Wind River - Image Une Critique

Wind River : Nouvelle Frontière

Que peuvent bien avoir Sicario et Comancheria en commun ? Leurs thématiques centrées sur cette Amérique de la frontière ? Oui on chauffe bien là. Mais attention pas celle des cartes et stigmatisée par Trump. Non, plutôt celle des populations qui en font justement quelque chose de volatile et totalement explosive. Et puis accessoirement il y a derrière ces deux films un certain Taylor Sheridan, scénariste ô combien talentueux qui accessoirement assure aussi ici la réalisation de ce formidable Wind River.

Wind River - Affiche

Plus que jamais, le voici qui explore la frontière intérieure d’une Amérique en proie aux fantômes de sa plus toute jeune histoire. Sicario rappelait que Fort Alamo fut une véritable défaite pour les colons américains. Avec Comancheria, Sheridan montrait que les territoires autrefois volés aux amérindiens appartiennent désormais aux banques et/ou à une minorité aisée. Enfin, et telle une trilogie qui se boucle, Wind River voyage au plus profond des maux d’un pays génocidaire à l’égard de ces mêmes amérindiens que l’on a parqué dans des territoires qu’ils n’ont pas choisis. Livrés depuis 150 ans à leur triste sort entre alcoolisme et chômage multi-générationnel, ils restent au mieux méprisés par une société qui veut plus que jamais les oublier.

Et Sheridan de vouloir faire tout le contraire via cette enquête prétexte au cœur de Wind River, une réserve indienne perdue dans l’immensité sauvage du Wyoming (c’est pas moi qui le dit mais le résumé). Une jeune squaw y a en effet été découverte morte, gelée et à l’évidence abusée sexuellement. Car oui on a oublié de préciser que l’action se déroule en plein hiver donnant au film un aspect à la Fargo (le film et la série tiens) qui forcément polit l’œil dans le sens de la cornée et donne cette sensation de pureté artificielle. On aurait pu aussi citer Un plan simple de Monsieur Raimi mais en fait non car on précisera encore une fois que si enquête il y a bien avec un binôme à l’écran qui marche du tonnerre (oui clin d’œil à Cœur de tonnerre pour les plus puristes d’entre vous), celle-ci n’est qu’un alibi pour d’abord porter l’intrigue et ensuite l’ensevelir dans un climax de fin et de dingue comme on en voit que trop peu au cinoche.

Côté binôme donc on a d’un côté Jeremy Renner qui se la joue à merveille ce garde forestier placide pour ne pas dire bourru, excellent pisteur aussi à ses heures perdues mais surtout inconsolable d’une fille morte dans un accident de voiture quelques années plus tôt. De l’autre, une étonnante Elizabeth Olsen en toute jeune recrue issue des rangs du FBI au pedigree très éloigné des canons instaurés par une certaine Jodie Foster dans Le Silence des agneaux. L’idée alors de Sheridan n’est même pas de sublimer les codes du buddy movie improbable et encore moins d’une relecture façon thriller craspec et badass. On n’est pas non plus dans la romance ou le mélo interethnique. Et si l’on y chercherait de surcroît un quelconque film à thèse ou anti américain, on peut là aussi passer son chemin.

Nope. Sheridan et son Wind River ne rentrent dans aucune de ces cases. Mais pour autant, son film ne cherche pas à jouer au plus malin. À l’image de son chasseur d’hommes, il est tout simplement sûr de son fait et va jusqu’à délivrer très rapidement toutes les clés de compréhension. La mélancolie sourde qui affleure dès lors prend aux tripes pour exploser, comme on l’a déjà mentionné, en une séquence quasi finale d’anthologie. Comme s’il fallait que cela sorte à tout prix. Comme s’il fallait gueuler très fort mais avec le sentiment accru que plus que jamais cela sonne creux. La violence montrée n’en est pas pour autant gratuite. Elle est ceci dit spectaculaire au possible pour être ensuite contrebalancée par la toute fin du film où deux personnages filmés de dos contemplent un horizon qui semble bouché. Point de plénitude, point de rédemption, plus même de chagrins et de larmes à verser. Juste l’immensité d’un paysage évidé jusqu’à la moelle de toute signification.

Wind River (2017) de Taylor Sheridan – 1h47 (Metropolitan FilmExport) – 30 août 2017

Ce film a été présenté au Festival de Cannes 2017 dans la sélection Un Certain Regard où il a reçu le prix de la mise en scène.

Résumé : Cory Lambert est pisteur dans la réserve indienne de Wind River, perdue dans l’immensité sauvage du Wyoming. Lorsqu’il découvre le corps d’une femme en pleine nature, le FBI envoie une jeune recrue élucider ce meurtre. Fortement lié à la communauté amérindienne, il va l’aider à mener l’enquête dans ce milieu hostile, ravagé par la violence et l’isolement, où la loi des hommes s’estompe face à celle impitoyable de la nature…

Note : 4,5/5

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