Chère Louise - Image une test Blu-ray

Chère Louise (1972) : Coin de Mire Cinéma – Vague 9

En ce début des années 70, la carrière de Philippe de Broca ne tire pas la gueule mais n’affiche pas non plus une insolente santé. La Poudre d’escampette, son dernier film, a réuni 1 335 578 spectateurs. C’est loin d’être anodin et surtout cela venait laver l’affront des 179 504 entrées enregistrées par Les Caprices de Marie, son précédent film qui avait donc ouvert cette nouvelle décennie de la plus mauvaise des manières. Au-delà de ces considérations purement « boxofficiennes », De Broca peine aussi à retrouver son « mojo », lui qui dans les années 60 alignait des œuvres comme Cartouche (1962) / L’Homme de Rio (1964) / Les Tribulations d’un chinois en Chine (1965) qui mettaient d’accord la critique et le public, semble depuis quelque temps à la recherche d’un second souffle. Il faut dire aussi que Belmondo est allé voir ailleurs le laissant un peu orphelin, lui qui voyait en l’acteur son alter ego devant la caméra.

Chère Louise - Digibook - Blu-ray + DVD + Livret

Éditeur :Coin de Mire Cinéma
Sortie le :18 mars 2022  

Au cinéma le : 6 septembre 1972

Résumé : Louise, belle dans sa quarantaine, a été mariée, a divorcé et s’est installée en province pour devenir professeur de dessin. Sa nouvelle vie manque de tendresse. Elle se sent seule. Un jour, dans la rue, elle donne de l’argent à un jeune étranger qui mendie discrètement. L’homme la suit, comme un chien perdu. Alors commence leur histoire d’amour…

Chère Louise - Affiche

Si ces deux boules d’énergie à même d’accoucher ensemble de films qui leur ressemblaient jusqu’au bout des ongles se sont promis de se retrouver (et ce sera le cas dès l’année suivante avec Le Magnifique puis encore en 1975 avec L’Incorrigible), ce Chère Louise, du nom du personnage joué par Jeanne Moreau, n’en demeure pas moins une œuvre qu’il serait dommage de ne pas prendre la peine de découvrir. Ne serait-ce justement par son caractère à part pour ne pas dire atypique dans la filmographie de De Broca. On dit bien découvrir tant Chère Louise, à l’instar de La Poudre d’escampette, lui aussi édité par Coin de Mire Cinéma, était un film qui avait disparu des radars. On ne reviendra pas sur le pourquoi du comment (tout est détaillé justement au sein de notre texte sur La Poudre d’escampette) mais pour la faire courte, l’ayant droit du film qui n’est autre que Warner le laissait roupiller au fin fond de son catalogue depuis plusieurs décennies en se disant certainement que les 262 776 spectateurs qui étaient venus découvrir Chère Louise au cinéma accompagnés d’une critique plus que mitigée, sans parler de son aura internationale quasi nulle, n’incitaient nullement à ce que l’on s’excite autour d’une quelconque exploitation post salle de cinéma et encore moins à entreprendre des travaux de restauration. Chère Louise a toutefois bien été vu à la télé française. On en veut pour preuve cette page extraite de Télé 7 jours sans que pour autant on puisse vous dire si c’est l’unique fois et surtout vous donner une quelconque date de diffusion (certainement quelque part dans la deuxième moitié des années 70). Et pour finir sur la question après échanges avec TF1 Studio il nous a été dit que : « Faire revivre Chère Louise est initiative portée à 100% par TF1 Studio grandement aidée de la succession Philippe de Broca. »

Chère Louise - Capture Blu-rayLe jeune émigré italien interprété par Julian Negulesco

Chère Louise raconte l’histoire d’une « vieille fille » qui à la mort de sa mère décide de changer de vie pour devenir prof dans la ville d’Annecy. Là, elle fait la connaissance d’un jeune émigré italien sans le sou avec qui elle va développer une passion amoureuse qui ne sera pas sans conséquence. Comme le précise d’emblée Julien Comelli dans son excellente présentation présente au sein des bonus de cette édition, Chère Louise est le seul film de De Broca dont il n’a pas signé ou cosigné le scénario. C’est d’ailleurs le célèbre producteur Alexandre Mnouchkine qui vient le chercher alors que le scénario de Jean-Loup Dabadie est validé. Alexandre Mnouchkine pensant, à tort ou à raison, que voilà une histoire pour le réalisateur du Diable par la queue (1969). On parle donc ici d’une véritable œuvre de commande mais aussi d’une incursion pour De Broca au sein d’un cinéma qui n’était clairement pas le sien. Un défi qui semblait le combler. Au début tout du moins.

Car très vite le doute l’étreint, lui le cinéaste primesautier où tout doit défiler à 100 à l’heure devant et derrière la caméra, se retrouve sur un film écrit spécialement pour Jeanne Moreau qui aborde des thèmes de société où, a minima, il est interdit de se louper. Avec Chère Louise Philippe de Broca ne se loupe pas, mais au prix d’un tel effort que l’on ne l’y reprendra plus pour un résultat qui ne l’enthousiasme pas. Un effort qui passe par la direction d’une Jeanne Moreau avec qui il a l’impression de marcher sans cesse sur des œufs à la différence de la franche camaraderie qu’il développera avec le jeune premier roumain Julian Negulesco. Le couple fonctionne pourtant à l’écran mais manque tout de même de moelle ce qui finit par rejaillir sur des enjeux dramatiques quasi inexistants. Non que l’on ait du mal à y croire. C’est plutôt que l’on déplore les atermoiements de l’histoire qui s’évite au final une véritable implication. On est entre deux eaux. Et si Jeanne Moreau semble s’y épanouir, Julian Negulesco a un peu plus de mal à tenir la distance. La faute encore une fois à une histoire qui a bien du mal à caractériser son personnage jusqu’au bout.

Chère Louise - Capture Blu-ray

Le dernier plan sur Jeanne Moreau synthétise un peu tout cela. Son regard porté vers le lointain nous fait prendre conscience de son parcours plutôt riche et fouillé alors que tout le reste n’a pas eu le droit au même traitement. C’est peut-être ce qu’ont ressenti les journalistes lors de la présentation du film au festival de Cannes préfigurant le peu d’entrain du public à aller le voir (oui à l’époque, la critique pouvait faire ou défaire la réputation d’un film). Chère Louise est oui un film en demi-teinte qui ne semble pas vouloir aller jusqu’au bout du postulat de départ qu’il a pourtant initié. Pour quelle raison ? Peut-être parce que De Broca n’est pas Louis Malle. Le cinéaste du Souffle au cœur qu’il a réalisé un an plus tôt sur un sujet non pas identique mais connexe ne s’embarrassait pas d’une quelconque retenue et traitait son sujet jusqu’à la lie au risque d’en choquer plus d’un. Avec Chère Louise personne n’a osé. À commencer par De Broca.

Par contre Coin de Mire Cinéma est allé jusqu’au bout de ses intentions afin de proposer une édition que l’on peut aisément qualifier de définitive. Techniquement parlant on a ainsi droit à une restauration 4K effectuée depuis le négatif original commanditée par TF1 Studio en collaboration avec l’éditeur. Et franchement à l’écran cela se ressent sur chaque plan. La photo à la fois vaporeuse et précise signée de l’argentin Ricardo Aronovich (92 ans au moment où nous écrivons ces lignes) césarisé en 1978 pour Providence d’Alain Resnais et en 1984 pour Le Bal d’Ettore Scola rappelle celle du Souffle au cœur (tiens tiens) dont il est aussi l’auteur. On est véritablement sous le charme de cette image à la fois ciselée et en dehors d’une quelconque réalité temporelle. Ce que souligne à sa façon Denis Amar lors de son intervention sur l’un des suppléments initiés là aussi par l’éditeur. Il est alors 1er assistant réalisateur sur Chère Louise et précise bien que l’intention du réalisateur était de ne pas « dater » le film. Le futur réalisateur d’Asphalte (1981) récemment édité en Blu-ray par StudioCanal dans sa collection Make my Day revient aussi sur l’anecdote où Jeanne Moreau s’est presque noyée lors d’une scène abandonnée obligeant Philippe de Broca à réviser la fin initiale du film. On ne vous la dévoilera pas mais si elle fait plus sens, on serait resté sur ce même sentiment de frustration.

Chère Louise - Capture bonus Blu-rayJulian Negulesco

Et quant à la rencontre avec Julian Negulesco qui donne lieu à une interview fleuve de plus de 40 minutes, elle permet de deviner un personnage truculent, peu avare en anecdotes comme celle de son accident de moto qui mit dangereusement en stand bye la fin du tournage. Tournée sous les ors de la pièce qui sert de bibliothèque de l’ambassade de Roumanie à Paris, elle est, comme les autres suppléments, passionnante à suivre tant ce comédien qui n’a certainement pas eu la carrière méritée a une mémoire d’éléphant pour nous raconter son expérience sur ce film mais aussi sur sa vie d’acteur.

Pour finir, l’éditeur a retrouvé des images du tournage avec des interventions in situ d’un De Broca affable et d’une Jeanne Moreau cassante sous ses aspects avenantes et mondaines. Pour finir Coin de Mire n’oublie pas d’agrémenter cette édition d’un livret reproduisant du matériel de publicité d’époque ainsi que les actualités et réclames de l’année 1972 histoire de récréer une séance de cinéma telle qu’on aurait pu la vivre en cette année-là. Le principe même de cette collection dite « La Séance ».

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants débrayables
  • Durée : 1h37min 03s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Un exercice de style doucement scandaleux : présentation du film par Julien Comelli (13min 49s – HD – 2021)
  • Interviews de Jeanne Moreau et Philippe de Broca par la RTS (8min 32s – HD)
  • Un film hors temps : entretien avec Denis Amar (1er assistant sur le film) mené par Roland-Jean Charna (Blu-ray uniquement – 22min 01s – HD – 2022)
  • Condamné à dire oui : entretien avec Julian Negulesco par Roland-Jean Charna (Blu-ray uniquement – 41min 08s – HD – 2022)
  • Journaux des actualités de la 36ème semaine de l’année 1972 (7min 16s – HD)
  • Réclames de l’année 1972 (9min 48s – HD)
  • Bandes-annonces :
  • Un livret reproduisant des documents d’époque (24 pages)
  • 10 reproductions de photos d’exploitations (14,5 x 11,5 cm)
  • La reproduction de l’affiche d’époque (29 x 23 cm)

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