Les Bourreaux meurent aussi - Image une test BD

Les Bourreaux meurent aussi (1943) en Blu-ray chez Rimini

Les Bourreaux meurent aussi reste un film majeur dans la carrière de Fritz Lang. Pas son meilleur, loin de là, mais celui qui peut se revoir à un intervalle régulier pour toujours y déceler une résonance avec le monde qui nous entoure. C’est que traiter de la résistance face à l’oppression reste une valeur malheureusement sûre. Quelles que soient les époques, quelle que soit sa forme, voilà en effet une thématique qui n’en finit pas de faire sens et ce n’est pas parce que Les Bourreaux meurent est un film antinazi à la sauce hollywoodienne qu’il faut le cantonner à sa période de réalisation et surtout au sujet qu’il traite. Cette nouvelle édition double Blu-ray de chez Rimini est incidemment là pour nous le rappeler.

Les bourreaux meurent aussi - Version longue - 2 Blu-ray + DVD

Éditeur :Rimini Editions
Sortie :26 février 2025  

Au cinéma le : 27 août 1947

Résumé : Le , pendant l’occupation nazie de la Tchécoslovaquie, le chirurgien Franticek Svoboda assassine le Reichsprotektor Reinhard Heydrich dans les rues de Prague. Mais le chauffeur de la voiture dans laquelle il devait prendre la fuite est appréhendé, Svoboda fuit à pied, se cachant sous un porche, il voit une jeune femme indiquer volontairement aux Allemands une fausse direction, puis rentrer chez elle à deux pas. Ne sachant où s’abriter alors que l’heure du couvre-feu approche, Svoboda sonne chez la jeune femme (Macha) et sa famille l’accueille pour la nuit. Le lendemain, la Gestapo appréhende le père de Macha ainsi que des jeunes étudiants dans le but d’en faire des otages qui seront fusillés tous les jours tant que le meurtrier de Heydrich ne sera pas retrouvé. Parallèlement, le réseau de Résistance auquel appartient Svoboda est noyauté par un riche brasseur, Emil Czaka. Grâce à une série complexe d’événements et à la complicité active de nombreux Pragois, la Résistance parvient à faire croire que c’est Czaka qui a assassiné Heydrich, mais pas avant l’exécution par les nazis d’un grand nombre d’otages.

Quand Les Bourreaux meurent aussi sort dans les cinémas américains, cela fait dix ans que le réalisateur de Metropolis a quitté l’Allemagne. L’histoire veut que cela soit au lendemain d’une entrevue avec Joseph Goebbels qui lui proposait la direction du Département V (cinéma) de son ministère de la propagande. Après une escale d’un an à Paris où il réalise Liliom (inédit en Blu-ray), il s’installe aux États-Unis en 1934. Les Bourreaux meurent aussi est déjà son septième film réalisé sur les terres de l’Oncle Sam. Il s’inscrit pour Lang dans sa volonté d’affirmer le plus radicalement possible son aversion envers le nazisme. Une sorte de croisade en quatre films débutée l’année précédente avec Chasse à l’homme (Man Hunt -disponible en Blu-ray chez Sidonis Calysta) et poursuivie l’année suivante avec Espions sur la Tamise (Ministry of Fear – en Blu-ray chez Elephant Films) pour finir en 1946 avec Cape et Poignard (Cloak and Dagger – en Blu-ray chez Rimini). On précisera à toutes fins utiles que les États-Unis ne sont entrés en guerre que fin 1941 et qu’il y a toujours eu des partisans du nazisme présents au sein des différentes strates sociales et économiques du pays. Ne serait-ce que dans l’industrie cinématographique où le maître mot a toujours été « pas de vagues » avec l’Allemagne histoire de préserver le plus possible ce marché important pour les films hollywoodiens. Si tous les Studios ont fini par fermer leurs antennes locales, le dernier aura été Disney qui ne s’est jamais véritablement caché de sa sympathie pour Hitler qui d’ailleurs le lui rendait bien en se projetant régulièrement Blanche-Neige et les sept nains (1937) et Pinocchio (1940). Quant aux autres firmes en majorité fondées par des immigrés d’origines juives le « pas de vague » s’inscrivait dans une volonté d’intégration avec pour seule ambition de préserver la santé financière de leurs bébés.

C’est aussi pour cette raison que la vague des films antinazis s’est manifestée plus que tardivement à Hollywood. Le premier qui nous vient en tête est forcément Le Dictateur d’un certain Chaplin. Et il date de 1940. La même année Hitchcock réalise Correspondant 17 et Frank Borzage La Tempête qui tue. 1939 a aussi droit à quelques films qui assimilent ce régime comme étant l’ennemi tel qu’Agent double de Lloyd Bacon ou encore Les Aveux d’un espion nazi d’Anatole Litvak. Mais rien au final qui s’apparente à une campagne de propagande en règle censée pointer du doigt la bête à abattre. La machine se met finalement en marche en 1942 avec d’un coup d’un seul pas moins de 7 films qui abordent la question et cette fois-ci d’une manière ultra frontale. Quand Les Bourreaux meurent aussi arrive sur les écrans en 1943, il est littéralement noyé sous le nombre de réalisations (11 au total) qui traitent la chose. Mais si la machine est définitivement lancée, c’est aussi déjà la fin. Dès 1944, les enjeux sont en effet déjà ailleurs. Le nazisme est assimilé à un régime en sursis alors que depuis les steppes slaves, la menace communiste prend du poil de la bête.

Les Bourreaux meurent aussi prend sa source dans l’assassinat de Reinhard Heydrich à Prague le 27 mai 1942. Alors « vice-gouverneur » du Reich en Bohême-Moravie, il est blessé lors d’une attaque à la grenade menée par trois résistants tchèques parachutés de Londres. Il mourra une semaine plus tard d’une septicémie (infection du sang) provoquée par du crin de cheval rembourrant les fauteuils de son véhicule qui s’était mêlé à ses blessures a priori non létales. Quand Fritz Lang apprend la nouvelle, il n’a aucune connaissance des détails de l’opération mais cela lui donne l’inspiration de son prochain film qui axera le propos sur l’idée de résistance contre le nazisme. On sait aujourd’hui que la résistance tchèque était contre cet attentat envers Heydrich redoutant la répression subséquente qui en découlerait. Et cela n’a en effet pas loupé avec un village totalement détruit et ses 400 habitants massacrés sans parler du nombre d’arrestations et de tortures dans le but de retrouver les trois auteurs de l’attentat. Ce n’est qu’une fois ceux-ci occis lors d’une bataille rangée au cœur d’une Église, que le calvaire subit par la population locale retombera d’un cran.

Les Bourreaux meurent aussi - Capture Blu-ray bonus

Dans Les Bourreaux meurent aussi, la répression n’est absolument pas mise sous le tapis. Elle est même le fil rouge de l’histoire que Fritz Lang a développée avec le célèbre dramaturge allemand Bertolt Brecht qu’il avait réussi à faire venir en Californie. Au sein du Blu-ray présentant la version longue du film (on y revient), l’éditeur Rimini nous propose un segment intégralement consacré à leur collaboration. Il s’agit d’une vidéo datant de 2008 que l’on avait déjà vue au sein du DVD du film édité la même année par Carlotta. C’est l’historien du cinéma Bernard Eisenschitz, dont on pourra trouver un début de portrait en cliquant ici, qui se charge de développer magistralement tout ça. L’homme est un passionné de Fritz Lang et lui a consacré plusieurs ouvrages dont le dernier, paru en 2011 au Cahiers du Cinéma à l’occasion de l’exposition baptisée Metropolis organisée par la Cinémathèque française, est un modèle du genre mélangeant pour chacune des œuvres de sa filmo traitées chronologiquement, informations connues et d’autres beaucoup moins. Un « beau livre » plus que complet qui mériterait au passage une réédition car il est malheureusement épuisé et introuvable.

Fritz Lang au travail - Couverture livre

Ce pourquoi aussi ce segment vidéo est précieux puisqu’on y retrouve tout ce qu’il écrira sur le film au sein du chapitre qu’il lui consacre. Sans avoir la prétention ici de vouloir même synthétiser la tonne d’infos qui nous est donnée (on vous laisse découvrir le bonus), disons que l’association Brecht / Lang fut loin d’être un long fleuve tranquille au point qu’un troisième larron en la personne de John Wexley est venu s’y mêler pour devenir un trio où les historiens du cinéma s’empoignent encore aujourd’hui pour connaître les apports de chacun. On laissera le dernier mot à Lang sur le sujet qui disait après coup en interview que « 90 % du scénario définitif était brechtien ». Le fait est que l’histoire qui nous est proposée est empreinte d’une certaine volonté d’aller vite en besogne afin on présume, de coller à l’actualité de l’époque lui donnant cet aspect quelque peu bancal. D’un côté la volonté de raconter un peuple qui à l’unisson se rebiffe contre la présence des nazis (apport plutôt brechtien) et de l’autre une réflexion langienne sur les conséquences du mensonge, de la duplicité au sein de l’individu provoquant ici la culpabilité, la rédemption ou le rejet violent. Le film avance ainsi en claudiquant sans cesse tout en s’épuisant à insuffler un aspect épique à l’ensemble. Pour autant, et même si rien ne peut prétendre à une quelconque véracité historique, Les Bourreaux meurent aussi fait preuve avec le recul d’un précieux témoignage sur les réflexions depuis Hollywood de la diaspora allemande. Sans oublier non plus qu’il s’agit d’un film de propagande pur et dur.

Les Bourreaux meurent aussi - Capture Blu-ray bonus

Sur ce même disque, on trouve aussi une introduction de Bernard Eisenschitz qui en 3 minutes chrono revient sur le pourquoi du comment de l’existence d’une version dite cinéma et d’une autre dite longue. Toutes les deux par ailleurs proposées au sein de cette édition double Blu-ray. La version longue est en fait celle exploitée aux États-Unis, la version cinéma étant celle qui a toujours été exploitée en France depuis sa première exploitation dans les salles en 1947. Une époque où nos cinémas croulaient sous le flot incessant des productions yankees afin de rattraper près de quatre années de disette et de retard. Et pour permettre un plus grand nombre de séances, les distributeurs français ne se gênaient pas pour remonter certains films afin que ceux-ci ne dépassent pas les 120 minutes. De fait, la version cinéma dure un peu plus de 119 minutes alors que la version US dure 15 minutes de plus. D’autres ont aussi avancé que les « censeurs » français ont peut-être aussi considérés que certaines séquences étaient devenues hors sujet compte tenu des informations depuis connues sur l’assassinat d’Heydrich. On ne rentrera pas ici dans les détails des coupes, d’autres l’ont fait ailleurs et une recherche rapide sur le web vous permettra aisément de tout savoir sur le sujet. Disons simplement que toutes les séquences relatant l’histoire des otages et tout ce qui concerne l’implication de la foule et du peuple pragois sont quasi passées à l’as. En gros tout l’apport de Brecht qui rappelons-le repartit en Allemagne dès 1947 pour finir par s’établir en RDA où ses sensibilités marxistes n’étaient pas brimées comme cela aurait été indubitablement le cas s’il était resté aux États-Unis.

Sur le second Blu-ray est donc présentée la version cinéma disposant logiquement d’une VF qui au passage fait plutôt son temps avec des voix quelque nasillardes, un souffle assez présent doublé par moment de distorsions vocales et de craquelures intempestives du plus bel effet. Ce dont la VO, elle aussi encodée en DTS-HD MA 2.0 mono, est beaucoup moins sujette. Pour autant, il n’est pas rare d’y repérer des passages qui saturent ou qui présentent un bruit de fond résiduel. Ceci étant dit l’ensemble reste dynamique tout en présentant des dialogues parfaitement intelligibles et ce sur les deux versions du film. Un constat idoine peut-être effectué sur la partie image où les deux versions reprennent la restauration 2K datant de 2012 sur laquelle les éditeurs Cohen Media aux États-Unis et Arrow films en Angleterre se sont déjà appuyés pour leur édition Blu-ray respective. C’est un master loin d’être parfait avec des rayures visibles de temps à autre. On peut même constater par endroits un manque de définition et des contrastes pas au top. Quelques séquences sont même en assez mauvaise état (image instable avec une définition aux fraises ou alors c’est que la mise au point lors du tournage n’a pas été faite) comme celle de la prison entre le professeur Stephen Novotny joué par Walter Brennan et sa fille qu’interprète Anna Lee. Mais des passages sont mieux définis avec des contrastes plus qu’acceptables et un joli grain. On vous met ci-dessous une petite vidéo incluse dans les bonus de l’édition US parue chez Cohen Media en 2014 qui permet d’apprécier le travail de restauration du master sur lequel s’appuie Rimini. Vous pourrez aussi trouver quelques captures du film au format natif tout en bas de cette chronique.

Enfin précisons que sur le Blu-ray présentant la version cinéma, l’éditeur Rimini propose un bonus inédit en faisant intervenir l’essayiste et critique Nicolas Tellop qui grosso modo reprend un peu toutes les infos déjà entendues chez Bernard Eisenschitz avec toutefois une analyse critique qui fait sens comme celle de dire que l’éloge de la résistance tchèque dans le film se veut un miroir de la démocratie américaine de l’époque. Plutôt bien vu surtout si l’on transbahute cela de nos jours et le nouvel ordre mondial initié en 2025 par l’administration Trump. Nicolas Tellop précise aussi que la réception du film fut mi-figue mi-raisin. Pas un énorme succès commercial mais suffisamment tout de même pour que le producteur autrichien Arnold Pressburger et Fritz Lang qui avait lui aussi contribué financièrement au projet, ne perdent pas d’argent.

Pour les amoureux du cinéma de Lang, cette édition des Bourreaux meurent aussi est un must have surtout si vous aviez acquis le Blu-ray édité en son temps par feu Movinside qui proposait, sacrilège ultime, une image encodée en 1080i.

Spécifications techniques Blu-ray film version longue :

  • Image : 1.37.1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Anglais en DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français
  • Durée : 2h15min 17s
  • 1 BD-50

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Bonus (en SD) :

  • Introduction de Bernard Eisenschitz (3min 16s – SD – 2008)
  • La collaboration Bertolt Brecht / Fritz Lang par Bernard Eisenschitz (28min 30s – SD – 2008)

Spécifications techniques Blu-ray film version cinéma :

  • Image : 1.37.1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Anglais et Français en DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français
  • Durée : 1h59min 46s
  • 1 BD-50

Bonus (en HD) :

  • Entretien avec Nicolas Tellop, essayiste et critique (34min 37s – 2024)
  • Bande annonce d’époque (3min 03s – VO)

Les Bourreaux meurent aussi version cinéma - Capture Blu-ray bonus

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