Un homme à genoux - Image une test BD

Un homme à genoux (Un uomo in ginocchio – 1979) en Blu-ray chez Artus Films

Plus d’un an après la sortie du coffret Blu-ray dorénavant épuisé intitulé Justice . Politique . Corruption – La Trilogie de Damiano Damiani qui proposait Nous sommes tous en liberté provisoire (1971), Comment tuer un juge (1974) et Goodbye & Amen (1978) que nous avions chroniqué ici, voilà que l’éditeur Artus Films remet le couvert avec Un homme à genoux, cinquième et avant-dernier dernier volet consacré à la mafia dans la filmo du cinéaste italien au sein d’un Blu-ray certes imparfait mais plus que recommandable.

Un homme à genoux

Éditeur :Artus Films
Sortie :01 octobre 2024  

Au cinéma le : Inédit

Résumé :  Sorti de prison, Nino, un petit truand sans envergure, a décidé de se ranger. Mais quand il se rend compte que, dans son quartier, rôde un tueur à gages, il est convaincu d’en être la cible. Il va devoir renouer avec son passé criminel pour faire face à ce danger.

Un homme à genoux - Affiche italienne

Le premier, La Mafia fait la loi qu’il réalise en 1967 (disponible chez StudioCanal dans la collection Make My Day !), montrait la collusion entre l’organisation criminelle et les autorités locales d’une petite ville de Sicile au dépend d’une enquête de meurtre menée par un jeune capitaine de police fraîchement débarqué. Film qui provoqua un scandale à l’époque doublée d’une interdiction aux moins de 18 ans. Seule contre la mafia en 1970 (disponible uniquement en Blu-ray import) brisait quant à lui le fantasme populaire d’une mafia protectrice des petites gens envers l’appareil étatique. On y voyait en effet la toute jeune Ornella Muti (14 ans), fille de paysan, refuser un mariage arrangé avec un jeune chef de la mafia locale qui, humilié, la viole. Ne voulant pas accepter son destin, elle porte plainte. Une action inédite au sein d’une société patriarcale et machiste qui lui vaut l’opprobre de son village et de sa propre famille. Une histoire inspirée de faits réels qui a tenu en haleine tout le pays dans les années 60 et que Damiano Damiani a magistralement portée à l’écran sans pour autant connaître un franc succès. À la différence de Confession d’un commissaire de police au procureur de la république l’année suivante (existe uniquement en DVD chez M6 Vidéo) qui, au-delà de faire un carton, montrait là aussi pour la première fois les liens plus que troubles et dangereux qu’entretenait la mafia avec les plus hautes sphères du pouvoir. À la différence de La Mafia fait la loi où l’action n’impliquait que des acteurs locaux de petites envergures, on est ici à Palerme, une des plus grandes villes d’Italie où la corruption, la manipulation et les conflits d’intérêt semblent être légion. C’est avec ce film que la mafia glane le surnom de la « pieuvre ». Terminologie qui sera au demeurant le titre en VO  de la série culte italienne des années 80 dont Damiano Damiani assurera la réalisation des épisodes de la première saison. Comment tuer un juge (1974), présent donc dans le coffret cité en introduction, voulait certainement faire amende honorable avec cette histoire où le Procureur de la République qui semble être sous la coupe de la mafia est assassiné à l’issue du premier tiers du film. Mais les apparences sont trompeuses obligeant un cinéaste militant et à succès de mener une enquête qui va bouleverser ses convictions à l’égard des puissants du pays. Un film incompris à l’époque par ses compatriotes et qui ne sortit pas en France.

Tout comme Un homme à genoux qui pour la petite histoire est un inédit absolu en France puisqu’il n’existe même pas une VHS ce qui explique au demeurant pourquoi le Blu-ray ne propose que la version originale italienne. Comme le disait Omar Sy, pas de sortie cinéma, pas de doublage. Un homme à genoux repositionne le débat sur la mafia au niveau des classes les moins aisées mais cette fois-ci de l’intérieur et en suivant leur quotidien. Un ancien repris de justice rangé des voitures (c’était sa spécialité de piquer des bagnoles justement pour les refourguer à la pègre locale), marié, deux enfants et tout juste propriétaire d’un petit kiosque à journaux où il sert aussi du café et des boissons, se retrouve impliqué bien malgré lui dans une affaire crapuleuse de kidnapping avec rançon impliquant la mafia locale. Il tente avec l’énergie du désespoir de se dépêtrer de cet imbroglio alors que dans le même temps il repère le tueur à gages qu’il soupçonne d’avoir été engagé pour l’éliminer.

Damiano Damiani a affirmé que c’était l’un de ses films préférés et on peut aisément le comprendre tant sa mise en scène est aérienne, favorisant les plans-séquence caméra à l’épaule tout en faisant de la ville de Palerme un personnage à part entière. Et ce dès le générique où le personnage principal joué par Giuliano Gemma est filmé en longue focale et de haut en train de se frayer laborieusement un chemin dans le fameux marché de La Vucciria. On n’est pas loin d’une attention ici toute néo-réaliste. Damiani poursuit cette impression avec l’appartement du couple à la fois majestueux et décrépi. Sans parler de la météo avec ce ciel obsessionnellement bas et gris jusqu’à cette séquence de fin où dans la montagne le brouillard est omniprésent et la terre est grasse. Palerme n’est ainsi pas montrée telle une ville de carte postale, c’est une entité organique, vivante qui broie ses enfants sans une once de remord ou de pitié.

Il y a aussi ici une attention toute particulière portée sur les jeux des acteurs à commencer par le couple proie / victime dont les statuts vont fluctuer tout au long du film. On a mentionné Giuliano Gemma, ami de Damiano Damiani mais dont c’était la première collaboration ensemble. Giuliano Gemma était devenu une star en Italie avec son personnage de Ringo dans les deux westerns transalpins Un pistolet pour Ringo (1965) et Le Retour de Ringo (1965) signés Duccio Tessari et édités au passage en Blu-ray par Artus Films. En face il y a Michele Placido qui commençait à s’imposer en tant qu’acteur mais que la suite de sa carrière portera plutôt derrière la caméra. Les plus avisés savent donc forcément qu’il est le réalisateur du fameux Romanzo criminale (2005) et que son dernier film, Caravage, est sorti chez nous en 2021.

Damiano Damiani aimait avoir ses acteurs sous la main en amont afin de les faire répéter et de fait Un homme à genoux c’est plusieurs semaines de préparation avec un Giuliano Gemma qui coûtait cher à l’époque puis deux mois de tournage. C’est peut-être la dernière fois que le réalisateur disposera d’une telle latitude. C’est que si le film ne rencontrera pas son public, les temps changent aussi avec une désaffection générale pour le cinéma de plus en plus concurrencé par la télévision. Nous sommes au début des années 80 et le spectateur italien se reconnaît de moins en moins dans les films de plus en plus pessimistes et noirs projetés au cinéma. Damiani Damiani n’y coupe pas. Après Un homme à genoux, il enchaine avec L’avvertimento qu’Artus espère proposer bientôt en Blu-ray où il collabore une nouvelle fois avec Giuliano Gemma. L’histoire d’un inspecteur de police que l’on essaye de corrompre alors qu’il mène une enquête délicate de meurtres dans le milieu des affaires et des banques en lien avec la mafia. Ce sera son chant du cygne cinématographique sur ce thème. Les propositions s’amenuisent ce qui va l’amener à travailler pour la télévision avec la série La Mafia (La piovra) en 1984 qui va cartonner niveau audience.

Un homme à genoux fut aussi peu apprécié par la critique de l’époque qui faisait un distinguo (et qui le fait toujours) entre les Damiani, Lenzi, Tessari, Di Leo… et les réalisateurs dits « nobles » tels que Federico Fellini, Luigi Comencini ou encore Francesco Rosi. Celui-là même qui en seulement trois films avait marqué les années 70 : L’Affaire Mattei (1971) et Cadavres exquis (1975) remettaient ainsi en cause la légitimité de la démocratie italienne décrite par le haut et dirigée par des hommes corrompus ou manipulés par des rouages opaques quand Lucky Luciano (1973) dressait le portrait du plus puissant des gangsters italo-américains en  surfant à n’en pas douter sur la vague du Parrain de Coppola. Il serait donc plus que temps de remettre l’église au centre du village comme on dit et d’ainsi réévaluer le travail de Damiano Damiani dans un domaine et des thématiques qui n’ont rien à envier avec le cinéma de Rosi justement. Lui qui est encore considéré comme un bon faiseur ou un artisan de la série B de genre est en fait bien plus que cela et le Blu-ray édité par Artus y contribue en partie.

On est en effet heureux de pouvoir enfin découvrir ce film avec des sous-titres français. Comme on le disait plus haut, Un homme à genoux est totalement inédit chez nous. Des DVD ont été édités mais uniquement en Italie et forcément si on ne maîtrise pas la langue c’est compliqué. Le master proposé est annoncé comme étant issu d’une restauration effectuée depuis le négatif original comme l’explique le carton d’avant film (en italien). On a une image au format 1.85 qui ne manque pas de détails et de précision mais pas toujours. Des séquences entières peuvent en effet présenter une impression plus « soft » que nous attribuons sans l’ombre d’un doute aux intentions initiales de la photo voulue par Damiani. On a pu aussi remarquer un problème de pellicule qui se matérialise en une belle ligne venant lézarder l’image à la verticale (capture cliquable en guise d’illustration ci-dessous). Et puis il y a cette fin dans la montagne où le grain est omniprésent, où l’image est dure, où les teintes sont monochromes allant vers le gris et où la définition transcende l’action se déroulant sur l’écran. Le seul bémol est cet artefact de compression assez visible au centre de l’image. Est-ce dû à la copie ? Un problème d’encodage ? Nous sommes dans l’expectative. Ce qui est certain par contre c’est que ce « défaut » est visible à l’identique sur le Blu-ray UK d’Un homme à genoux que vient aussi de sortir l’éditeur Radiance Films.

Un homme à genoux - Capture Blu-ray Artus montrant un défaut de pellicule

Rien à dire du côté du son d’autant que l’on a droit à du PCM 2.0 mono, soit le format sonore le moins compressé possible sur un Blu-ray. Ce qui donne à entendre un environnement des plus agréable entre précision, équilibre et punch quand l’action s’emballe.

On sera malheureusement moins convaincu côté bonus. Outre la bande annonce uniquement en italien (on vous a mis sur notre chaîne YT et visionnable ci-dessous celle qui est proposée chez Radiance Films en italien sous-titré anglais – c’est déjà ça) et un diaporama d’affiches et de photos des plus faméliques, Artus a réalisé une présentation du film par le spécialiste maison Curd Ridel déjà aux manettes sur les compléments du coffret Damiano Damiani. Initiative forcément bienvenue mais qui malheureusement dans les faits nous apparaît quelque peu vain. C’est que Curd Ridel passe la majeure partie du montage de 26 minutes à détailler la filmo de chaque acteur façon encyclopédie du cinéma ou Wikipédia. C’est pour le moins limité pour ne pas dire inintéressant. On aurait préféré une contextualisation du film dans la production italienne de l’époque ou tout du moins au sein de ce que proposait le cinéma italien sur la thématique de la mafia ainsi qu’au sein de la filmo de Damiano Damiani. Des infos au demeurant exposées et commentées par Alberto Pezzotta, le biographe italien du réalisateur que Radiance Films a interviewé pour son Blu-ray et qui nous ont servies pour la rédaction de cette chronique. Nous ne jetterons pas la pierre à Artus tant le marché français pour ce genre de film est plutôt circonscrit avec un retour sur investissement forcément plus qu’aléatoire. Et puis la qualité du bonus proposé ne dépend finalement pas d’eux. Si le jour de l’interview Curd Ridel n’était pas plus inspiré que cela, que peut y faire l’éditeur ? D’expérience d’intervieweur, on sait de quoi on parle.

Au final, que cela ne vous empêche pas de vous jeter sur cette édition. Un homme à genoux est de ces films qui méritent un visionnage en règle ne serait-ce que pour tordre le cou à la croyance d’un Damiano Damiani à ranger du côté de ces cinéastes qui se sont laissés portés par les modes cinématographiques de son pays. Sa filmo que l’on redécouvre enfin et qu’explore Artus Films l’infirme magistralement à chaque nouvelle édition Blu-ray.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.85.1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Italien PCM 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français
  • Durée : 1h50min 23s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus (en HD) :

  • Ennemis rapprochés : présentation du film par Curd Ridel (2024 – 26min 51s)
  • Diaporama d’affiches et photos (30s)
  • Bande-annonce d’époque (3min 05s – VO)

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