Mr. Deeds Goes to Town

L’Extravagant Mr Deeds en Édition Mediabook Collector chez Wild Side

Au Panthéon des Oscars, il est toujours bon de rappeler qu’aujourd’hui encore, Frank Capra est le seul qui accompagne William Wyler au rang des réalisateurs ayant remporté 3 statuettes. Au-dessus d’eux on ne trouve que John Ford avec 4 distinctions. C’est donc peu de dire que l’homme a marqué de son empreinte le Hollywood d’alors pas encore tout à fait une industrie mais déjà une machine à produire des films universels propres à traverser le temps. L’Extravagant Mr Deeds qu’il réalise en 1936 en fait bien évidemment parti. Le voir prendre place au sein de la très belle collection de mediabooks chez Wild Side ne pouvait donc que tomber sous le sens.

L'Extravagant Mr Deeds - Édition Collector Blu-ray + DVD

Éditeur :Wild Side Vidéo
Sortie le :16 mars 2022  

L’Extravagant Mr. Deeds (ou Mr Deeds Goes to Town en VO) qui permet d’ailleurs à Capra de décrocher son deuxième Oscar, est rétrospectivement le premier film d’un triptyque qui met systématiquement en scène un homme naïf en proie aux vicissitudes d’une société dont il découvre la part d’ombre et quelque part un peu la sienne. Mr Deeds qui au début du film est un entrepreneur bien inséré dans une petite ville de la côte Est des États-Unis, hérite d’une immense fortune que lui a léguée un parent éloigné mort soudainement dans un accident de voiture. Le voici débarqué à New-York où il prend possession d’un sublime Penthouse grouillant de majordomes, gardes du corps et autres avocats. Il est alors approché par une jeune femme pour qui il tombe en pâmoison mais qui s’avère être une journaliste en quête de sensationnel. Deeds étant devenu en effet la coqueluche de tout un pays qui se passionne pour cet homme devenu millionnaire alors que par ailleurs la dépression des années 30 n’en finit pas de provoquer misère et tragédies humaines. Sans le savoir il devient le symbole d’une Amérique en apparence binaire que Capra va explorer en utilisant comme pour tous ses films le mode de la comédie. L’un des genres de cinéma les plus exigeants qui sous sa caméra se transforme le plus souvent en quelque chose d’infiniment drôle, certes, mais aussi d’infiniment critique envers ses semblables.

L'Extravagant Mr Deeds - Affiche

Prenons le personnage central de Mr. Deeds qui est interprété par Gary Cooper. Son visage de jeune premier associé à son jeu où se lit en permanence la pureté de ses sentiments en fait une sorte de figure tutélaire de la bonté incarnée doublée d’une existence tournée vers son prochain. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Capra n’a pas pour ambition de donner chair à un idéal humain fantasmé. Non, Mr Deeds n’est pour lui que le catalyseur d’une histoire proche du conte. Un conte certes cruel (quel conte ne l’est pas finalement ?) mais qui lui permet de mettre à nue les vicissitudes d’une société qu’il nous dépeint avec une acuité proche du naturalisme. Son fidèle scénariste Robert Riskin (12 films ensemble quand même) le pousse d’ailleurs toujours plus loin dans cette voie contribuant grandement à la caractérisation jamais définitive des personnages. Ainsi la journaliste interprétée par Jean Arthur (pas encore une star mais qui le deviendra dès la sortie du film) qui doit s’imposer dans un monde ultra masculin finit par tomber sous le charme de ce grand échalas jusqu’à la réconcilier avec le genre humain. Mr Deeds lui-même n’échappe pas à cette volonté de toujours faire bouger les lignes tout en renouvelant sans cesse son et notre rapport aux autres. La longue et remarquable séquence finale du tribunal synthétise d’une manière remarquable ce cheminement intellectuel à la fois infra (Deeds) et méta (le spectateur). Remarquable cette séquence l’est par la force de son écriture et l’accompagnement de sa mise en scène. Nous sommes en effet les témoins (plus que les spectateurs) privilégiés d’une double démonstration. Celle de l’accusation, frontale et rigoureuse, que la caméra s’évertue à disséquer comme si elle cherchait les failles, comme si déjà elle avait choisi son camp. Celle de la défense développée par Mr Deeds lui-même, ludique et évidente, que le montage salue à grands coups d’effets visuels de manche et de clins d’œil appuyés à notre attention.

Dire alors que L’Extravagant Mr Deeds n’a pas pris une ride est une évidence que cette édition Blu-ray se plait à confirmer au détour de chacun de ses sillons. À commencer par le film lui-même qui bénéficie d’un master restauré 4K effectué par Sony en 2016. Le même qui a servi à l’édition 80ème anniversaire de Sony justement en 2016 aux États-Unis. Wild Side nous a toutefois précisé qu’« une seconde passe de restauration (corrections colorimétriques, contours, bruit et instabilités) a été effectuée par nos soins. » Et indubitablement, l’image qui nous est proposée vaut le détour rétinien. Grain présent sinon omniprésent (que voulez-vous, nous on adore), définition réglée au poil de cul près, balance des noirs à se damner et celle des blancs jamais en reste, contrastes saisissants pour une sensation organique omniprésente… Bref, à moins de faire partie de cette génération Netflix chez qui le N&B n’est plus une option de visionnage, vous allez tout simplement prendre un pied monumental.

Une sensation qui devrait perdurer à la lecture du texte de Frédéric Albert Lévy (FAL pour les intimes et les biberonnés dès leur plus jeune âge à Starfix) mis en forme et en image au sein d’un livret du plus bel effet. Sous le signe du Capracorn revient en détail sur toute la production du film sans rien omettre sur ce que les plus érudits savent déjà tout en proposant de nouvelles grilles de lecture fort passionnantes. Celle de la résurrection par exemple. La résurrection de Mr. Deeds qui face à la veulerie de l’humanité décide d’abord de lâcher prise (cela pourra aller jusqu’à la volonté d’un suicide comme dans La Vie est belle en 1946) pour ensuite revenir encore plus fort. La résurrection d’un Capra qui après le succès phénoménal de New York-Miami deux ans plus tôt (carton au box-office et trois oscars majeurs dont celui de meilleur film et meilleur réalisateur) fait une sévère dépression nerveuse. Comment en effet rester au sommet ou faire au moins aussi bien ? Avec son style mordant et à l’humour pince sans-rire, FAL assène ainsi ses vérités argumentées et minutieusement documentées.

L'Extravagant Mr Deeds - Extrait livret présent au sein du MediabookExtrait de Sous le signe du Capracorn, le livret inédit accompagnant cette édition, écrit par Frédéric Albert Lévy

On pourrait aussi dire la même chose de l’interview exhumée (bien que très célèbre) par l’éditeur français de Frank Capra réalisée au début des années 80 pour la cultissime émission cathodique Cinéma, cinémas. On y entend et on y voit en effet un savoureux Capra âgé de 85 ans discourir avec aisance sur sa façon de filmer à plusieurs caméras ou encore de sa direction d’acteurs. On le sent heureux de partager cela avec des cinéphiles français qui ont à l’évidence des étoiles plein les yeux (et nous aussi). Le reste des bonus est plus convenu. On a ainsi droit au commentaire audio du fils de Capra (aujourd’hui décédé) déjà présent au sein de l’édition Sony mentionnée plus haut. À la différence toutefois ici que Wild Side nous propose des sous-titres français. Bien que Frank Capra Jr. s’assoupisse de nombreuses fois à la vision du film de son père, cela reste bien entendu plus que bienvenu.

On en profitera d’ailleurs pour préciser que l’éditeur s’est fendu de tous nouveaux sous-titres pour le film considérant que le sous-titrage existant datait et comportait de nombreuses approximations. Ce qui nous amène aussi à préciser que pour les adeptes exclusifs de la langue de Molière, le doublage proposé au sein de cette édition date de 1970. C’est d’ailleurs assez facile de le confirmer à l’oreille puisque l’on reconnait par exemple la voix de Jacques Balutin qui… venait tout juste de naître en 1936. Renseignement pris auprès de Wild Side, on nous a confirmé que celui-ci datait exactement du 26 janvier 1970. Il existe bien un premier doublage datant du 5 février 1946 (L’Extravagant Mr Deeds a été exploité uniquement en VOST lors de sa première sortie française le 5 juin 1936) mais il semblerait que soit Sony ne tient pas à ce qu’elle soit exploitée (problème de renouvellement des droits ?), soit qu’elle n’existe tout simplement plus. L’un dans l’autre notre choix s’est porté sur la VO forcément bien plus équilibrée et naturelle. Pour finir sur l’aspect des langues, on notera que lors du générique de début, le titre du film est affiché en français (cf. capture ci-dessous). Wild Side nous précisant que Sony leur a fourni un master restauré « FR » destiné à une exploitation France, comportant à la fois VO + VF, avec le générique du début français… qui, petit constat fort amusant, mentionne les doubleurs de 1946 (cf. capture ci-dessous itou).

On ne saurait être complet sur cette édition sans mentionner les deux derniers bonus produits pour cette sortie et présents exclusivement sur le Blu-ray. Il s’agit de deux documents vidéo avec face caméra Christian Viviani, professeur émérite à l’Université de Caen. Il revient sur Capra d’une part en lui façonnant une personnalité à double face (cinéaste du peuple mais pas uniquement ou pas tant que ça finalement) et d’autre part sur le film via une analyse convenue mais juste. C’est loin d’être inintéressant il va sans dire mais on se dit quand même que ses étudiants doivent un peu souffrir s’ils l’ont en premier cours le lundi matin…

Au final voici donc une nouvelle édition à ranger avec soin et en bonne place dans sa BDthèque…

Au cinéma le : 5 juin 1936

Résumé : Longfellows Deeds, jeune homme tranquille et naïf, se rend à New York pour percevoir un héritage. Un avocat véreux et une journaliste à sensation mettent à profit sa candeur à des fins personnelles…

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français et Anglais en DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français
  • Durée : 1h55min 39s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus (en HD – VOST) :

  • Commentaire audio de Frank Capra Jr. (2000)
  • Interview de Frank Capra dans l’émission Cinéma cinémas (14min 01s – février 1983)
  • Capra, une Amérique aux deux visages par Christian Viviani (23min 59s – 2022)
  • Deeds ou le faux candide : analyse du film par Christian Viviani (29min57s – 2022)
  • Livret Sous le signe du Capracorn écrit par Frédéric Albert Lévy

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