Brimstone : Voyage au bout de l’enfer

Il faut remonter loin dans nos souvenirs de bouffeurs de pelloches (argentiques et numériques) pour se remémorer pareille claque visuelle, sensorielle mais surtout pareil putain de « méchant » à l’écran. Brimstone du néerlandais Martin Koolhoven réunit tous ces ingrédients et plus encore. À commencer par un portrait de femme là aussi quasi inédit dans le western sinon à penser au très bon Shérif Jackson avec la non moins formidable January Jones découverte dans la série Mad Men ou plus loin dans l’histoire du genre avec 40 Tueurs (1957) de Fuller et l’ensorcelante Barbara Stanwyck. Ah oui parce que Brimstone c’est d’abord un western, genre honni qui mal y pense si l’on doit se fier au box office récent. Et pourtant, voilà un pan du cinéma mondial que l’on ne doit pas cantonner aux seuls remakes un peu  pourris des deux dernières décennies  (Les 7 Mercenaires ou 3H10 pour Yuma au hasard) ou autres productions tarantinesques pour le moins anecdotiques. D’autant que Brimstone joue sur énormément de tableaux dont le thriller lorgnant sur le fantastique. Rien que ça !

Brimstone - Affiche

Pour autant et quoi qu’en pense le bas du front qui officie à la page ciné de Libé, Brimstone ne fait pas dans le pudding indigeste. Ses références, clins-d’œil et autres digressions formelles sont toujours au service de l’histoire et rien que l’histoire. Une ligne directrice pour le moins appréciable quand devant la caméra cela fourmille d’idées de mise en scène et que cela pète de milles feux. Il est en cela un peu inclassable et pour le coup c’est tant mieux car si dernièrement on a pu s’extasier devant la réussite de Jane Got a gun, on est très loin ici d’une quelconque forme de caisse de résonance voire de relecture d’un genre que l’on qualifie sans cesse de moribond. Jane Got a gun c’était cela et rien que cela et c’était déjà merveilleux. Brimstone va au-delà, s’affranchissant à l’envi des codes du western pour en faire quelque chose à la frontière de multiples influences encore une fois uniquement guidée par la volonté de raconter une histoire en tous points simple mais foutrement efficace.

Celle d’une jeune fille puis d’une femme (Dakota Fanning ouahhh) jetée en pâture par et pour les hommes de son temps. Celle d’une jeune fille devenue la proie sexuelle de son révérend de père, celle d’une femme devenue une prostituée, celle d’une femme qui tente malgré tout de se construire un avenir. Attention point de misérabilisme dans Brimstone mais au contraire un film où l’espoir et l’humour sont toujours là en filigrane comme pour donner au spectateur un os à ronger afin qu’il ne verse pas définitivement et tout de suite dans l’hystérie ou la démence. Car oui y a du lourd quand même au détour de beaucoup de séquences et on ne parle même pas de celles qui balancent allègrement le personnage de Guy Pearce. Comme on le disait encore une fois en intro (de cette très belle dissertation), on n’avait pas vu pareil méchant depuis allez, Dark Vador (on a la référence que l’on peut). Un petit frisson vous balaie l’échine à chacune de ses apparitions avec en sus une vaccination définitive pour celui ou celle qui voudrait embrasser une quelconque religion. Car voici un prêcheur (on peut enlever le premier « r », cela marche aussi) au-delà du badass. On est là dans des sphères qui côtoient Damien et sa malédiction (autre réf de trouille d’enfance), le côté gotique grand guignol en moins.

Et puis niveau construction on adore. Le film est en effet découpé en quatre parties qui ne jouent absolument pas sur une quelconque temporalité linéaire donnant à l’ensemble un aspect on ne peut plus dirigiste et définitif à l’image du destin de l’héroïne. Les morceaux du puzzle s’assemblent en effet avec une très belle maestria bien aidée encore une fois par une réalisation qui ne laisse rien au hasard (en appuyant peut-être un peu trop sur certains détails par moment mais cela reste fugace), sans jamais laisser le spectateur respirer. Certains pourront le regretter mais cela reste inhérent à la nature très organique du film qui ne peut se permettre de laisser les choses en instance. Tout ou presque est frontal sans que pour autant rien ne soit gratuit à commencer par la violence traitée comme du giallo, c’est à dire à la fois crue mais avec le recul nécessaire pour ne se prendre que le dernier jet de sang. À tel point d’ailleurs qu’il faut préciser ici que Brimstone ne bât pas pavillon ricain mais plutôt celui d’un agrégat de pays européens comme à la plus belle époque du western spaghetti. Ce qui lui autorise justement cette liberté de ton et ce formalisme débridé.

C’est donc peu de dire que Brimstone détonne à tel point d’ailleurs qu’il a écopé chez nous d’une bonne vieille interdiction au moins de 16 ans. À croire que ceux qui matent les films aujourd’hui au sein de cette commission ad hoc n’ont plus l’habitude de visionner pareille chose (ce que nous pouvons comprendre) mais qu’ils n’ont surtout plus aucun bagage cinéphilique. Ou alors est-ce notre ère ultra connectée qui a déjà remporté la première bataille. Celle de l’uniformisation par le bas. Celle aussi de pouvoir mater le film dans toutes les bonnes crémeries légales et illégales, lui qui est dispo en Blu-ray dès le 11 avril aux States. Et là, pas besoin d’avoir 16 ans pour s’en prendre plein les mirettes.

Brimstone (2016) de Martin Koolhoven – 2h25 (The Jokers / Les Bookmakers) – 22 mars 2017

Résumé : Dans l’Ouest américain, à la fin du XIXe siècle. Liz, une jeune femme d’une vingtaine d’années, mène une vie paisible auprès de sa famille. Mais sa vie va basculer le jour où un sinistre prêcheur leur rend visite. Liz devra prendre la fuite face à cet homme qui la traque sans répit depuis l’enfance…

Note : 4,5/5

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