Light Sleeper - Image une test BD

Light Sleeper (1992) de Paul Schrader en Bu-ray – Collection Make my day !

Paul Schrader cinéaste semble jouir en France de la même considération que le Schrader scénariste. Il suffit d’écouter Jean-Baptiste Thoret en préface et Nicolas Saada dans sa longue analyse du film pour s’en convaincre. Tous deux ne tarissent pas d’éloges sur son travail et sur la trace déjà indélébile qu’il laisse et qu’il continue de laisser dans l’histoire du cinéma. Light Sleeper constituant d’ailleurs à leurs yeux un jalon essentiel et évident dans ce constat. On sera quant à nous beaucoup plus mesuré.

Light Sleeper

Éditeur :StudioCanal
Sortie le :23 mars 2023  
Catégorie :Make my day !

Au cinéma le : 17 mars 1993

Résumé :  John LeTour, 40 ans, est un solitaire qui traîne dans New York apparemment sans but. Refusant tout engagement, LeTour gagne sa vie en dealant de la drogue. Mais l’heure du bilan semble avoir sonné. La police le surveille davantage ; ses clients lui paraissent de plus en plus paumés et la culture de la drogue appartient désormais au passé. Il est temps pour LeTour de changer de vie, de se remettre en question. John LeTour commence alors un difficile parcours où il sera confronté à son destin, au danger et peut-être à la mort…

Light Sleeper - Affiche

C’est que quand on cite Paul Schrader nous vient immédiatement à l’esprit et au hasard Taxi Driver (1976 – Martin Scorsese), Obsession (1976 – Brian De Palma) ou encore À tombeau ouvert (1999 – Bringing Out the Dead – Martin Scorsese). Soit l’un, sinon le plus emblématique des accoucheurs d’histoires des décennies 70, 80 et 90 à Hollywood. Un rôle qui va bien au-delà du scénariste dont le job est dans la majorité des cas de mettre à dispo un outil à la fois suffisamment souple et suffisamment dirigiste pour que le réal puisse garder le cap pendant toute la durée du tournage. Avec Schrader cet outil devient matrice pour ne pas dire la clé de voute imputrescible du film. En dévier d’une virgule et le film explose telle une supernova. Un scénario signé Paul Schrader se lit d’ailleurs comme un bouquin qui vous prend par la main dès la première ligne pour vous larguer en rase campagne au point final.

L’écueil avec ce genre de matériau est qu’il faut derrière la caméra un(e) cinéaste disposant d’une sacrée vision à même d’en dompter les moindres aspérités pour les faire siennes. Quelque chose qui pourrait s’apparenter à une lutte incessante qui ne peut qu’entrainer la perte du film si l’un ou l’autre l’emporte à la fin du montage. Et quand ça marche cela donne lieu à de véritables miracles de celluloïd tel que Raging Bull (1980) pour lequel Martin Scorsese était d’ailleurs sorti rincé. Et forcément un scénariste d’une telle trempe ne peut que se destiner à un moment ou un autre à mettre en image ses propres histoires. Et c’est là que pour nous le bât blesse. Car on aimerait bien citer un film de Paul Schrader derrière la caméra qui ait traversé les décennies avec autant d’évidence que ceux précédemment cités où il n’est « que » scénariste. Le plus connu reste sans aucun doute American Gigolo réalisé en 1981 qui va définitivement propulser Richard Gere au rang de star. Pour les plus cinéphiles il y a aussi Blue Collar, son premier long datant de 1978 qui reste un uppercut indéniable et sans concession sur le monde ouvrier et le syndicalisme étasunien à une époque où le « Nouvel Hollywood » tire déjà sa révérence.

Pour le reste citons encore La Féline que Schrader réalise en 1982 avec l’incandescente Nastassja Kinski qui est certes devenu culte mais que le (re)visionnage aujourd’hui en dégrisera / décevra plus d’un(e). Trois films que nous mentionnons spontanément au sein d’une filmographie comptant à date 22 long-métrages qui n’ont que peu marqués l’inconscient collectif. Si un (bon) film ne se juge pas forcément et/ou uniquement à l’aune de la patine du temps, disons que cela y contribue un tantinet tout de même. Et si Light Sleeper a pu marquer les aficionados du cinéaste jusqu’à devenir une sorte de « film doudou », les autres resteront pour toujours sur le bas-côté. Pour Thoret, Light Sleeper clôturerait en effet un triptyque initié justement par Blue Collar et American Gigolo. Pour être tout à fait honnête, nous, on cherche encore sauf s’il faut voir dans le personnage de dealeur des beaux quartiers new-yorkais joué par Willem Dafoe une sorte d’ouvrier des basses œuvres sociales qui fait sa pute pour permettre aux nantis de se divertir. Le tout dans une atmosphère et une photo finalement assez eighties rappelant oui pourquoi pas la stylisation formelle et outrancière déjà vue dans American Gigolo.

Une fin de triptyque aussi parce que notre héro veut passer à autre chose et s’affranchir de sa condition qui si à l’orée des années 80 était porteuse d’espoir s’est depuis fracassée à l’aune de la réalité des années 90. Tel un drogué qui après une défonce au long cours ferait une descente vertigineuse et sans fin, il serait le symbole d’une génération non pas sacrifiée mais déchue. Et pour accentuer ce malaise, Schrader filme un décor qu’il connaît bien. Ces rues de New-York encombrées ici de détritus du fait de la grève des éboueurs (le parisien et le marseillais connaissent) lui permettent bien entendu de filer sa métaphore tout du long. La ville expurge comme elle le peut ce qui la gangrène depuis toujours. Forcément, cette analyse a de quoi caresser le cinéphile dans le sens du poil. Mais franchement dans le genre New York de nuit qui ferait corps avec le personnage principal en proie à des velléités de rédemption, on a vu beaucoup mieux auparavant. Au hasard avec The King of New York d’un certain Abel Ferrara qui deux ans plus tôt promenait lui aussi sa caméra dans les méandres d’une ville dont on pensait connaître les moindres recoins. Et à la différence de Willem Dafoe qui ne fait que traîner son spleen bobine après bobine, Frank White / Christopher Walken a compris qu’une page s’est tournée et que la ville qui fut sienne il y a encore quelques années l’a destitué et banni.

Light Sleeper rate pour nous le coche du film témoin d’une époque et d’un lieu. Il suffit juste de se rappeler de la série New York Police Blues créée par Steven Bochco et David Milch qui dès 1993 saura elle capter les mutations d’une ville au sein d’une décennie où celle-ci aura pris un virage dont les fruits se font encore sentir aujourd’hui. Rien de tout cela ici sinon que Schrader, tout comme son personnage, a bien du mal à tirer un trait sur un passé récent, ne sait quoi nous dire sur le présent et envisage un futur désillusionné qui à rebours fait bien toc. Non, Messieurs Jean-Baptiste Thoret et Nicola Saada on ne voit pas pourquoi et comment Light Sleeper s’arrogerait le droit de film témoin. Tout juste pourra-t-on lui accorder celui de film poseur et quelque peu vaporeux pour ne pas dire… chiant.

Mais comme on l’a plus ou moins laissé entendre, leurs deux interventions sont passionnantes car avec leur enthousiasme respectif, ils savent donner envie de se confronter encore et encore aux œuvres qu’ils défendent. Ce qui d’un coup d’un seul rehausse l’intérêt de cette édition d’autant que la partie technique est plutôt respectueuse d’une photo, on l’aura compris, à 95% diurne et très travaillée dans les bleus (en extérieur) et les rouges (en intérieur). Certes, si le master n’est pas exempt de défauts, il tient la route pour son âge et permet d’apprécier Light Sleeper comme si on le découvrait en deuxième semaine d’exploitation quand la copie utilisée par le cinéma commençait tout juste à fatiguer. Enfin on précisera que ce Blu-ray ne propose que la VO. Le film ayant eu les honneurs de la salle, on imagine qu’il existe forcément une VF mais on n’en a aucune certitude. Si celle-ci existe, StudioCanal ne l’a pas retrouvé. Quoi qu’il en soit la VO encodée en DTS-HD MA 2.0 mono est à la fois claire, directive et pour tout dire assumée.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.85:1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Anglais DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français
  • Durée : 1h43min 15s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus :

  • Préface de Jean-Baptiste Thoret (9min 14s – HD – 2023)
  • Light Sleeper revu par Nicolas Saada (39min 27s – HD – 2023)

  Lâchez-vous !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *