Carnage [The Burning] (USA 1981) de Tony Maylam fut exploité dans son pays d’origine un an après, presque jour pour jour, le Vendredi 13 (USA 1980) de Sean S. Cunningham. En reprise depuis le 1er novembre 2017 au cinéma par Carlotta, en version intégrale restaurée, il mérite d’être redécouvert.
Affiche pour la sortie française le 28 avril 1982
Le producteur Harvey Weinstein aurait assez souvent déclaré qu’il avait co-écrit le sujet (ou son argument) avant que le titre de Cunningham soit exploité. Dont acte (ou plutôt « parole ») mais il faut avouer qu’il est assez difficile d’y croire tant l’argument en question, son découpage, son casting, ses décors et ses extérieurs, enfin ses effets spéciaux ressemblent à ceux du film de Cunningham, sur le fond comme sur la forme (caméra subjective visualisant le point de vue du tueur, ironie noire parfois surréaliste de certains assassinats, idée d’un tueur rescapé de la mort, presque fantomatique mais doté d’une puissance surhumaine, punition puritaine systématique des personnages exhibant une sexualité permissive ou une moralité insuffisante, scénario construit en crescendo progressif). Simplement, en producteurs déjà avisés, Bob et Harvey Weinstein comprenaient que leur toute nouvelle société Miramax ne pouvait que gagner de l’argent en reprenant une recette identique à celle qui en avait déjà rapporté beaucoup l’année précédente au même box-office. De fait, The Burning lança effectivement leur carrière.
Tom Savini dont la réputation comme maquilleur grandissait depuis sa collaboration aux effets spéciaux et aux maquillages du Zombie [Dawn of the Dead] (USA 1978) de George A. Romero et à ceux du Maniac (USA 1980) de William Lustig sans oublier ceux de Vendredi 13 de Cunningham, assure à nouveau des effets spéciaux très efficaces, la même année (pour lui faste) que celle où il signe ceux du moins connu mais non moins impressionnant Cauchemars à Daytona Beach [Nightmare] (USA 1981) de Romano Scavolini. La direction photo de Harvey Harrison est soignée, parfois même inspirée et techniquement souvent plus dynamique que celle du Vendredi 13 de Cunningham. La partition signée Rick Wakeman l’est aussi. Le casting d’acteurs débutants, est homogène (Jason Alexander, Fisher Stevens, Holly Hunter sont ensuite devenus un peu plus connus, cette dernière ayant été la vedette de La Leçon de piano) et bien dirigé. En dépit du fait que son budget ait été inférieur à un million de dollars et qu’il ait été tourné en cinq semaines sans la participation d’une star quelconque, The Burning flirte parfois avec la série A par son brillant et la sûreté de sa mise en scène. Ce n’est pas un film d’auteur mais un pur film d’artisan : il suffit cependant à préserver le nom de son réalisateur. Le cas n’est pas isolé dans l’histoire du cinéma fantastique.
Pendant longtemps, la version européenne continentale exploitée en VHS fut plus complète que celle exploitée au cinéma aux USA. The Burning fut d’ailleurs, en version intégrale « unrated » et « uncut », un très grand succès au Japon : elle comportait une quinzaine de plans sanglants (« gore ») supplémentaires, d’une durée variant de 1 à 10 secondes environ selon les plans. Par exemple, vers 12 minutes 30 secondes, la version intégrale comporte deux plans (durée totale environ 5 secondes) durant lesquels la prostituée est défenestrée tandis que son sang jaillit sur le miroir. Appartenant à la section dénommée « slasher » par les cinéphiles américains, une telle séquence prouve qu’en réalité cette dénomination-classification est illusoire. Cette séquence entière pourrait être supprimée sans que l’économie dramaturgique de The Burning s’en ressente mais je pense qu’elle fut précisément insérée dans la continuité par les producteurs-scénaristes et leur metteur en scène afin de s’inscrire clairement dans la longue tradition des classiques du cinéma fantastique : des psychopathes, à commencer par Jack l’éventreur, assassinaient en effet des prostituées au cinéma depuis Loulou (Allemagne 1929) de Pabst et Les Cheveux d’or [The Lodger – A Story of the London Fog] (GB 1927) d’Alfred Hitchcock, jusque dans la série allemande des Edgar Wallace produite par Arthur Brauner en 1960-1970, et jusque dans les « gialli » italiens de 1965-1975.
Retour en boucle de l’histoire du cinéma : aujourd’hui, le genre artificiel du « slasher » ayant été constitué voire même étant devenu classique à son tour, The Burning en est considéré comme un des fleurons et les cinéphiles américains y comptent officiellement les meurtres (« body count », expression transfuge provenant en droite ligne de la guerre du Viêt-Nam), fidèles à leur réputation non usurpée de précision acharnée. Dans le cas présent, le « body count » officiel de The Burning est de 10 meurtres recensés. C’est ici l’occasion de signaler que ses rivaux contemporains furent, cette année-là, les non moins intéressants Rosemary’s Killer (USA 1981) de Joseph Zito, Survivance [Just Before Dawn] (USA 1981) de Jeff Lieberman, Le Tueur du vendredi [Friday the 13th part II] (USA 1981) de Steve Miner, Massacre dans le train fantôme [The Funhouse] (USA 1981) de Tobe Hooper, Halloween II (USA 1981) de Rick Rosenthal, écrit par John Carpenter et Debra Hill. Cette liste sélective donc non exhaustive suffirait, s’il était besoin, à montrer que la leçon du Six femmes pour l’assassin [Sei donne per l’assassino] (Ital. 1964) de Mario Bava, avait été non seulement apprise mais encore bien assimilée.
Affiche US d’origine
Note additionnelle d’histoire du cinéma : il ne faut évidemment pas confondre, en France, ce Carnage [The Burning] (USA 1981) de Tony Maylam avec ses homonymes d’exploitation française que sont Carnage [Corruption] (GB 1969) de Robert Hartford-Davis et Carnage [Prime Cut] (USA 1972) de Michael Ritchie. De même qu’il ne faut pas confondre, inversement, le titre original du britannique Hammer film Nightmare [Meurtre par procuration] (GB 1963) de Freddie Francis avec l’américain Nightmare [Cauchemars à Daytona Beach] (USA 1981) de Romano Scavolini.
Carnage (The Burning – 1981) de Tony Maylam – 1h31 (Carlotta Films – Rep. 2017) – Le 28 avril 1982 – Reprise le 1er novembre 2017
Résumé : USA, New Jersey 1975 au camps d’été de Blackfoot : des adolescents effrayent un moniteur qu’ils jugent brutal et trop sévère. La plaisanterie tourne mal et ce dernier est atrocement brûlé. 1981 : le moniteur, devenu un psychopathe monstrueusement défiguré, assassine une prostituée puis retourne au camps d’été, muni d’une paire de cisailles, décidé à se venger en massacrant ses nouveaux occupants. Todd, un ancien membre de la bande devenu moniteur, comprend alors que les morts qui s’accumulent, notamment durant une excursion en pleine nature isolée, ne sont pas l’effet du hasard et tente le tout pour le tout afin de sauver les survivants.