Si Crazy Amy est un film signé Apatow, il n’en a toutefois pas l’ADN habituel, ce qui déconcerte dans un premier temps puis participe à en apprécier avec encore plus d’intensité ses très nombreuses facettes. En fait Judd Apatow semble revenir ici à ses premiers amours quand ses films avaient pour ambition essentielle de faire rire en s’appuyant sur des situations scabreuses pour ne pas dire quasi exclusivement situées en dessous de la ceinture. On pense bien entendu à 40 ans toujours puceau ou sa suite officieuse En cloque, mode d’emploi. L’univers Apatow s’y construisait pourtant déjà (réflexion sur le couple surtout) bien aidé par le fait qu’il émargeait au générique en tant que scénariste et producteur en plus de sa présence derrière la caméra.
Avec Crazy Amy il n’est « que » réalisateur / producteur, se laissant pour la première fois porter par un scénario signé Amy Schumer, oui celle là-même du titre français. En deux mots il faut savoir qu’Amy Schumer est un peu l’étoile comique montante aux States. Elle a tout bonnement tapé dans l’œil d’un Apatow qui l’a encouragé à écrire ce scénario, voyant sans doute en elle une sorte de prolongement au féminin de ce qui constitue son univers depuis toujours. Mais aussi et surtout une sorte de trajectoire qui parle au Apatow à l’humour noir et dépressif où la remise en cause permanente contribue aux ressorts même d’une comédie tour à tour grasse et fine. D’ailleurs le titre original synthétise quelque peu tout cela. Trainwreck signifie en effet être en permanence à la ramasse tant physiquement que moralement.
Amy se met en effet minable quasiment tous les soirs et se ramène un mec au pieu avec comme seule règle de ne pas passer toute la nuit avec lui. Marquée par la séparation de ses parents à l’adolescence et le sermon de son père qui lui enjoint à ne jamais s’amouracher et donc de se marier, Amy suit depuis à la lettre cette injonction devenue un credo de vie. Voir Amy se comporter comme un connard de mec (pléonasme ?) est forcément ce qui est recherché dans la première partie. Il permet d’ériger des situations de comédie souvent faciles mais toujours hilarantes et bien vues. Mais forcément Amy va tomber sur un os. Un chirurgien du sport qui ne se comporte pas comme les autres et qui va finir par lui mettre le grappin dessus. Cette deuxième et troisième partie (idylle / séparation puis réconciliation) suit bien entendu un arc narratif convenu et attendu pour ce qui reste finalement une comédie romantique.
Mais voilà, l’énergie communicative d’Amy Schumer, les seconds rôles savoureux (Lebron James, oui la star du Basket NBA, Tilda Swinton, Matthew Broderick…) et surtout un Bill Hader juste parfait en prétendant aussi névrosé que les patients prestigieux qu’il soigne font de ce Crazy Amy un croisement entre un Woody Allen période 70’s pour la justesse de sa captation de l’air du temps et un défouloir porno visuel qui rappelle un tantinet Mes meilleures amies. Film dont Apatow était déjà le producteur et qui semble cristalliser une génération de surcroît féminine sachant s’imposer et imposer un humour empruntant aux codes classiques du genre pour mieux les tordre et les adapter en quelque chose qui surprend avec délice le mâle crasse que nous restons.
En fait, Crazy Amy montre et démontre plus que jamais que la femme est l’égale de l’homme que cela soit dans le trash, le romantique, la connerie, les poncifs, les clichés… En cela, le dernier Apatow ne fait que confirmer ce que l’on sait déjà tout en renouvelant une très belle tribune pour l’égalité des sexes. À quand maintenant un film où la femme serait supérieure à l’homme… ?
Crazy Amy de Judd Apatow – 18 novembre 2015 (Universal Pictures)
Résumé : Depuis sa plus tendre enfance, le père d’Amy n’a eu de cesse de lui répéter qu’il n’est pas réaliste d’être monogame. Devenue journaliste, Amy vit selon ce crédo – appréciant sa vie de jeune femme libre et désinhibée loin des relations amoureuses, qu’elle considère étouffantes et ennuyeuses…
Note : 3,5/5