Retour - Image une test Blu-ray

Retour (1978) : Coffret Ultra Collector – Blu-ray + DVD + Livre chez Carlotta

Le cinéaste américain Hal Ashby a marqué au fer rouge les années 70. Des films comme Harold et Maude (1971), La Dernière corvée (1973), Shampoo (1975), Bienvenue, Mister Chance (1979) et bien entendu Retour constitueraient en soi une filmographie qu’adorerait faire sienne n’importe quel réalisateur ou réalisatrice normalement constitué. Des films à la fois reflets implacables de leur époque tout en étant dotés d’une telle prescience qu’ils peuvent aussi se voir comme le discours universel d’une humanité plus que jamais à bout de souffle. Retour raconte ainsi pour la première fois au cinéma l’impossible retour à la vie civile de bon nombre de ces soldats américains revenus du conflit vietnamien. Hal Ashby en propose une lecture plutôt crue, sans concession et au plus proche des soubresauts vécus alors par la société américaine dont les plaies sur le sujet sont encore à vif.

Retour - Coffret Ultra Collector 23 - Blu-ray + DVD + Livre

Éditeur :Carlotta Films
Sortie le :20 septembre 2022  

Au cinéma le : 31 mai 1978

Résumé :  Los Angeles, 1968. Capitaine dans les Marines, Bob Hyde part combattre au Vietnam. Voulant se rendre utile en l’absence de son mari, Sally se porte bénévole à l’hôpital des vétérans où elle retrouve un ancien camarade de lycée, Luke Martin, devenu paraplégique. Cet homme brisé, sujet à de multiples accès de colère, retrouve progressivement goût à la vie au contact de la jeune femme…

Retour - Affiche

C’est que Retour sort en février 1978 aux États-Unis – en mai en France – soit trois ans à peine après la fin de la guerre au Vietnam (à titre de comparaison, Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino ne sortira qu’en fin d’année et en mars 79 chez nous) et qu’en creux il dresse le portrait d’un pays meurtri pour ne pas dire groggy mais qui dans le même temps ne veut pas voir la réalité en face. Un pays qui s’enfonce dans une sorte de torpeur dépressive qu’elle ne veut ou ne peut combattre. Un état qui va durer jusqu’en 1981 et l’arrivée de Reagan à la Maison Blanche coïncidant au cinéma avec une approche différente du sujet. Plus question de s’apitoyer sur son sort ou de mettre en avant la défaite militaire mais bien de prendre sa revanche à l’écran. Un revirement symbolisé par la saga Rambo dont le premier opus est avec le recul le film qui fait le lien avec les deux époques. Dans Retour on n’en est pas encore là. Et Hal Ashby de poser sa caméra là où ça fait mal – un hôpital dédié aux mutilés du Vietnam – pour donner la parole à quelques-uns des acteurs principaux de ce qu’il nous présente immédiatement comme une tragique mascarade géopolitique.

Retour - Capture Bonus Blu-rayHal Ashby

On parle ici de la toute première séquence du film. On y voit et surtout entend de véritables vétérans tous plus ou moins amochés jouant autour d’une table de billard. On sent tout de suite que si la caméra d’Hal Ashby ne rate rien de ces échanges, ceux-ci naviguent plus du côté de l’improvisation travaillée que de dialogues mûrement réfléchis, écris et répétés. Pour autant, ces trois minutes d’intro ne flirtent pas tout à fait avec le documentaire. C’est qu’y apparaît vers la toute fin l’un des personnages centraux du film interprété par Jon Voight. Il est en retrait, il écoute et il est paraplégique. Il est en fait celui qui fait le pont entre le spectateur, les acteurs et l’histoire qui va se dérouler sous nos yeux. Un procédé propre ici à Hal Ashby qui n’aura de cesse de par sa mise en scène de repousser les limites du concept. Un peu comme s’il voulait casser ce fameux « quatrième mur » bien connu des metteurs en scène de théâtre.

Retour - Capture Blu-rayPlan de la première séquence du film (Capture cliquable issue du Blu-ray)

C’est que Retour se veut d’abord comme une expérience immersive afin que chaque spectateur puisse véritablement toucher du doigt le délabrement physique et psychologique conséquence d’une guerre pour laquelle il n’y avait aucune chance, à la différence de leurs aînés partis combattre le nazi en Europe ou le japonais dans le Pacifique, d’en revenir en héros. En guise de contrepoint, Hal Ashby introduit dans la foulée le personnage de Jane Fonda. Femme d’officier qui se retrouve seule et isolée après le départ enthousiaste de son mari au front, la voici qui s’investit dans l’hôpital que nous avons découvert au début. Au contact de ces vétérans concassés, le personnage de John Voight en tête, son regard sur ce conflit change et s’affirme pour finir par s’émanciper de sa condition contrite à la fois sexuelle et sociale de femme de militaire. La démarche du film est donc double avec pour seule finalité de tenter de réunir une Amérique alors totalement divisée. Un vœu pieux certes mais c’est aussi de cette utopie que s’est repaît ce que l’on appelle aujourd’hui la période du Nouvel Hollywood dont Hal Ashby est sans aucun doute l’un de ses représentants les plus emblématiques. Et à l’écran cela donne quelque chose de racé, sobre mais aussi fougueux et fiévreux, le tout porté par des acteurs totalement habités.

Retour - Capture Bonus Blu-rayJane Fonda

Ce qui pour Jane Fonda n’était absolument pas une implication posture le temps d’un film puisqu’elle était dans le civil une militante acharnée contre une guerre honnie et incessamment combattue. Elle est d’ailleurs pour la petite histoire à l’origine même du film. Nous n’aurons pas la prétention ici de revenir sur tout le cheminement de Retour qui a mis bien des années à se faire. Il y a pour cela le texte de Jean-Baptiste Thoret qui agrémente les 160 pages du livre présent au sein de ce coffret. Au passage, on n’a jamais rien lu d’aussi passionnant, complet et définitif au sein d’une édition regroupant ainsi film et livre. Car oui L’Esprit retrouvé peut véritablement se targuer de l’appellation « livre » tant il regarde dans les yeux n’importe quelle publication cinéma du moment. Tout y est : contextualisation de l’époque entre Nouvel Hollywood, Vietnam et le personnage emblématique de Jane Fonda. La mise sur rail de Retour, l’évolution du scénario, l’arrivée de Hal Ashby alors qu’originellement c’était John Schlesinger alors auréolé du succès de Macadam Cowboy (1969) qui devait le réaliser, le casting ou encore les soubresauts lors du tournage font bien entendu partie des passages obligés de ce genre d’exercice quand on veut revenir sur les coulisses de la production d’un film. Mais ce qui fait le sel pour ne pas dire l’âme de ce livre, c’est cette propension qu’à Thoret de nous faire partager à la fois son admiration infinie envers un réalisateur qu’il qualifie de cinéaste le plus « chimiquement pur » du Nouvel Hollywood et pour un film qui continue à l’évidence de le bouleverser.

Retour - Capture Blu-rayJon Voight (Capture cliquable issue du Blu-ray)

Forcément, les bonus vidéo que Carlotta est allé récupérer de la première édition DVD MGM parue en 2002 aux États-Unis et en 2004 chez nous sembleront bien pâles en comparaison. Pâles mais conservant tout de même un certain intérêt puisqu’ils permettent d’entendre un peu tout le monde à commencer par un Bruce Dern (l’époux de Jane Fonda dans le film), 66 ans à l’époque, qui considérait que son personnage et ce film restaient des marqueurs indélébiles dans sa vie. Une parole d’autant plus précieuse qu’il n’est pas présent au sein du documentaire Hal Ashby, l’insoumis du nouvel Hollywood réalisé en 2018 par Amy Scott. Un doc où pourtant tout le gotha hollywoodien ayant travaillé de près ou de loin avec le réalisateur ainsi que des cinéastes en activité en admiration de son travail, défilent devant la caméra. Un doc que devait sortir en mars 2019 UFO dans les salles françaises mais COVID oblige, cela ne fut jamais le cas. Autant dire que l’on est particulièrement heureux de le découvrir ici car voilà un film que l’on peut qualifier de définitif sur un cinéaste encore un peu sous-coté chez nous. Et puis il donnera envie de (re)découvrir toute sa filmo même les longs métrages un peu moins emblématiques de sa fin de carrière surtout à l’aune des différentes contextualisations qui y sont exposées. Hal Ashby, l’insoumis du nouvel Hollywood n’est en effet pas qu’un film hommage (bien mérité ceci dit) mais aussi une étude à peine voilée du Hollywood de la fin de l’âge d’or des Studios (Hal Ashby fait ses premières armes en tant que monteur à la fois pour des prods ciné indépendantes – Il remporte ainsi l’Oscar pour Dans la chaleur de la nuit (1967) de Norman Jewison – ou pour la télé devenue incontournable), du Nouvel Hollywood et de la fin des idéaux marqués par l’arrivée des blockbusters. Tout simplement passionnant.

Ce coffret glane définitivement ses galons d’Ultra Collector avec sa partie technique qui n’est donc pas en reste. L’image ainsi proposée est issue d’un master HD déjà utilisé en 2014 chez Kino Lorber aux États-Unis qui tient encore plus que bien la route. Ce qui nous fait dire que quand le travail est à la base bien fait, on n’est pas toujours obligé de passer par de la restauration 2K ou 4K (pour du Blu-ray simple s’entend bien entendu). La définition est ainsi au rendez-vous, le tout associé au grain pellicule caractéristique de cette époque. La photo signée Haskell Wexler (présent au demeurant au sein du doc sur Hal Ashby) est ainsi superbement mise en valeur. Haskell Wexler avait appris à connaître Hal Hashby depuis Dans la chaleur de la nuit où il officiait déjà en tant que directeur de la photo. Retour prolongeait une deuxième collaboration initiée en 1976 avec En route pour la gloire (Bound for Glory) pour laquelle il fut d’ailleurs récompensé d’un second Oscar après celui obtenu pour Qui a peur de Virginia Woolf ? de Mike Nichols en 1967. Après Retour les deux hommes se retrouveront encore sur deux autres films que Hal Ashby réalisera dans les années 80. La photo de Haskell Wexler que l’on pourrait qualifier d’intemporelle en ce sens qu’elle ne veut pas s’inscrire dans son époque sans pour autant accoucher d’une image passe partout, est assez remarquable dans sa propension à prolonger l’image d’une société où si en apparence tout semble à sa place, les fractures sont profondes et déjà irréversibles. Un constat qui ne s’est d’ailleurs jamais démenti depuis. Au contraire.

Retour - Capture Bonus Blu-ray

Un petit mot enfin sur la partie son où Carlotta propose la VF d’époque au rendu… d’époque mais qui satisfera à n’en pas douter les aficionados des doublages. On lui préfèrera la VO elle aussi encodée en DTS-HD MA 2.0 mono. On précise bien 2.0 étant entendu que le recto de la jaquette mentionne plutôt 1.0. Ce n’est pas ce que notre ampli a décodé à tel point d’ailleurs que l’on s’est même demandé si nous n’étions pas en présence d’une bonne vielle stéréo tant l’ouverture et l’amplitude sonore lors de certains passages a bluffé nos enceintes-arrières. D’autant que la précision des dialogues délivrée par l’enceinte centrale est elle aussi étonnante. Le tout donne une écoute véritablement immersive à la hauteur des enjeux d’un film devenant de facto plus que jamais indispensable dans tout bonne Blu-raythèque qui se respecte.

Bonus : Si vous deviez découvrir ce réalisateur avec Retour et que vous auriez envie de prolonger avantageusement la chose toujours en Blu-ray, nous vous conseillons les titres et les éditions suivantes :

  • The Landlord (Le Propriétaire – 1970) en import chez Kino Lorber depuis le 14 mai 2019 qui propose un très joli master restauré en 2K. Mais attention pas de VF ni de STF. Film à découvrir au message toujours d’actualité avec un formidable Beau Bridges.
  • Harold et Maude (1971) chez Paramount depuis le 8 décembre 2021 qui propose un master issu d’une restauration 4K enterrant de facto l’édition de 2013 chez ce même éditeur ainsi que le master HD de très bonne tenue utilisé en 2012 chez Criterion. Film incontournable dans la filmo d’Hal Ashby et dans la période du Nouvel Hollywood.
  • The Last Detail (La Dernière corvée – 1973) en combo Blu-ray et Blu-ray 4K import chez Shout Factory depuis le 25 octobre 2022. L’éditeur propose un master issu d’une toute récente restauration 4K qu’il a donc décliné en Blu-ray et en Blu-ray 4K. Impossible de vous en dire plus car nous n’avons pas eu cette édition entre les mains (peut-être sous le sapin qui sait). Nous sommes toutefois sceptiques sur le rendu possible d’un tel film en 4K (annoncé en Dolby Vision et HDR10) au regard de la photo et de la tessiture d’ensemble de l’image très « low key » avec un grain omniprésent. En attendant qu’un éditeur bien intentionné se décide en France à le sortir ainsi, seul un DVD édité en 2013 par Wild Side au sein de feu sa collection Les Introuvables existe. La Dernière corvée est un film essentiel dans la carrière d’Hal Ashby qui annonce Retour. Il a pour acteur principal (avec Otis Young et Randy Quaid) Jack Nicholson avant qu’il n’éclate définitivement à la face du monde dans Chinatown de Roman Polanski en 1974 et l’année suivante avec Vol au-dessus d’un nid de coucou de Miloš Forman.
  • Shampoo (1975) chez Carlotta depuis le 6 mai 2019 qui propose un master issu d’une restauration 4K. Le même master qui a servi chez Criterion pour son édition parue en 2018. Warren Beatty en coiffeur tombeur de ces dames dans une Amérique sur le point d’élire Richard Nixon alors que le film sort au moment de l’affaire du Watergate. Tout un programme.

Retour - Capture Bonus Blu-rayHal Ashby et Warren Beatty

  • En route pour la gloire (Bound for Glory – 1976) depuis le 7 août 2018 chez ESC qui propose un master à oublier datant du début de la précédente décennie en direct de chez United Artists. Mais c’est à ce jour la meilleure façon de (re)voir ce très beau film que Clint Eastwood devait certainement avoir en tête quand il réalisera Honkytonk Man en 1982.
  • Being There (Bienvenue, Mister Chance – 1979) en import chez Criterion depuis le 21 mars 2017 qui le propose issu d’un master restauré 4K de toute beauté. C’est en ce qui nous concerne le film absolu de Hal Ashby. On y retrouve tous ses thèmes, toutes ses obsessions dans un film à la frontière de l’onirisme et de la critique acerbe d’une société capitaliste annonçant déjà les années Reagan. C’est avec un immense Peter Sellers au sein d’une édition définitive. Seul bémol pas de VF ni de STF. En France, il n’existe qu’un DVD édité par Warner en 2003 où le master proposé est à la limite du regardable. C’est peu de dire que l’on désespère de voir arriver un jour le Blu-ray chez nous.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.85:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Anglais et français DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français
  • Durée : 2h07min 58s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Retour sur Retour : entretiens avec Jon Voight, Bruce Dern et Haskell Wexler (24min 53s – HD – VOST – 2002)
  • Hal Ashby, un homme hors du temps : hommage à Hal Ashby par Jon Voight, Bruce Dern, Haskell Wexler et Norman Jewison (15min 23s – HD – VOST – 2002)
  • Hal Ashby, l’insoumis du nouvel Hollywood : documentaire réalisé par Amy Scott (90min 35s – HD – VOST – 2018)
  • Bande-annonce (2min 03s – HD – VOST)
  • Le livre L’Esprit retrouvé – Retour de Hal Ashby par Jean-Baptiste Thoret avec 50 photos d’archives (160 pages)

Retour - Cover du livre L'Esprit retrouvé

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