Ghostland - Image une critique

Ghostland : Saint Laugier a un nouveau message (secret) pour vous

Qu’il est loin le temps de Martyrs où Pascal Laugier avait clivé la critique puissance mille mais réussi le tour de force de se mettre définitivement dans la poche les aficionados de la première heure et tant qu’à faire ceux de la deuxième. Quant à ceux de la troisième, s’ils avaient eu un doute à la vision de The Secret, ils risquent fort d’être définitivement convaincus avec Ghostland, certainement le film le plus mainstream de son auteur mais pas le moins ambitieux pour autant. Laugier n’est en effet pas à un paradoxe près dans sa filmo. Et de toute façon il adore ça. Et accessoirement nous avec.

Ghostland - Affiche

Ceci étant dit, on ne va pas commencer à se renier. On déteste en effet toujours autant Martyrs mais tel l’imbécile qui ne change pas d’avis, on ne l’a toujours pas revu depuis. Ce qui ne nous a pas empêché de persévérer et de jeter un œil, voire deux, sur la suite. Et de constater que le bougre (oui, on est super pote avec Pascal) creuse non pas le sillon mais la tranchée de ses obsessions Lovecraft et SM avec une fidélité et un atavisme qui forcent le respect. Il n’y a en effet pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour voir dans Ghostland une nouvelle relecture de Martyrs. Le message en devient alors double. D’un côté prends toi ça dans ta gueule ami qui n’a pas aimé mon film car ce que j’avance ici n’est rien d’autre que Martyrs mais asséné différemment. Avec peut-être plus de pincettes mais quand même. De l’autre, je mets un tantinet de l’eau dans mon vin justement pour que tu viennes à moi car une fois que l’hameçon t’a éreinté te voilà prisonnier. Mais également parce que moi aussi il faut bien que j’avance et que je puisse continuer à tourner sans camper absolument sur mes principes aussi fondateurs et formateurs soient-ils. Qu’est-ce qu’on disait déjà ? Ah oui, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

Et mine de rien c’est un peu ce qui arrive à nos deux sœurs du film. Il faut progresser coûte que coûte quels que soient les obstacles, quels que soient les traumas, quel que soit le martyr enduré, quel que soit l’incompréhension des autres. Ghostland est en apparence un film qui avance à découvert dévoilant plus qu’il ne devrait des fractures psychiques de son auteur. On nous dira que Laugier s’est souvent, pour ne pas dire toujours, mis à nu via ses films. C’est vrai. On a beau ne pas aimer Martyrs, on ne peut nier la sincérité du propos film après film. À la différence de beaucoup de ses contemporains, le cinéaste ne se la joue pas cynique. Il a le cinéma qui lui coule dans les veines et cela se renifle au détour de chaque plan où chaque détail compte jusqu’à la musique étonnamment ambitieuse pour ce genre de projet. Entendre par là un film de frousse mâtiné de thriller horrifique où le sound design fait de jump scares et autres screamers ont forcément la part belle.

Ici on a plutôt droit à un univers musical décliné à l’envi depuis une mélodie enfantine (le thème de l’enfance est une nouvelle fois au centre des attendus au sein d’un film signé Pascal Laugier) servant de ligne rouge jusqu’à des sonorités plus électroniques, synthétiques et sauvages qui accentuent la férocité de certaines scènes. Mais l’idée est tout de même de toujours faire contrepoint avec ce que l’on découvre à l’image avec en plus une identité musicale pour chacun des personnages. Quant au reste, Laugier fait d’une histoire quelque peu roublarde et maline un pur moment de cinéma tendu du string. On est littéralement pris par la peau du cou et on finit les pieds devants. Entre-temps, on a eu que très peu l’occasion de respirer normalement. Le bougre (c’est un pote que l’on vous dit) s’éclate à nous en mettre plein la gueule sans que pour autant on ait l’impression qu’il en fasse des caisses. Sa mise en scène reste en effet toujours sobre et donc d’une redoutable efficacité.

On en ressort donc rincé non pas comme à la fin d’un grand huit mais plutôt à la manière d’une torture physique et mentale qui rappelle Psychose d’Hitchcock. Oui carrément. Et non Laugier n’est pas un aussi bon pote pour qu’on lui tresse ainsi des lauriers. Il est certain par contre que l’homme a pris la pleine mesure de son talent. En ce sens qu’il sait maintenant le partager et non plus le donner simplement en pâture. Ghostland est en effet un film généreux. Il sait se donner et va forcément se retrouver très vite tout en haut de nos étagères à DVD/Blu-ray classé sous l’étiquette des films que l’on peut revoir avec toujours la même boule au ventre. Sans oublier les fans de Mylène Farmer (la maman… Et bam le coup de vieux dans ta face) qui pourront aller acheter direct un meuble Billy de chez Ikea pour l’y placer en plein centre juste au-dessus de Giorgino (nul mais y a Mylène quoi) avec les guirlandes clignotantes de noël qui vont bien tout autour. De là à devenir instantanément culte, il n’y a qu’un pas que beaucoup franchiront allègrement.

Ps : Ah sinon, inutile de vous dire qu’en matière d’ode à la femme, Ghostland se pose là. Et c’est à des années lumières du caricatural pensum Revenge. Au hasard.

Ghostland (2018) de Pascal Laugier– 1h31 (Mars Films) – 14 mars 2018

Résumé : Suite au décès de sa tante, Pauline et ses deux filles héritent d’une maison. Mais dès la première nuit, des meurtriers pénètrent dans la demeure et Pauline doit se battre pour sauver ses filles. Un drame qui va traumatiser toute la famille mais surtout affecter différemment chacune des jeunes filles dont les personnalités vont diverger davantage à la suite de cette nuit cauchemardesque.

Note : 3,5/5

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