Thriller romantique. C’est ainsi que Stuart Cooper, le réalisateur de La Disparition, qualifie son film au sein de ses généreuses interventions en bonus de cette édition. Oui, mais encore nous diriez-vous à juste titre. C’est quoi en effet ce film de la fin des années 70 jamais sorti au cinéma de par chez nous alors que l’on y trouve en tête d’affiche un certain Donald Sutherland déjà au fait de sa gloire ? Ça parle de quoi ? Qu’est-ce qu’il a fait d’autre Stuart Cooper ? Il vaut quoi ce Blu-ray édité par MDC, un nouveau venu dans le monde de l’édition de la vidéo physique ? Beaucoup de questions et aucune réponse si vous décidez d’arrêter votre lecture ici.
La Disparition
Inédit au cinéma
Résumé : Jay Mallory, tueur à gages, se retrouve déstabilisé lorsque sa femme, Celandine, disparaît sans explication. Cherchant désespérément à la retrouver, il plonge dans une enquête qui révèle des aspects troublants de sa propre vie. Tandis qu’il tente de percer le mystère, il se rend compte que rien n’est aussi simple qu’il n’y paraît, et que sa quête pourrait le mener vers des vérités inattendues.
La Disparition c’est l’histoire d’un tueur à gages qui de retour d’une « mission » constate que sa femme a disparu. Kidnapping ou madame a tout simplement décidé de mettre fin à leur relation ? La suite peut s’apparenter à une sorte de cauchemar éveillé où notre tueur à gages de Donald Sutherland va s’évertuer à retrouver sa bourgeoise alors que dans le même temps il doit honorer un nouveau contrat pour très rapidement se rendre compte que l’un et l’autre sont liés. Sur le papier, voici une trame alléchante car plutôt originale dans sa façon de mélanger les codes du thriller à ceux relevant de l’intimité d’un couple. Pour cela, le réalisateur anglais Stuart Cooper use d’un montage filé où alterne de nombreux flash-backs se focalisant sur leur quotidien en le restreignant exclusivement à leur appartement et un temps présent où le personnage devenu tel un loup solitaire se déplace continuellement au gré de ses recherches.
Ce qui donne ce tempo entre onirisme et réalité fantasmée où le personnage interprété par Sutherland semble s’y consumer progressivement. Au spectateur de se raccrocher aux branches d’une histoire où les enjeux se diluent au fur et à mesure que le film avance sans pouvoir affirmer s’il s’agit là d’une volonté ou d’un écueil. De thriller romantique, on dira alors plutôt de La Disparition qu’il s’agit d’un thriller d’atmosphère un peu unique en son genre loin d’être inintéressant surtout dans ses partis-pris de montage, de mise en scène mais aussi dans ses choix de décors qui rappellent les premiers films de David Cronenberg. On retrouve en effet ce côté un peu froid de certains intérieurs et l’aspect « monumental » d’une architecture extérieure où l’être humain ne semble pas être à sa place. Le fait que La Disparition se situe en grande partie à Montréal joue certainement avec cette impression.
Reste que voilà un film dont on a bien du mal à affirmer qu’il nous a plu ou le contraire. Disons qu’il navigue entre deux eaux. Ce n’est pas désagréable mais pas totalement convaincant non plus. Au sein des compléments, l’éditeur a eu la bonne idée d’intégrer les 15 premières minutes de la version remontée pour l’exploitation dans les salles américaines. Une exploitation qui selon le réalisateur aura duré quelques séances dans un seul cinéma newyorkais avant de disparaître. Si Stuart Cooper ne décolère toujours pas quant à ce montage effectué dans son dos il y a plus de 40 ans, c’est que celui-ci adopte un format totalement linéaire et chronologique où les flashbacks ont totalement disparu. Sans parler d’une BO où les passages au piano empruntés à Maurice Ravel ont été remplacés par de la musique éléctro. On a pris la peine de mater cet extrait proposé en SD et sous-titré en français par les bons soins de l’éditeur. Et pour tout dire, on a accroché. C’est que tout d’un coup on se retrouve devant un film aux ambitions artistiques certes bien moindres mais dont la promesse de nous raconter une histoire est bien plus tangible et au final intéressantes. On comprend la volonté du distributeur yankee qui ne voyait certainement pas comment exploiter La Disparition en l’état et qui a tenté le coup en proposant un produit plus mainstream. Sans que pour autant, sa tentative ait réussi à convaincre qui que ce soit.
Et paradoxalement, ce remontage ricain permet de mieux appréhender les intentions premières de Stuart Cooper. Que l’on y soit sensible ou non, elles font du coup sens et s’inscrivent dans une démarche globale permettant à La Disparition d’être ce film atypique non par provoc superficielle et auteuriste mais par amour inconditionnel du cinéma. Précisons d’ailleurs ici que la version proposée sur ce Blu-ray en guise de montage étalon via un master restauré est la version dite cinéma. Elle est approuvée par le réal bien qu’une Director’s Cut existe aussi. Elle est au demeurant présente sur ce Blu-ray mais en basse définition. En l’état des recherches infructueuses pour retrouver le négatif original, c’est la meilleure version possible. Nous n’avons pas pris la peine de la visionner préférant écouter Stuart Cooper nous en parler dans les bonus. Selon lui, la version cinéma est plus « actuelle ». Elle présente un rythme plus soutenu avec un montage où les plans plus nombreux s’enchaînent plus rapidement. La Director’s cut plus longue d’une dizaine de minutes, est plus conforme à sa conception de la narration cinématographique qui doit selon lui prendre son temps à la manière d’un Tarkovski ou d’un Visconti.
C’est là qu’il devient intéressant de se pencher sur le cas Stuart Cooper. Et grâce à ce Blu-ray on est servi puisque ce réalisateur américain qui a fait la plus grande partie de sa carrière en Angleterre, s’est prêté au jeu de l’interview par zoom. Durant près de 90 minutes scindées en deux parties, Stuart Cooper revient sur son parcours avant La Disparition (où l’on réalise qu’il joue un des douze salopards dans le film d’Aldrich) puis sur l’aventure qu’aura constitué la réalisation de ce film. C’est littéralement passionnant car blindé d’informations du plus grand intérêt et de commentaires qui font souvent mouches. À l’issue, il n’est pas interdit de penser que le bonhomme souffre d’un certain manque de reconnaissance tant son discours peut paraître pugnace, revendicatif et au final cathartique. Notons par exemple qu’en France aucun de ses films n’est sorti au cinéma. Et si certains ont eu droit à des éditions Blu-ray comme Overlord, son film le plus connu, chez Criterion, en France, c’est le premier sur le support qui voit le jour.
Stuart Cooper (Roscoe Lever) dans Les Douze salopards
La Disparition a toutefois eu les honneurs d’une sortie VHS dont on retrouve l’intégralité de la copie dans les bonus sous l’appellation « La Disparition en VHS Vision ». Au passage, on ne voit pas trop l’intérêt sinon afin de contenter les nostalgiques de la chose qui, il est vrai, constitue sans aucun doute le cœur de cible de cette édition. Quant à nous, on aurait préféré entendre un spécialiste du film ou du réal ou de la période cinématographique pour nous analyser, même succinctement, La Disparition. Mais que l’on ne nous fasse pas écrire ce que l’on ne pense pas. En l’état, MDC propose une interactivité plus que pertinente et sans aucun doute à des années lumières du tout-venant actuel constaté sur le marché.
Stuart Cooper évoque son entrée à la Royal Academy of Dramatic Art pour devenir acteur
D’autant que techniquement parlant ce n’est pas dégueu non plus avec une image issue d’un master HD indéniablement bien préservé. On ne parle pas ici d’une quelconque restauration mais plutôt du même master utilisé par feu Twilight Time aux États-Unis pour son Blu-ray édité en 2013. Et celui-ci tient encore plus que bien la route, même si l’encodage propose des contrastes pas fous fous, un grain peu présent et quelques pompages de luminosité et/ou de sautes d’étalonnage lors de certains changements de bobines. Pour autant, la définition est aux abonnés présents magnifiant une photo limite monochrome tirant sur les marrons et les beiges sans que pour autant on puisse qualifier le tout d’une température de couleurs chaudes. Un paradoxe formel qui prolonge de fait la psychologie des personnages.
Colorimétrie changeante d’une image à l’autre
Enfin, l’éditeur propose une VOST, une VF et une piste musicale isolée le tout encodées en DTS-HD MA 2.0 mono. Un peu à l’instar du « bonus » VHS vision, on ne sait trop que penser de la piste musicale isolée. C’est pour nous un gadget qu’aimait bien proposer justement Twilight Time mais qui au final n’apporte pas grand-chose. Mais ce n’est que notre avis. Et tiens d’ailleurs si vous pensez que celui-ci est erroné, on vous invite à nous dire pourquoi dans les commentaires ci-dessous. Quant à la VF réalisée certainement au temps de la sortie de la VHS au début des années 80, elle fait montre d’un incroyable sens du non-respect du mixage original (il manque un paquet de sons d’ambiance etc) auquel on peut rajouter une traduction pour le moins approximative. Un exemple à 19min 45s. Donald Sutherland et l’actrice franco-canadienne Francine Racette qui était déjà sa femme à la ville et sa veuve aujourd’hui, viennent de se rencontrer lors d’une réception pince-fesses. Très vite, ils se retrouvent à l’écart et entreprennent de faire plus intimement connaissance. Voici le petit dialogue en VO puis en VF suivi des extraits vidéo ad hoc :
- Francine Racette : N’éteins pas la lumière, je veux tout voir
- Donald Sutherland : Que veux-tu dire ?
- Francine Racette : Dois-je te le dire ?
En VF seule Francine Racette parle :
- N’éteins pas, je veux tout voir
- J’ai envie de toi
Vous allez nous dire que l’esprit est là. Oui, certes. Mais admettons aussi que le dialogue en VO est plus subtil et fait montre du caractère très directif du personnage féminin. Alors qu’en VF c’est plus banal pour ne pas dire sans imagination. Et enfin il ne s’agit plus d’un échange ici mais d’un dialogue à sens unique. En guise d’illustration on vous a mis une capture ci-dessous.
Autre constat étonnant. Au début du film quand le personnage joué par Sutherland rentre chez lui en voiture, on entend les infos à la radio avec l’anchorman qui interroge son collègue situé dans un hélicoptère au-dessus de la ville pour lui demander le temps qu’il fera aujourd’hui. En VF c’est remplacé par une discussion un peu absconse qui semble venir d’une radio CB n’ayant par ailleurs aucune justification scénaristique. Vous l’aurez donc compris, privilégiez la VO qui de surcroît propose un équilibre tonal sans faille même si la présence de cette VF est essentielle en ce sens qu’elle reste le témoignage précieux d’une époque que l’on sait gré à MDC de l’avoir préservé.
Au final, on ne peut que s’incliner devant cette belle édition produite par un éditeur ultra indépendant qui au passage a pour parrain un certain Chat qui fume. Une expertise en la matière doublée de premiers pas à même d’apporter à MDC une crédibilité instantanée.
Spécifications techniques Blu-ray :
- Image : 1.85.1 encodée en AVC 1080/24p
- Langue(s) : Anglais et Français en DTS-HD MA 2.0 mono
- Sous-titre(s) : Français pour sourds et malentendants
- Durée : 1h31min 26s (version cinéma) / 1h41min 36s (Director’s Cut présenté en SD)
- 1 BD-50
Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080
Bonus (en VOST et en HD sauf mentions contraires) :
- Introduction du réalisateur sur la version cinéma (37s) et la Director’s Cut
- Stuart Cooper : Avant La Disparition (26min 56s – 2024)
- Stuart Cooper : Mémoires d’une Disparition (58min 02s – 2024)
- Piste musicale isolée sur la version cinéma
- La Disparition en VHS Vision (VF – 4/3 – 87min 49s – SD)
- Extrait de la version remontée US avec une BO différente (15min 30s – 1.33 – VO – SD)
- Galerie de photos (3min 46s)
- Bande-annonce d’époque restaurée VF (1min 34s – HD)
- Bande-annonce d’époque restaurée VOST (1min 30s – HD)
- Bande-annonce « moderne » VOST (1min 02s – HD)
- Bandes-annonces MDC
- L’Esprit de la mort (2min 03s – HD – VOST)
- Rush (2min 18s – HD – VOST)
- Miami Blues (2min 12s – HD – VOST)
- Exterminator 2 (2min 10s – HD – VOST)
- Dark Angel (2min 44s – HD – VOST)