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Un homme idéal : Tom Ripley boit la tasse

Matthieu Vasseur est un jeune écrivain qui n’arrive pas à se faire publier. Il tombe lors d’un déménagement sur des « mémoires de guerre » dont l’auteur, un ancien de la Guerre d’Algérie, vient de passer l’arme à gauche. Saisissant la portée du texte, il se l’approprie et l’envoie à une des maisons d’édition qui jusqu’ici avait toujours opposé une fin de non recevoir à ses précédents travaux. Bien entendu, le manuscrit est pris et le livre est un best-seller.

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Si vous êtes un amateur de vraisemblance, de plausibilité ou encore de réalisme en cinéma, passez votre chemin ou laissez à l’entrée de la salle tous ces préjugés pesants. En effet, nous partons ici dans la pure fiction, onirique et invraisemblable quasiment de bout en bout. Avec beaucoup d’imagination il va d’abord falloir accepter que Pierre Niney (le Saint-Laurent de Jalil Lespert césarisé cette année) est un déménageur à la petite semaine qui vit dans une cité HLM. Ensuite que lors d’une journée de travail, il va passer à côté d’un grand amphi de la Sorbonne pour découvrir l’amour de sa vie, Alice Fursac (Anna Girardot, accorte et sophistiquée), intellectuelle spécialiste de la littérature contemporaine qui disserte alors sur le parfum et les odeurs dans le roman.

« Le pire c’est qu’on s’y habitue » dit son beau-père (André Marcon, impeccable) à Matthieu Vasseur quand celui-ci débarque dans sa somptueuse villa azuréenne où Alice l’emmène pour un long séjour de villégiature estivale en une ellipse assez brutale où trois années se sont écoulées après son immense succès littéraire et la conquête de la femme de ses rêves. Mais en fait non. Impossible pour le spectateur de s’habituer à la faiblesse scénaristique et à l’invraisemblance du propos. Si, par convention, il est possible d’avaler un succès immédiat et fulgurant en littérature d’un Pierre Niney déménageur, il devient en revanche carrément impossible d’encaisser les rebondissements proprement hallucinants d’un script qui n’a très certainement pas dû subir le  minimum de « doctoring » soignant requis.

Visiblement très inspiré par ses illustres prédécesseurs et maîtres quand Matthieu se retrouve parmi la belle famille (dans un quasi huis-clos sur Riviera), le réalisateur Yann Gozlan va aller chercher du côté du René Clément de Plein Soleil ou des Félins ou encore de La Piscine de Jacques Deray des références qui finissent par littéralement écraser son film sous une chape de plomb. Le cinéma d’ambiance est certes un genre particulier et respectable en soi, mais dans les recherches de climat qu’il implique, il faut tenir sa note et ne pas passer du thriller psychologique aux délires planants « lynchéens » ou encore au film noir de petits voyous maitres-chanteurs tout en enchaînant les citations plus ou moins explicites et variables de l’histoire du cinéma.

Matthieu Vasseur se transforme, par la force des choses et les contraintes du soupçon implacable et sous le poids menaçant de la révélation du mensonge, en un criminel infernal, objet filmique et dramatique protéiforme, sorte d’ectoplasme narratif qui ne peut plus avoir alors d’existence concrète dans l’univers diégétique de l’œuvre. La maladresse et l’obstination morbide du héros à maintenir son statut de gendre idéal, malgré l’impossibilité parfaite des situations, conduit alors à la démission du cinéphile qui en vient presque à réprimer un rire nerveux consubstantiel au hiatus patent entre l’intention (louable) du réalisateur et le résultat à l’écran. Si le grand Hitchcock qui dans les mêmes décors réalisa La Main au collet déclarait en son temps que « l’angoisse n’est pas supportable sans l’humour ». À l’évidence, le côté drolatique ici ne procède pas de la volonté assumée du cinéaste. Gênant. Pour le moins.

Un Homme idéal de Yann Gozlan – 18 mars 2015 (Mars Distribution)

Mathieu, 25 ans, aspire depuis toujours à devenir un auteur reconnu. Un rêve qui lui semble inaccessible car malgré tous ses efforts, il n’a jamais réussi à être édité. En attendant, il gagne sa vie en travaillant chez son oncle qui dirige une société de déménagement…

Note : 1/5

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