Présumé coupable - Image une critique

Présumé coupable – Au nom de la Vérité

Il est 6 heures en ce petit matin froid de novembre 2004 quand une armée de gendarmes débarque au domicile d’Alain Marécaux situé dans un village à trente kilomètres d’Outreau, ville du nord de la France. C’est là que cet huissier de profession fait la connaissance du juge d’instruction Fabrice Burgaud venu lui signifier sa garde à vue sur dénonciation d’un mineur d’actes de pédophilie à son encontre. S’ensuit alors pour cet homme, sa femme et 14 autres personnes accusés de la même façon, un long calvaire de plus de 23 mois connu sous l’appellation de « l’affaire Outreau » qui débouchera sur une retentissante erreur judiciaire. Alain Marécaux a tenu un journal de tout cela devenu un bouquin – Chronique de mon erreur judiciaire : une victime de l’affaire d’Outreau – dont la lecture aura bouleversé un Vincent Garenq bien décidé à en faire Présumé coupable, le sujet de son deuxième long.

Présumé coupble - Affiche

Sa démarche vis-à vis du livre et de son auteur fut au demeurant édifiante puisque lui et son producteur ont laissé la possibilité à Marécaux, d’abord récalcitrant à l’idée de retrouver son histoire personnelle sur un grand écran, de valider un scénario qui se devait d’être le plus fidèle possible à son histoire tout en lui laissant un droit de regard total sur le film allant jusqu’à la possibilité d’en arrêter définitivement  le tournage. Pour autant, Vincent Garenq ne signe pas ici un documentaire à charge contre les dysfonctionnements évidents de la justice française, il va bien au-delà. S’appuyant sur une mise en scène qui rappelle à certains égards celle de Depardon (surtout quand il filme la prison et les prétoires), il se charge de montrer l’intimité d’un homme violée jusqu’à l’âme au sein même d’un système dans lequel il faisait partie intégrante et auquel il croyait. Où il est question d’abandon de soi et de dénuement total face à une réalité que l’on ne contrôle plus. Et pour personnifier cette déchéance humaine et sociale, Garenq a choisi Torreton. Sur le papier on avait des doutes tant l’homme, tout comme l’acteur, ont brouillé depuis quelque temps la perception que l’on avait d’eux… Mais, sans conteste, il s’agit ici de la performance de l’année, de celle qui permet de décrocher le César(*), certes, mais surtout qui s’impose comme une évidence tant la prestation façonne le film sans pour autant écraser la réalisation. Cette très belle complicité de cinéma entre Garenq et Torreton (entre le voyeur / voleur – ce qui nous inclus – et le violé consentant) peut se traduire là par une caméra qui s’appesantit lors d’un plan serré sur le visage impassible en apparence de Torreton mais où transperce pourtant la douleur sourde, lancinante et non moins violente de l’injustice dont il est victime. Ou ici, quand la caméra se fait plus aérienne et faussement distante qui enferme encore plus l’homme dans sa prison physique et morale.

L’acteur et l’homme ont perdu 24 kilos pour aller jusqu’au bout du calvaire de Marécaux qui fit la grève de la faim non pour crier à la face du monde l’injustice qu’il subissait mais juste pour mourir. Une méthode façon « Actors studios » que l’on pensait réservé à des Christian Bale ou autre De Niro et qui s’accorde étonnamment ici face à l’intensité du récit. Mais au final tout cela ne serait rien sans l’extraordinaire propension du film à nous renvoyer à nos propres peurs et interrogations : la dénonciation calomnieuse est à la portée de tout le monde. Comment aurions nous fait face ? Si toutefois cela est possible. Présumé coupable est un modèle de film militant mélangeant habilement didactisme et humanisme. Il montre l’insupportable et aide à la reconstruction d’un homme qui n’aura pas assez du reste de sa vie pour y parvenir.

(*) Qu’il obtiendra d’ailleurs

Présumé coupable (2011) de Vincent Garenq – 1h41 (Pretty Pictures) – 7 septembre 2011

Résumé : Le film raconte le calvaire d’Alain Marécaux – « l’huissier » de l’affaire d’Outreau – arrêté en 2001 ainsi que sa femme et 12 autres personnes pour d’horribles actes de pédophilies qu’ils n’ont jamais commis. C’est l’histoire de la descente en enfer d’un homme innocent face à un système judiciaire incroyablement injuste et inhumain, l’histoire de sa vie et de celle de ses proches broyée par une des plus importantes erreurs judiciaires de notre époque.

Note : 4,5/5

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