grand plaisir de nos rétines. On sera plus réservé sur le son qui offre un rendu assez en retrait pour ne pas dire étouffé sans parler d’un souffle omniprésent qui finit par oblitérer les ambiances et la musique. Il est évident que la captation et le mixage d’origine y sont pour beaucoup. À l’impossible nul n’est tenu. – SG

Cliquez sur les captures Blu-ray Shochiku Vs Carlotta de Été précoce ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Coffret Blu-ray Ozu en 20 filmsÉté précoce (Bakushû – 1951) – Coffret 11 Blu-ray

Réalisateur : Yasujirō Ozu
Éditeur : Carlotta Films
Sortie le : 6 novembre 2019

Tokyo et Kamakura, préfecture de Kanagawa, 1951. Noriko, âgée de 28 ans, vit heureuse en compagnie de ses parents et de la famille de son frère marié et père de deux enfants. Elle mène une vie célibataire et indépendante, travaille et fréquente surtout des amies de son sexe mais sa famille et même ses supérieurs hiérarchiques estiment qu’elle devrait se marier. On lui recommande un homme de 40 ans, encore célibataire. Elle refuse, préférant choisir elle-même son mari.

Spécifications techniques Blu-ray 3 :

  • Image issue d’une restauration 4K : 1.37:1 encodée  en AVC 1080/24p
  • Langues : Japonais DTS-HD MA 1.0 mono (48 kHz / 24-bit)
  • Sous-titres : Français débrayables
  • Durée : 2h 05min 10s
  • 1 BD-50

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Bonus :

  • Une femme de Tokyo (Tokyo no onna – 1933 – 1.33 – 46min 29s – SD encodé en Mpeg4 – Muet sans accompagnement musical avec des STF lors des intertitres)

Secrétaire le jour, Chikako travaille le soir dans un cabaret afin de financer les études de son frère Ryoichi. Lorsque ce dernier apprend son activité, il ne le supporte pas. Adapté d’un roman allemand de Ernst Schwartz. Ozu montre, dans un cinéma où se rend un couple, quelques plans du générique et de l’acteur Charles Laughton dans le film collectif Si j’avais un million (USA 1932) : acculturation ou appropriation culturelle ? Ni l’un ni l’autre : juste constat documentaire sur l’exploitation cinématographique à Tokyo en 1933. Et une discrète complicité aussi, concernant la critique de l’administration, de ses bureaux, de ses portes qui s’ouvrent et se ferment sans cesse, broyant les êtres humains qui les franchissent. Un curieux mélange de tons sous-tend l’ensemble, oscillant constamment entre comédie et drame mais s’achevant finalement en mélodrame, avec suicide à la clé. État argentique inégal mais assez bon globalement.

  • Voyage dans le cinéma « Été précoce » (15 min – SD – VOST)

Je recommande principalement ce « voyage dans le cinéma » présenté par une sympathique jeune fille cinéphile aux cheveux courts qui prie au début sur la tombe de Ozu ; on y voit les extérieurs de Kamakura dans la préfecture de Kanagawa (et la fondation Kawakita qui s’y trouve, bien connue des cinéphiles français car elle avait participé à la rétrospective japonaise de 1985 à la Cinémathèque française). Tentative aussi d’expliquer le concept de la  métempsychose selon Ozu. On peut y voir enfin sa tombe et son fameux idéogramme inscrit sur la stèle. Plaisant et informatif.

  • Figures : Linges, fumées et poteaux électriques : d’hier à aujourd’hui, un parallèle sur les linges, cheminées et poteaux électriques, éléments récurrents dans la filmographie d’Ozu (7min 24s – SD – VOST)

Il s’agit de montages de plans de linges, de fumées et de poteaux électriques prélevés dans divers titres de sa filmographie et remontés bout à bout : supplément absurde car redondant et inutile. Le cinéma étant autant un art du temps qu’un art de l’espace, un plan isolé de sa continuité n’a plus aucun sens filmique. Ici on traite les plans comme des photos d’exploitation mais les attendus esthétiques de ces deux objets sont différents : un plan de film n’est pas une photo d’exploitation ni vice-versa.

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