Foxcatcher_Steve Carell

Foxcatcher : KO debout !

Avec seulement deux longs à son actif (si l’on met de côté The Cruise, documentaire datant de 1998), Bennett Miller s’est rapidement imposé dans le cinéma américain comme étant un réalisateur avec qui il faut compter. Foxcatcher confirme que l’homme creuse indéniablement son sillon sans pour autant convaincre qu’il ne va pas très rapidement exploser en vol.

Foxcatcher_affiche

Jane Campion et son jury cannois ne s’y sont d’ailleurs peut-être pas trompé en n’octroyant au cinéaste que le Prix de la mise en scène, sorte de lot de consolation pour un film à l’évidence bête de concours à Festivals et à Oscars. Ce qui en soit, précisons-le, n’est pas forcément rédhibitoire, mais qui ici porte tout de même le flanc à la discussion. Foxcatcher c’est d’abord une histoire vraie (bing !) avec un Steve Carell méconnaissable en psychopathe à l’homosexualité refoulée tendance Norman Bates (re-bing) et un Channing Tatum certainement choisit pour ses qualités reconnues d’homme bovin (pas bing là). Le tout se déroule dans l’Amérique faussement triomphante des années Reagan dont l’affirmation de soi par le sport restait (et reste encore) un des mètres étalons des fondements de sa société.

L’angle choisit par Bennett Miller aurait alors dû faire mouche. Un milliardaire excentrique (Steve Carell donc) attire dans son immense propriété familiale aménagée en un camp d’entrainement ultra moderne, l’équipe américaine de lutte avec pour ambition de les préparer aux jeux Olympiques de 1988 qui ont lieu à Séoul. En chef de file et potentiel favori à sa succession pour la médaille d’or, il y a Mark Schultz (Channing Tatum donc) qui y voit là l’opportunité unique d’une vie de sportif et un père de substitution qu’il n’a jamais eu. Son frère, lui aussi champion de lutte (Mark Ruffalo beaucoup plus charismatique), finira par le suivre avec femme et enfants. De cette vitrine typiquement « américaine way of life », Bennett Miller veut en montrer l’envers d’un décors qui repose sur des fondations biaisées et argileuses, symboles d’une société qui ne repose plus sur aucune valeur digne de ce nom.

À l’image, ces nobles intentions sont écrasées par une réalisation étouffante, implacable et monstrueuse. De celle qui n’admet aucune discussion et qui s’érige en verbatim oppressant. On se doit d’adhérer ou alors on n’a rien compris aux intentions du cinéaste. Un manque de subtilité et d’humilité criants qui se double de surcroît d’une mécanique froide et paradoxalement ostentatoire. Tout est marqué du sceau de l’effort et de la démonstration douloureuse, comme si Bennett Miller luttait sans cesse avec son spectateur pour le mettre KO. Oublié l’épure (certes froide) de Truman Capote et le parfait aplomb (certes froid) du Stratège. De ce déséquilibre entre la forme et le fond accouche un film linéaire à l’intérêt qui s’étiole progressivement mais sans rémission et dont les rouages tournent très rapidement à vide. On est en quelque sorte dans le sans âme, le sans chair et le sans vie. Quant au spectateur, cela fait longtemps qu’il s’est transformé en statue de sel.

Foxcatcher de Bennett Miller – 21 janvier 2015 (Mars Distribution)

Inspiré d’une histoire vraie, Foxcatcher raconte l’histoire tragique et fascinante de la relation improbable entre un milliardaire excentrique et deux champions de lutte.

Note : 2/5

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