Midnight Special

Midnight Special : Starman du troisième type

Très remarqué avec sa véritable « bête de festivals » Take Shelter (2011) suivi l’année d’après par un Mud – Sur les rives du Mississipi déjà plus « conventionnel », Jeff Nichols est de retour en 2016 avec un film de SF qui détonne : Midnight Special. Sans doute le meilleur long-métrage à date de la (courte) filmographie du bonhomme.

Car en l’espace de seulement quatre longs-métrages, Jeff Nichols a indubitablement su se faire un nom au sein du paysage cinématographique contemporain avec des œuvres traversées par une même ligne directrice : la relation parents – enfants. Et son dernier long en date ne fait pas exception à cette règle, tout comme la présence à l’écran et en coulisses de ses collaborateurs habituels : Michael Shannon dans le premier rôle, Adam Stone à la photographie ou encore David Wingo à la musique. Précisons aussi que si la bande-annonce (cf. en fin d’article) laisse entrevoir des séquences de « superpouvoirs », les amateurs de films de superhéros spectaculaires pseudo-cérébraux peuvent passer leur chemin, Midnight Special ne s’inscrit nullement dans la mouvance actuelle des adaptations Marvel et autres DC Comics. Pour commencer, le scénario est une histoire « originale », au sens où il ne s’agit ni d’une adaptation, ni d’un remake, ni d’un reboot. Une denrée aussi rare que précieuse par les temps qui courent. Pour autant, et comme le confesse lui-même le cinéaste, Midnight Special est avant tout un hommage aux films de SF des années 70/80, à commencer par deux des « classiques » du genre que sont Rencontres du troisième type (1977) et Starman (1984).

Midnight Special - Affiche

Nous nous garderons bien ici même d’évoquer la filiation d’avec le long-métrage de Steven Spielberg afin de ne pas déflorer tout un pan du film qui, à n’en pas douter, en fera tiquer quelques-uns de par sa démesure visuelle alors que Midnight Special s’était précisément illustré jusque-là par son intimisme au travers de sa colonne vertébrale narrative : le dévouement aveugle d’un père pour protéger son fils. Et pour cause, comme le souligne Jeff Nichols : « Je me suis rendu compte que lorsqu’on a un enfant […] il y a désormais un être dans votre vie pour lequel vous feriez n’importe quoi, mais sur lequel vous n’avez pas vraiment de prise. C’était le postulat de départ de Midnight Special ». À cette thématique récurrente dans l’œuvre de Nichols s’ajoutent deux autres entités : l’establishment au travers des trois institutions (gouvernementales) que sont le FBI, la NSA et l’armée mais aussi le pouvoir religieux et, in extenso, la foi en une « instance supérieure » au travers des adeptes du Third Heaven Ranch emmenés par son leader interprété par Sam Shepard. Soit autant de forces en présence lancées dans un road-movie pour tenter de mettre la main sur ce jeune garçon aux pouvoirs aussi puissants qu’énigmatiques. C’est précisément là la filiation la plus manifeste d’avec Starman, même si la réflexion sur le genre humain de John Carpenter qui n’a rien perdu de sa superbe trente ans après verse volontiers dans le périple romantico-comique là où Midnight Special, sans être totalement dénué d’humour pour autant, s’inscrit dans un registre plus sérieux (moins « mièvre » diront certains).

En résulte une œuvre en forme de course-poursuite aussi racée (des scènes d’action brèves et intenses) que puissante, combinant maestria narrative, visuelle et sonore (magnifique B.O. synthétique héritée là-encore des 80s) en vue d’appréhender cet « être » tant convoité campé par le tout jeune Jaeden Lieberher qui donne la réplique à un Michael Shannon égal à lui-même et que d’aucuns qualifieront une nouvelle fois « d’habité par son personnage ». Troisième pilier du cocon familial, la mère aura également son rôle à jouer dans la destinée de sa progéniture en la personne d’une Kirsten Dunst en phase avec le reste du casting tandis que la dimension « amicale » n’est pas oubliée en route avec l’ami de longue date prêt à tout lui aussi pour prêter main-forte et campé par Joel Edgerton, « révélé » s’il en est par le très réussi Animal Kingdom (2010) de David Michôd. Car en définitive, bien plus que la destination de ce périple émaillé de manifestations « surnaturelles », c’est bel et bien les trajectoires et les relations entre tous ces personnages qui font avancer un film tourné en 35mm car « la pellicule est le format qui permet d’offrir la représentation de la vie la plus proche de la réalité » précise Jeff Nichols. Sans surprise, pour sa première incursion dans le registre de la SF, le cinéaste signe avec Midnight Special un long-métrage résolument mû par l’humain. Et accessoirement son film le plus aboutit à date.

Midnight Special de Jeff Nichols – 1h51 (Warner Bros.)

Résumé : Roy (Michael Shannon) part en cavale pour protéger son fils Alton (Jaeden Lieberher), petit garçon aux pouvoirs mystérieux. Voulant échapper à des fanatiques religieux et à la police, père et fils se retrouvent bientôt les proies d’une chasse à l’homme à travers tout le pays. Même les plus hautes instances du gouvernement cherchent à les neutraliser. Roy est désormais prêt à tout pour permettre à Alton d’accomplir son destin – quel qu’il soit et quels qu’en soient les risques.

Note : 4/5

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