Un si joli village... - Image une test Blu-ray

Un si joli village… (1979) en Blu-ray chez StudioCanal

Un si joli village… n’a pas laissé un souvenir impérissable dans l’histoire du box-office français. Avec en effet 456 289 spectateurs au compteur, il se situe à la 80ème place d’une année 1979 où Les Gendarmes et les extra-terrestres triomphe avec 6 026 952 entrées. Et quant aux diffs TV, cela fait longtemps que les chaines en ont oublié son existence. Et pourtant. Un si joli village… est un excellent film policier se déroulant en milieu rural lui donnant d’ailleurs une identité somme toute très chabrolienne. Son réalisateur Étienne Périer bénéficie du même anonymat relatif. En ce sens que si on vous demande de nous citer un film du Monsieur comme ça sans réfléchir, et bien on est persuadé que 99% d’entre vous donneraient leur langue au chat. Au final, voilà un statut fort injuste tant pour le réal que pour le film et ce même si Un si joli village… ne propose rien de transgressif ou de novateur. Mais la solidité de l’écriture et l’évidente osmose entre les acteurs en font sans aucun doute une œuvre à redécouvrir. La sortie de ce Blu-ray au sein d’une série de 3 titres venant clôturer la collection dite « Nos années 70 » (et oui même les bonnes choses ont une fin) devrait définitivement vous convaincre.

Un si joli village...

Éditeur :StudioCanal
Sortie :05 mars 2025  
Catégorie :Nos années 70

Au cinéma le : 28 février 1979

Résumé : À Favières, village dont il n’est qu’un conseiller municipal parmi d’autres, Stéphane Bertin exerce néanmoins un pouvoir quasi absolu sur toute la population. C’est lui, en effet, qui dirige la seule industrie du lieu, une importante tannerie qui fait vivre directement ou indirectement Favières. Quadragénaire, marié, sans enfant, Stéphane a pour maîtresse la jeune institutrice du village, Muriel, qu’il aime passionnément. Cette liaison est connue de tous et nul ne viendrait en faire grief à Stéphane, sa femme trop distante n’ayant jamais pu s’attirer les sympathies. Or, on apprend un beau jour que celle-ci a mystérieusement disparu…

Un si joli village... - Affiche

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Cette phrase extraite d’une des fables de Jean de La Fontaine qui venait conclure Les Animaux malades de la peste datant de 1678 peut sans problème servir de morale au film d’Étienne Périer. Un notable de province (Victor Lanoux comme un poisson dans l’eau) qui est à la tête d’une entreprise de tannerie locale faisant « crouter » toute la région tue sa femme un soir de dispute. Il fait alors disparaître le corps et avance qu’elle a quitté le domicile conjugal. Mais sa belle-sœur qui n’a jamais accepté ce mariage avec ce roturier de souche ne se contente pas de cette explication et va faire jouer ses relations politiques. Débarque alors un juge d’instruction qui va se montrer méthodique, opiniâtre et au final quelque peu obsessionnel (génial Jean Carmet).

Un si joli village… repose bien évidemment sur cette opposition portée par deux acteurs qui n’ont pas à forcer leur talent pour faire vivre cette histoire et rendre crédible leur personnage respectif. De par sa stature et sa corpulence Victor Lanoux EST ce chef d’entreprise au charisme indéniable qui tient dans sa main l’avenir économique et le tissu social de la région lui donnant une certaine immunité. Jean Carmet EST ce juge d’instruction façon Columbo (il a les manières, la gestuelle et jusqu’à l’imperméable du célèbre inspecteur de police) qui va devoir composer avec sa hiérarchie et être en butte avec tout un village pour tenter de confondre un homme dont il se persuade qu’il est coupable de la disparition de sa femme. Tous deux délivrent une prestation magistrale bien aidée par une histoire certes classique mais ultra efficace.

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

Un si joli village... - Cap Blu-ray Jean Carmet et Victor Lanoux

Et puis il y a cette armée de seconds-rôles qui faisait alors la richesse de notre cinéma. À commencer par Valérie Mairesse en institutrice et maîtresse de Lanoux. L’adaptation du bouquin de Jean Laborde (on vous parlait de cet auteur ici) par Etienne Périer et André-Georges Brunelin (qui fut aussi un grand ami de Jean Gabin et lui consacra un livre devenu un incontournable) lui écrivent quelques belles séquences. Ils donnent à son personnage un peu d’épaisseur pour devenir le vecteur sous-jacent de l’histoire jusqu’à cette fin teintée d’amertume qui étreint les dernières images du film. Jérôme Wybon, le grand ordonnateur de cette collection, nous rappelle en introduction que c’était là un de ses derniers rôles dans la veine dramatique puisque la suite de sa carrière est quasi exclusivement consacrée à la comédie dont le point de départ sont les deux films suivants sortis en 1980 (C’est pas moi, c’est lui de Pierre Richard et Le Coup du parapluie de Gérard Oury) qui de par leur succès respectif au box-office feront d’elle une actrice populaire.

Un si joli village... - Cap Blu-ray Michel RobinMichel Robin

Un si joli village... - Cap Blu-ray Gérard JugnotEst-il besoin d’écrire une légende ici ?

On aimerait aussi citer Michel Robin, sociétaire de la Comédie Française. Le braconnier et ami de Lanoux qui a tout vu et dont la démarche, le jeu et le timbre de voix reconnaissables entre tous parlera surtout à la génération de ceux qui étaient jeunes ados dans les années 80. Michel Robin ne pourra en effet que leur rappeler le personnage de l’inventeur prénommé Doc accompagné de son chien Croquette dans la série Fraggle Rock. Une série américano canadienne créée par Jim Henson, le papa du Muppet Show, qui utilisait des acteurs locaux en fonction des pays où la série était diffusée. On ne peut aussi passer sous silence la présence de Gérard Jugnot en tenancier de l’hôtel restaurant du village qui n’est déjà plus une simple silhouette aux yeux du plus grand nombre puisque Les Bronzés est sur les écrans depuis 3 mois déjà au moment de la sortie d’Un si joli village… au cinéma.

Un tel maillage devant la caméra ne peut que susciter l’enthousiasme surtout quand derrière Étienne Périer sait emmener tout ce beau monde exactement où il le souhaite. Oui parce que ce n’est pas sa mise en scène qui marque les esprits, mais bien dans sa façon de caresser Lanoux dans le sens du poil de sa zone de confort pour au final faire ressortir toute la fragilité de son personnage en proie à la peur du vide et de la solitude de sa condition. Il est ce parvenu qui est méprisé ou craint mais que l’arrivée d’une future progéniture semble apaiser car cela lui donne l’espoir de pouvoir transmettre une condition qui deviendrait alors respectable. Dans la façon aussi de dépeindre ce juge d’instruction dont la carrière n’a pas beaucoup évolué ces 20 dernières années. Preuve que l’homme n’a pas joué le jeu, ne fait pas partie des flagorneurs et se fout in fine de la politique. En faisant son métier sans l’once d’un compromis et de corruptibilité, il n’évolue plus. Et avoir sous la main une personne qui joue de son carnet d’adresses vers les plus hautes instances du pays le fout en rogne et le pousse à aller jusqu’au bout. Au risque de définitivement flinguer ce qu’il lui reste de carrière.

Étienne Périer n’a ainsi pas son pareil pour faire affleurer par un regard, une intonation, un temps de latence dans une réponse la tension d’une histoire qui au final se propose de radiographier un pays et une société qui a juste changé de puissants depuis la Révolution française. Rien de nouveau sous le soleil du thriller rural à la française mais c’est toujours bien de le rappeler. C’est aussi pour cela qu’Un si joli village… n’a pas pris une ride. Malheureusement serait-on tenté d’affirmer.

On retrouve Étienne Périer au sein des suppléments de cette édition. Jérôme Wybon a en effet exhumé une interview qu’il a donnée en 1979 pour la chaîne belge RTBF. L’occasion de rappeler que le cinéaste qui a fait toute sa carrière en France (à l’exception de deux films anglais au début des années 70) est d’origine belge. Une interview qui permet d’apprendre que le scénario a été écrit en pensant à Victor Lanoux et Jean Carmet. Périer précise aussi que le personnage de Victor Lanoux est assez différent à l’écran de celui dépeint dans le livre de Laborde. Il a voulu en faire un personnage plus humain pour lequel on pourrait même avoir de la sympathie alors que dans le livre c’est un salaud de fasciste. Idem avec le personnage du juge qui devient dans le film un homme qui développe une haine personnelle envers le personnage de Lanoux au fur et à mesure de sa recherche de la vérité.

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Jean Carmet justement est à l’honneur au sein d’un second document retrouvé là aussi par Jérôme Wybon. Diffusé en 1982 à la télévision suisse cette fois-ci, il suit pendant près d’une heure l’acteur et l’homme au grè de quelques rencontres de choix. D’abord avec Michel Audiard dans une suite d’un hôtel parisien où Carmet en profite pour prendre une douche, chez un caviste où il retrouve Gérard Depardieu autour d’une table garnie de charcuterie et d’une bouteille de vin que l’on devine d’exception, avec sa femme Sonia Carmet dans son pavillon de banlieue où un arbre qu’il ne veut pas faire abattre semble occasionner un conflit de voisinage, dans les égouts parisiens sur le tournage des Misérables de Robert Hossein (grosse prod française avec Lino Ventura, Michel Bouquet et Jean Carmet sortie fin 1982), avec Georges Conchon (écrivain à qui l’on doit le scénario de son livre Le Sucre que réalisera Jacques Rouffio en 1978 avec Jean Carmet justement) au jardin du Luxembourg et enfin avec Jean-Claude Carrière que l’on ne présente plus. Entre ses rencontres, Carmet déambule dans le quartier de Montparnasse jusque sur les quais de la gare ad hoc (on précise qu’une partie de la rédac a pris racine dans ce quartier et de le voir ainsi en 1981 cela nous a fait tout chose) pour finir par retourner dans sa ville natale à Bourgueil où juste avant une sieste nous gratifie de quelques vérités qui finissent de nous convaincre d’avoir visionné là quelque chose de particulièrement décalé, drôle et d’une poésie rare.

Techniquement parlant voici un Blu-ray qui présente pas trop mal avec son image certes non issue d’une restauration (en tout cas si c’est le cas c’est annoncé nulle part) mais qui a bénéficié d’une numérisation effectuée à partir d’une copie plus qu’honnête. Alors certes cela manque de piqué avec une définition qui peut être parfois chancelante. Mais cela n’oblitère absolument pas le plaisir de découvrir le film. Et pour ceux qui l’avaient déjà vu lors d’une diff TV, il est évident que le gap est à nulle autre pareil. Alors bien entendu qu’une restauration même 2K changerait cette impression d’un film un peu conservé dans son jus mais pas certain que cela lui donnerait plus de sens ou apporterait à l’intrigue une profondeur appréciable. Le fait de mieux distinguer les pores de la peau de Victor Lanoux en gros plan, bof quoi… Alors on ne parle même pas d’une image restaurée 4K.

Côté son le mono 2.0 encodé en DTS-HD MA 2.0 rend fidèlement compte d’un mixage d’origine de toute façon peu démonstratif. Les dialogues sont clairs et intelligibles alors que par ailleurs l’éditeur propose des sous-titres pour sourds et malentendants.

Un si joli village… enrichit la collection « Nos années 70 » via un Blu-ray plus que recommandable. On n’a pas meilleure conclusion à vous apporter.

Spécifications techniques Blu-ray :

  • Image : 1.66.1 encodée en AVC 1080/24p
  • Langue(s) : Français en DTS-HD MA 2.0 mono
  • Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants
  • Durée : 1h57min 32s
  • 1 BD-50

Bonus (en HD sauf mention contraire) :

  • Préface de Jérôme Wybon (3min 51s – 2024)
  • Interview d’Étienne Périer dans l’émission Le Monde du cinéma, diffusée sur la chaîne belge RTBF le 5 juillet 1979 (6min 27s – 1979)
  • Jean Carmet ou le piéton décapotable diffusé le 26 avril 1982 dans l’émission Spécial Cinéma sur la chaîne suisse RTS (53min 12s – SD – 1982)
  • Bande annonce (2min 33s)

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