À l'Ouest rien de nouveau - Image une test Blu-ray

À l’Ouest rien de nouveau (1930) en Blu-ray chez Elephant Films

À l’Ouest rien de nouveau (All Quiet On the Western Front) de Lewis Milestone est adapté du roman autobiographique homonyme d’Erich Maria Remarque publié en 1928-1929. Remarque avait servi sur ce front Ouest durant la Première guerre mondiale de 1914-1918 : il en était revenu grièvement blessé. Il donna à son héros Paul son véritable second prénom (Maria était le prénom de sa mère). Il ne réussit pas tout de suite à faire éditer son livre mais, une fois paru sous forme de feuilleton en 1928 puis l’année suivante sous forme de roman, ce fut un énorme succès dont Hollywood voulut immédiatement acquérir les droits d’adaptation. En Allemagne, le parti national-socialiste allemand considéra que le film était injurieux pour l’armée et le fit retirer des écrans : il ne devint visible en Allemagne (et en Italie) qu’en 1956 mais de nombreux Allemands franchissaient la frontière pour le visionner dans les cinémas frontaliers de France, de Suisse et des Pays-bas. Inversement, il fut interdit en Pologne au motif qu’il était pro-allemand. Son titre provient des manchettes de journaux allemands qui exaltaient, pendant la guerre, les succès obtenus sur le front Est mais passaient parfois sous silence les pertes du front Ouest en utilisant cette formule standard en manchettes : « À l’Ouest, rien de nouveau ».

Produit par Carl Laemmle Jr. pour la Universal, À l’Ouest rien de nouveau bénéficia de très gros moyens et obtint l’Oscar du meilleur film : une première dans l’histoire du studio Universal et une première concernant un film parlant à Hollywood.

À l'Ouest rien de nouveau - Affiche

Ce succès orienta inévitablement la carrière de Milestone (né en Moldavie, ayant passé son enfance à Odessa en Ukraine puis devenu étudiant en Belgique et en Allemagne avant d’émigrer en 1914 aux USA avec 6 dollars en poche) : les producteurs lui confièrent ensuite régulièrement des films de guerre, de L’Étoile du Nord (The North Star – 1943) tourné en pleine Seconde guerre mondiale sur la résistance d’un village ukrainien à l’invasion allemande en juin 1941, jusqu’à La Gloire et la peur (Pork Chop Hill – 1959) sur la prise sanglante d’une colline pendant les négociations d’armistice de la guerre de Corée en 1953. On l’a souvent remarqué : Milestone utilise une caméra très mobile, compose de savantes architectures à base de travellings latéraux, d’ellipses temporelles et parfois spatiales. Une partie de ces prouesses provient, en réalité, directement du cinéma muet puisque Milestone tournait des films depuis 1917-1918 : qu’on se souvienne, sur le plan syntaxique, de La Grande parade (The Big Parade – 1925) de King Vidor qui avait d’ailleurs été admiré par le maréchal Joffre, en raison de son réalisme militaire méticuleux ! En revanche, tout comme Fritz Lang ou Alfred Hitchcock à la même époque, Lewis Milestone prend immédiatement la mesure des capacités du montage de l’image sonore : il transforme certains éléments sonores en composantes à part entière du suspense. Un des soldats prévient les jeunes recrues : il y a deux catégories de bombes et on les distingue au bruit qu’elle font. Lors des bombardements, ces effet sonores augmentent l’identification du spectateur aux héros.

Le niveau de la violence graphique à l’écran est élevé car le code de censure d’Hollywood ne s’appliqua vraiment dans toute sa rigueur qu’en 1934, donc quatre ans plus tard. À l’Ouest rien de nouveau est même, de ce fait, peut-être bien un des sommets du cinéma graphique de la violence des années 1930. Ainsi ce plan où deux mains arrachées aux bras d’un soldat tué durant un bombardement, restent accrochées aux barbelés : détail véridique qui avait été raconté à Milestone par un figurant qui avait servi dans l’armée allemande et qu’il décida de montrer. Le souci de réalisme de Milestone (qui avait été documentariste pour l’armée américaine en 1917) fut constant. Il rechercha à Los Angeles des vétérans allemands émigrés capables de le conseiller concernant les usages, les matériels, les tactiques : la séquence nocturne où un fil de fer barbelé est tiré par les nouvelles recrues fut, au geste près, exécutée selon les recommandations d’un de ces émigrés. Sur le plan de la censure érotique, la soirée passée par Paul et ses camarades en compagnie de trois Françaises suggère que Paul fait l’amour, hors-mariage, avec Suzanne, celle dont on le voit embrasser la main : leurs voix échangent d’amoureuses questions à l’ombre d’un lit stylisé. Suggestion impossible à partir de 1934 mais encore possible en 1930 sur un écran hollywoodien, pour les mêmes raisons évoquées ci-dessus. Une anecdote savoureuse sur le plan de l’histoire du cinéma : le soldat français Duval poignardé par Paul dans le trou d’obus est joué par l’acteur américain Raymond Griffith (1895-1957), acteur régulier du cinéma muet qui avait perdu sa voix étant enfant à la suite d’une maladie. Ce rôle de 1930 fut son dernier rôle et ce fut évidemment un rôle muet : celui d’un soldat blessé à la poitrine (ne pouvant donc plus parler) puis d’un mort à la rigidité cadavérique remarquablement imitée durant d’assez longs plans.

À l'Ouest rien de nouveauVous avez dit Chair à canon ?

L’écrivain Erich Maria Remarque reviendra à plusieurs reprises au thème de la guerre : il prendra notamment le front germano-russe de la Seconde guerre mondiale (et l’arrière-front berlinois en ruines) pour sujet de son autre roman Le Temps d’aimer et le temps de mourir (publié en 1954) qui sera adapté au cinéma en 1958 par Douglas Sirk en CinemaScope et couleurs sous le même titre.

PS : Au tableau de la classe, au début du film, sont inscrits le début du premier vers en grec ancien du livre I de L’Odyssée d’Homère (Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ πλάγχθη, ἐπεὶ Τροίης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσε· πολλῶν δ’ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω, πολλὰ δ’ ὅ γ’ ἐν πόντῳ πάθεν ἄλγεα ὃν κατὰ θυμόν, ἀρνύμενος ἥν τε ψυχὴν καὶ νόστον ἑταίρων / « Muse, chante ce héros [Ulysse] qui longtemps erra sur la Terre après avoir détruit la ville de Troie… ») puis un extrait latin du poète romain antique Ovide, Les Remèdes de l’amour, livre I, vers 91 (« Principiis obsta, sero medicina paratur / Combattez le mal dès son début, sinon le remède viendra trop tard… »). Vers la fin de la séquence, on peut lire un troisième élément d’un proverbe romain antique en latin ( « Quidquid agis, prudenter agas et respice finem / Quoi que tu fasses, agis prudemment et souviens-toi du but que tu poursuis »). Ces citations sont prémonitoires du sort qui attend les jeunes lycéens. La première annonce évidemment la guerre et la cruauté de l’après-guerre mais dans le cas de Paul et ses camarades, la paix en question s’avère n’être qu’une permission temporaire ou bien la mort : la citation classique d’Homère ne s’applique donc pas intégralement à leur sort. La seconde citation est ironique : le mal qui les atteint, la passion dont ils souffrent, n’est pas l’amour d’une belle femme mais un amour peut-être excessif de leur patrie pour laquelle ils sont prêts à tous les sacrifices. La troisième citation est d’une ironie encore plus cruelle : en dépit de leur prudence et de toutes les techniques de combat que leur ont apprises leurs officiers, le destin dispose finalement à sa guise de la vie des jeunes hommes. Erich Maria Remarque et Lewis Milestone témoignent ici du niveau culturel des lycéens allemands en lettres anciennes mais les dialogues ajoutent une remarque du professeur au sujet de Paul comme disciple de Goethe et de Schiller, concernant cette fois-ci les lettres modernes : le jeune homme a, en s’inspirant de ces deux écrivains, écrit le premier acte d’une tragédie. Tout cela constitue une sorte d’état des lieux, à valeur documentaire réaliste, de la culture moyenne allemande au début de la Première guerre mondiale. D’une certaine manière, La grande illusion (1937) de Jean Renoir (co-écrit par Charles Spaak), en faisant d’un des prisonniers français un professeur helléniste traducteur émérite du poète grec Pindare, témoignera de la même volonté documentaire culturelle, mais côté français.

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À l'Ouest rien de nouveau - Combo Blu-ray + DVD

Éditeur :Elephant Films
Sortie le :07 décembre 2021  

Au cinéma le : 21 novembre 1930

Résumé : Allemagne, 1914. Des lycéens, galvanisés par un professeur nationaliste, s’engagent dans l’armée au début de la Première guerre mondiale. Ils sont amenés en renfort sur le front Ouest, le front français : sous les drapeaux, ils vont découvrir l’enfer.

Si l’on se penche maintenant sur cette édition Blu-ray on peut affirmer que l’on a affaire niveau image au même master restauré utilisé par l’édition américaine Universal de 2012 : elle était accompagnée d’un module « avant-après restauration » qui permettait de mesurer l’ampleur du travail accompli en matière de nettoyage. Il demeure encore quelques saletés, mais très peu sur 133 minutes (une fine rayure de quelques secondes sur la gauche d’un plan, par exemple mais de mémoire c’est l’unique rayure repérée : honorable pour un titre âgé d’un peu plus de 90 ans). Direction de la photo signée Arthur Edeson dont c’est la grande époque : entre 1924 et 1933, il a notamment signé la photo de plusieurs classiques du cinéma fantastique américain produits par Universal et réalisés par James Whale.

Côté son rappelons d’abord que ce film a été enregistré à l’aube du cinéma parlant. Pour autant, la piste sonore originale a été bien nettoyée. La VF n’est pas d’époque : c’est une VF plus tardive, aux voix inégalement adaptées sur le plan dramaturgique. Notez que les femmes françaises des fameuses séquences du lac et de la soirée amoureuse (autour de morceaux de pains considérés comme de magnifiques cadeaux étant donné la famine qui sévit) s’expriment en français dans la bande-sonore originale américaine. Possibilité de visionner la VO sans STF si on est anglophone et possibilité de changer de piste-son à la volée. Milestone avait délibérément renoncé à la musique pour la version parlante de ce film, jugeant que la tension se suffisait par le seul effet du montage image et son : seul le générique d’ouverture en comporte donc une. En revanche, la version muette offerte en supplément n’est pas si muette que ça : elle comporte des sons synchronisés (comme souvent à cette époque par exemple lors des mouvements de foule) et aussi de la musique (une constante du cinéma muet).

À l'Ouest rien de nouveau

Ce qui nous amène donc à aborder la version muette du film proposée en guise de complément à cette édition. Il s’agit là d’un intéressant document qui témoigne de la période de transition entre cinéma muet et cinéma parlant. Cette version était projetée dans les cinémas qui n’étaient pas encore équipés pour la projection de films sonores. Ici plus de son par conséquent, mais des intertitres ainsi qu’un montage parfois modifié concernant certaines scènes : par exemple dans la caserne, l’exercice humiliant inventé par le facteur devenu sergent-chef. Cette version fut distribuée en décembre 1930 à Paris et un journaliste américain de la revue professionnelle Variety la visionna : il constata que la séquence où Paul tue au couteau un soldat français dans un trou d’obus, était absente. Revers de la médaille : l’état technique de l’image est inférieur à celui de la version parlante.

La présentation du film par Frédéric Mercier est excellente sur le plan esthétique (remarques sur les cadres dans le cadre, sur les travellings latéraux, sur le montage des sifflements des bombes par rapport à la durée des séquences), un peu plus sommaire sur le plan de l’histoire du cinéma mais contenant tout de même de bonnes choses. Mercier ne le signale pas mais la présentation de Osborne (voir paragraphe juste en dessous) confirme un peu sa thèse sur la représentation du chaos et du hasard dans le film de Milestone, concernant sa production elle-même puisque on y apprend que George Cukor, alors directeur du casting, ne pensait pas que Lewis Ayres puisse tenir le rôle principal : tout au plus l’envisageait-il pour un rôle secondaire. Milestone jugea Ayres parfait pour le rôle principal : Ayres obtint le rôle de Paul. Mercier compare la continuité dialoguée du film avec la division des scènes du roman : mis à part le début, considérablement remanié par Hollywood, le reste du film serait très fidèle au roman. Présentation illustrée par des extraits du film.

Enfin, l’introduction de Robert Osborne (présentateur sur Turner Classic) que l’on trouvait déjà sur l’édition américaine Blu-ray Universal de 2012 (qui célébrait les 100 ans du studio Universal) est très brève et est surtout axée sur la carrière de l’acteur Lewis Ayres. Elle a tout de même le temps de livrer quelques informations intéressantes. Osborne signale en effet que Ayres fut par la suite pacifiste et objecteur de conscience mais servit avec les honneurs comme infirmier durant la Seconde guerre mondiale : je me demande si cette histoire hollywoodienne n’a pas inspiré le personnage de l’architecte Paul Kersey joué par Charles Bronson dans le scénario de Un justicier dans la ville (Death Wish – 1974) de Michael Winner d’après le roman de Brian Garfield ?  Simplement, en 1974, Kersey est censé avoir été infirmier et objecteur de conscience durant la Guerre de Corée de 1950-1953, pour des raisons de vraisemblance d’âge. Une grave erreur de sous-titrage vers la fin de cette introduction : il faut lire, lorsque Osborne parle des bonnes relations de l’actrice Olivia de Havilland avec Ayres, non pas l’absurde « The Dam Mirror » (sic) mais La Double énigme (The Dark Mirror – 1946) de Robert Siodmak.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.37:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Anglais et Français DTS-HD MA 2.0 Mono
  • Sous-titre(s) : Français et anglais débrayables
  • Durée : 2h12min
  • 1 BD-50

Bonus :

  • Version muette du film (2h13min – VOST)
  • Le film par Frédérique Mercier (30min – HD)
  • Introduction de Robert Osborne (3min – HD – VOST)
  • Bande-annonce (2min 30s – HD – VOST)
  • Bandes-annonces éditeur

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