Gas-oil - Image une test Blu-ray

Gas-oil (1955) : Coin de Mire Cinéma – Vague 8

Gas-oil marque la rencontre qui va devenir fructueuse pour ne pas dire légendaire entre Jean Gabin et Michel Audiard. Les deux hommes se sont rencontrés dans un bistrot à l’initiative du réalisateur Gilles Grangier qui en 1953 avait tourné La Vierge du Rhin, son premier long avec Gabin en tête d’affiche. Une collaboration qui s’étendra là aussi sur le long cours avec pas moins de 12 films dont Gas-oil réalisé en 1955 constitue sans aucun doute un des sommets. Deux d’entre eux, Archimède le clochard (1959 – dialogues d’Audiard) et Maigret voit rouge (1963), ont d’ailleurs déjà bénéficié de très belles éditions chez Coin de Mire Cinéma. Celle-ci ne déroge pas à la règle, tout du moins sur son versant technique.

Gas-oil - Digibook - Blu-ray + DVD + Livret

Éditeur :Coin de Mire Cinéma
Sortie le :10 septembre 2021  

Au cinéma le : 9 novembre 1955

Résumé : Jean Chape, patron camionneur, est un homme heureux. Il a quarante-cinq ans, de bons copains, un bon camion, quelques économies et une amie agréable. Or, un drame éclate soudainement dans la vie de cet homme paisible. Une nuit de verglas, il écrase, ou croit écraser, un homme…

Gas-oil - Affiche

Grangier et Gabin se connaissent en fait depuis 1936. Quand le futur réalisateur n’était encore que régisseur ils se retrouvaient à la cantine des studios Saint-Maurice alors que chacun travaillait sur des films différents. Ils se sont revus après la guerre alors que Jean Gabin était en couple avec une certaine Marlène Dietrich. Les deux hommes vont alors très vite s’apprivoiser pour devenir de véritables amis. Si Gabin traversait une sorte de traversée du désert (il restait un nom mais n’attirait plus autant les foules comme avant-guerre), Grangier enchainait lui les tournages sans pour autant dépasser le stade d’un « espoir du métier ». Alors qu’il tournait Jeunes mariés (1953) à Billancourt, un machiniste vient le voir et lui dit : « Il y a Gabin à la porte. Il ne veut pas entrer sur le plateau, pour ne pas te déranger, mais il aimerait te parler. » Il va le voir et Gabin lui dit : « Je tourne sur le plateau d’à côté, avec Madeleine Robinson (Leur dernière nuit de Georges Lacombe – 1953). J’ai été appelé par les films Sirius, des amis à vous. Ils veulent que je fasse un film pour eux et m’ont proposé trois noms de metteurs en scène. J’ai choisi le vôtre. J’espère que ça ira plus loin. »*

Gas-oil - Capture Blu-rayJeanne Moreau en maîtresse d’école

Si La Vierge du Rhin ne sera pas un succès de dingue, il va tout de même permettre à Grangier de franchir ce pallier du bon faiseur qu’il était (tournage dans les temps pour des comédies aujourd’hui un peu désuètes mais qui furent bien souvent des retours sur investissement quasi garantis pour les producteurs) à des productions aux ambitions artistiques et économiques bien plus prégnantes. Quant à Gabin, ce sera un retour sur le devant de la scène confirmé un an plus tard en 1954 avec Touchez pas au grisbi de Jacques Becker. La suite ce sera donc Gas-oil qui s’inscrit dans la mouvance du cinéma français du moment à savoir le film noir à tendance naturaliste qui avait les faveurs du public. Michel Audiard et Jacques Marcerou ont pour ce faire adapté le roman Du raisin dans le gaz-oil de Georges Bayle (Éditions Gallimard Série noire n° 217) pour un film produit par Jean-Paul Guibert qui n’était autre que le beau-frère d’Audiard. Gas-oil raconte l’histoire d’un routier joué par Jean Gabin qui lors d’une nuit roule sur le corps d’un homme. Pensant l’avoir tué, il se rend à la gendarmerie sur les conseils de la femme avec qui il a une liaison (Jeanne Moreau plutôt étonnante en maîtresse d’école d’un petit village d’Auvergne). Ce qu’il ne sait pas encore c’est que l’homme était déjà mort mais que surtout il était activement recherché par les membres d’une bande de gangsters qu’il avait doublé à l’issue d’un hold-up réussi de 50 millions (d’ancien francs). Un peu comme pour Des gens sans importance de Verneuil où Gabin endosse le même habit de routier qui sortira l’année suivante (disponible chez l’éditeur), le naturalisme se niche dans la description à peine édulcorée du quotidien de cette noble France d’en bas. Le noir essayant de draper cet environnement sans y arriver totalement à la différence, par exemple, des films noirs hollywoodiens qui étaient programmés au cinéma au même moment.

Gas-oil - Capture Blu-rayGinette Leclerc en veuve « éplorée »

L’autre différence notable est le choix d’un tournage en extérieur tordant le cou au passage à cette volonté de nous faire croire que tous les films français de cette époque étaient tournés en studio. Jusqu’à cette séquence de fin qui cartographie à la perfection ces petites routes du Puy-de-Dôme via une mise en scène et un découpage orchestré avec une maestria incroyable. Entre-temps Gas-oil se suit avec un plaisir renouvelé qui tient aussi à la richesse des étoffes dont sont faits les seconds-rôles depuis Roger Hanin en chef de bande convaincant jusqu’à Marcel Bozzuffi, jeune routier dont c’était ici un de ses touts premiers rôles, sans oublier Ginette Leclerc en veuve de gangster prête à tout elle aussi pour récupérer le magot. Le plus étonnant a posteriori est la non marque de fabrique que l’on croyait connaître du Audiard dialoguiste. Si Gabin avait adoubé son travail à la simple lecture du scénario alors même que les deux hommes ne se connaissaient pas encore (Grangier provoquant donc la rencontre après coup), bien malin celui ou celle qui non informé à l’avance pourrait affirmer sans hésitation que l’on est bien en face de dialogues signés du « p’tit Cycliste ». Gas-oil n’est pas en effet un film où les bons mots affleurent au détour de chaque plan et où les réparties bien senties peuvent jusqu’à prendre le pas sur l’intrigue même du film. Rien de tout cela ici où tout sent bon le vécu d’une classe sociale ni stigmatisée, ni enjolivée. Les mots choisis sonnent justes et les dialogues qui en découlent finissent de faire basculer le film dans une forme d’atemporalité doublée d’un témoignage à la limite documentariste d’une époque.

Gas-oil - Capture menu Blu-ray

Ce que tente de prolonger cette édition en proposant les actualités de la semaine de sortie du film. Actualités qui étaient diffusées en avant-séance sans oublier les fameuses réclames. Soit le concept même de cette collection dite « La Séance » qui propose donc de se replonger dans une séance type de cinéma de l’époque du film. Cette édition propose aussi un livret qui reprend du matériel publicitaire telle que les affiches (dont une est proposée en sus au format 29 x 23 cm), des articles de presse souvent extrêmement laudateurs voire même la reprise du film sous la forme de roman photos. Toute une époque. Si tout cela est fort sympathique, on reste tout de même sur sa faim. Pas un véritable bonus à se mettre sous la dent qui reviendrait (au hasard) sur l’importance de ce film dans l’histoire de ses trois acteurs (Grangier – Gabin – Audiard) et du cinéma français.

Mais histoire de compenser cette petite déception et pour vous récompenser cher lecteur de nous avoir lu jusqu’ici, on vous a dégoté une petite anecdote découverte dans J’ai connu une belle époque, le bouquin du réalisateur Jacques Deray paru chez Christian Pirot en 2003. Deray a longtemps été 1er assistant réal de Grangier. Nous vous la reproduisons in extenso : « De 1954 à 1960, je suis resté fidèle à Gilles Grangier. C’était un homme de spectacle, respectueux du public. (…) Il m’a transmis sa passion pour les acteurs. Je lui dois ma première rencontre avec Jean Gabin, que comme assistant j’avais la mission de conduire pendant le film Gas-oil. J’allais le chercher avec ma Panhard personnelle. Arrivant sur le plateau, il apostrophait Grangier : Il est bien, ton petit assistant, mais il a une voiture à la con. Je me défonce le cul. »

On se consolera sinon avec le versant technique de cette édition qui délivre une image de toute beauté issue d’une restauration 4K opérée par TF1 Studio en collaboration avec l’éditeur depuis le négatif original. Ce qui frappe surtout est ce très joli équilibre entre la finesse du grain et la définition d’ensemble que cela soit pour les scènes d’intérieurs mais surtout lors des espaces en extérieur rendant vraiment justice aux cadres et à la photo aux contrastes appuyés de Pierre Montazel qui signera aussi celle de Touchez pas au grisbi. La partie son a aussi bénéficié d’un travail soigné permettant au mono encodé ici en DTS-HD Master Audio 2.0 de recouvrer une pêche salvatrice que la voix centrale vient confirmer en délivrant des dialogues d’une clarté sans défaut aucun.

* In Passé la Loire, c’est l’aventure – Gilles Grangier, François Guérif – Acte Sud / Institut Lumière

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français DTS-HD MA 2.0 mono / Audio description
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants débrayables
  • Durée : 1h32min 47s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Journaux des actualités de la 45ème semaine de l’année 1955 (8min 02s – HD)
  • Réclames de l’année 1955 (9min 16s – HD)
  • Bandes-annonces :
  • Un livret reproduisant des documents d’époque (24 pages)
  • 10 reproductions de photos d’exploitations (14,5 x 11,5 cm)
  • La reproduction de l’affiche d’époque (29 x 23 cm)

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