La rentrée 2015 sera placée sur le signe de Douglas Sirk grâce à Elephant. En plus de proposer cette édition Blu-ray de Le Temps d’aimer et le temps de mourir, l’un des plus grands mélos du cinéaste, l’éditeur nous permet de découvrir en HD l’exceptionnel La Ronde de l’aube et le plus rare mais tout aussi intéressant Tempête sur la colline.
Aimer. Le film, tout comme le titre de l’ouvrage d’Erich Maria Remarque dont il est une adaptation, tient en ce mot. Comme souvent, la religion trouve une place discrète mais certaine puisqu’il s’agit de deux versets de l’Ecclesiaste. Cependant, elle est quasiment invisible et le mysticisme est d’abord celui de la nature et des ruines, de l’amour naissant au cœur d’un monde qui s’écroule. La traduction française du roman remplaçait l’amour par la vie, mais ces deux notions, pourtant si intimement reliées, entrelacées, font la différence. La vie n’est que le prélude à une mort prochaine, et la passion une forme de déni d’une réalité inéluctable.
Cette réalité est celle de la guerre qui fait rage, pour le peuple allemand également, souvent occulté par un cinéma qui se contente de montrer quelques corps lointains tombant sous les assauts des sauveurs. Bien qu’antinazi, les soldats partent comme des corps prêts à tomber pour on-ne-sait-trop-quoi et les exécutions sommaires sont aussi insupportables que le parterre de chairs meurtries jonchant les sols, l’aspect politique passe au second plan pour laisser les deux protagonistes, la pureté même, aller au bout de leurs sentiments réciproques. On comprend alors la célèbre maxime godardienne qui affirmait n’avoir « jamais cru autant à l’Allemagne en guerre qu’en voyant ce film américain tourné en temps de paix ».
Et malgré les combats, les ravages matériels et moraux, qui sont finalement importants partout, quelques hommes et femmes tentent de survivre, de s’aimer passionnément et tragiquement, le temps et les évènements jouant contre eux. Difficile d’apprécier ce qui reste de beauté dans un monde délabré, mais ils essayent, le plus simplement possible, en regardant quelques fleurs bourgeonner, une rivière au flux continu, la nature suivre son cours insensible aux délires bellicistes de dirigeants insensés.
Véritable hymne à la nature dans sa dimension la plus vaste, le format scope associé à la magnifique photographie de Russell Metty sublime un paysage désolé dans un technicolor chatoyant. De plus, la lenteur des plans de Sirk, tout en rappelant le macabre final annoncé dans le titre, appuie le réalisme de la situation et parvient à tirer le meilleur de l’affreuse beauté d’une passion mort-née. L’ensemble concoure à faire de ce film un chef d’œuvre humaniste.Techniquement, l’ensemble est agréable. Le master a subi une jolie restauration et même s’il reste quelques poussières ou rayures, ce n’est pas très important. La définition est également correcte avec une jolie profondeur de champs même si quelques passages sont un peu moins nets que d’autres. Le grain est respecté et la colorimétrie est excellente, donnant toute l’ampleur qu’elle mérite au flamboiement des couleurs du chef opérateur. Comparé au très bon DVD que Carlotta avait sorti voilà quelques années, on a l’impression d’une image légèrement moins jaune, plus naturelle et qui gagne encore en clarté. Que du bon !
On a droit à deux pistes son : la VF et la VO en DTS-HD MA 2.0 mono. Comme souvent on ne conseillera que trop la version originale, la française étant moins dynamique et avec des voix bien moins naturelles. Toutefois la piste anglaise n’est pas non plus parfaite avec un léger souffle et une présence parfois un peu faible des voix. Elle reste malgré tout assez dynamique et de bonne qualité.
On aurait pu espérer mieux des bonus mais on saura s’en contenter. Outre la galerie d’images et la bande-annonce, on a droit à deux modules signés Jean-Pierre Dionnet, grand amateur de Sirk. Dans le premier il présente le film en le replaçant dans son contexte et en revenant sur certains points comme le casting. Dans le second bonus, il disserte sur son amour pour Sirk tout en parlant brièvement sur son style et les réalisateurs qu’il a pu inspirer. Rien de bien nouveau mais ça reste plaisant.
Image : 4/5
Son : 3,5/5
Bonus : 2,5/5
Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous pour les visualiser au format HD natif 1920×1080
Le Temps d’aimer et le temps de mourir (A Time to love, a time to die) – Édition DVD/Blu-ray
Éditeur : Elephant Films
Date de sortie : 3 septembre 2015
Spécifications techniques Blu-ray :
– Image : 2.35:1 encodée en AVC 1080/24p
– Langues : Anglais & Français DTS-HD MA Stéréo
– Sous-titres : Français
– Durée : 2h12
– 1 BD-50
Bonus :
– Douglas Sirk par Jean-Pierre Dionnet (10min environ)
– Tempête sur la colline par Jean-Pierre Dionnet (10min environ)
– Galerie d’images
– Bande-annonce Dans la même collection