L'Aurore - Image Une Critique

L’Aurore ou Une légende américaine selon Murnau

Quand L’Aurore sort en 1927, le cinéma muet a atteint son apogée. Des cinéastes tels que Griffith et Chaplin aux États-Unis, Abel Gance et Raymond Bernard en France ou Robert Wiene et Fritz Lang en Allemagne ont en effet propulsé ce qui n’était au début qu’un nouveau medium propre à divertir les foules en un art populaire. Avec L’Aurore, Murnau va encore plus loin, cristallisant en un seul film le pic et le chant du cygne de ce qui deviendra le premier âge d’or du cinéma.

L'Aurore - Affiche reprise 2016

Invité aux États-Unis par William Fox qui avait été totalement bluffé par Le Dernier des hommes, nanti des pleins pouvoirs et d’un budget conséquent, Murneau s’intéresse alors à la nouvelle A Trip to Tilsit d’Hermann Sudermann dont il confiera l’adaptation à Carl Mayer, son scénariste attitré. Sous-titré « Le Chant de deux êtres humains », le film raconte l’histoire d’un jeune paysan américain trompant sa femme avec une citadine qui le convainc de noyer son épouse afin de partir pour la ville avec elle. Reprenant ses esprits in extremis, l’homme tente de se faire pardonner mais s’expose tout de même au courroux de Dame Nature. De cette épure de trame, Murnau en retient trois mouvements fondamentaux à savoir la faute, la réconciliation et la rédemption et nous livre un opéra visuel des plus magistral.

L'Aurore - Affiche 1927

Chaque plan répond à une dramaturgie complexe, chaque mouvement de caméra, d’une grâce élégiaque, illumine le propos, et chaque composition scénique rend littéralement palpable les multiples facettes de cet art du mouvement et du trompe-l’œil que devient le cinéma sous le regard du maître Murnau. Il n’est pas faux de dire alors que L’Aurore est un film somme, représentant sans contestations possibles la quintessence d’une filmographie obsédée par l’inéluctabilité et le déterminisme de chaque destinée humaine codifiée au sein de tabous sociaux que seule la transgression pourra briser. Une rédemption à la fois amorale et tellement moderne qui fait encore aujourd’hui de L’Aurore une des plus belles histoires d’amour couchée sur pellicule, et l’un des plus beaux films de cinéma si ce n’est peut-être le plus beau selon Truffaut : rares sont ceux en effet qui ont su donner avec autant de passion sans rien demander en retour. Sinon l’immortalité.

Ps : On notera que L’Aurore qui ressort donc cette semaine en salles est issu du même master HD restauré utilisé par Carlotta pour sa nouvelle édition Blu-ray parue en 2010. Il s’agit aussi de la version originelle sachant que Carlotta proposait une deuxième version dite « tchèque » car la seule copie disponible a été retrouvée en République Tchèque. Celle-ci comporte un montage et un cadrage différent ainsi que plusieurs coupes.

L’Aurore (Sunrise: A Song of Two Humans) (1927) de Friedrich Wilhelm Murnau – 1h37 (Théâtre du Temple – Rep. 2016) – Reprise en version restaurée inédite au cinéma le 14 septembre 2016

Résumé : Un pêcheur s’éprend d’une citadine aux allures de vamp. Sous l’influence de celle-ci, il décide de noyer son épouse, mais change d’avis une fois sur la barque. Effrayée, la femme fuit en ville. Elle est bientôt rejointe par son mari, désireux de se faire pardonner.

Note : 5/5

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