Comment je suis devenu super-héros - Image une critique

Comment je suis devenu super-héros – French Touch

On sait qu’entreprendre un film sera forcément un projet au long cours. Dans le meilleur des meilleurs des cas compter entre une et deux années. Pour Douglas Attal et Comment je suis devenu super-héros l’aventure a pris presque 10 ans entre la première rencontre avec Gérald Bronner, l’auteur du roman au titre éponyme, et sa diffusion sur Netflix le 9 juillet 2021. Entre-temps, le film a connu de multiples changements de caps, moult réécritures, différents partenaires et ce jusqu’à sa distribution d’abord prévue au cinéma sous l’égide de Warner France. Si d’ailleurs vous voulez en savoir un peu plus sur la genèse et le développement de ce projet pour le moins hors norme au sein de notre cinéma, on ne saurait trop vous inviter à découvrir notre interview avec Douglas Attal en cliquant ici.

Comment je suis devenu super-héros - Affiche

Quant à nous, on va plutôt se contenter de vous dire pourquoi Comment je suis devenu super-héros symbolise, peut-être malgré lui d’ailleurs, le véritable espoir d’un autre cinéma en France. On a en effet beaucoup (trop ?) parlé depuis la réouverture des salles le 19 mai dernier d’un épiphénomène autour de la sortie de quelques films appelés à renouveler des genres laissés plus ou moins à l’abandon de par chez nous. Ces films dits de l’effroi, de l’horreur, de l’épouvante ou plus généralement du fantastique avec des titres comme La Nuée de Just Philippot ou Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma (on mettra de côté The Deep House puisqu’il est signé par les vieux routiers Bustillo / Maury et non par de jeunes puceaux en la matière), en attendant Ogre d’Arnaud Malherbe, Le Calendrier de Patrick Ridremont (on l’a vu, attendez-vous au pire du pire) ou encore Titane de Julia Ducournau en compétition à Cannes cette année, sont donc censés amener un grand bol d’air frais au sein d’une production totalement sclérosée en la matière. À mi-parcours (sur 2021), on peut déjà affirmer que le renouveau se fait attendre. Ne serait-ce qu’à la lecture des chiffres d’entrées plutôt en berne et sans vouloir revenir ici sur le manquement total ou partiel qu’ont ces films à vouloir transgresser des codes (du genre) même pas assimilés.

Si Comment je suis devenu super-héros ne s’inscrit pas stricto sensu au sein de cette mouvance déjà baptisée La French touch, ne serait-ce que de par son ADN mixant comics, polar et science-fiction, il n’en demeure pas moins un film qui aborde des genres laissés en friche depuis bien trop longtemps ou simplement quasi jamais abordés au sein de notre cinéma. Mais surtout il le fait en allant jusqu’au bout de ses intentions tout en se donnant réellement les moyens à commencer par son budget flirtant avec les 15M d’euros. Une goutte d’eau à l’échelle yankee, un énorme pari de par chez nous considérant de plus qu’il s’agit pour Douglas Attal de son premier long. Il est bon de le rappeler. Bien entendu, un portefeuille bien garni ne garantit pas un film réussi mais il est indéniable qu’ici cela a contribué permettant à Comment je suis devenu super-héros de cocher quelques-unes des cases essentielles. Comme un environnement SFX qui a de la gueule jusqu’à se fondre au sein d’une histoire qui si elle ne révolutionnera aucun des archétypes des genres abordés, les polis avec amour, déférence et intelligence.

Comment je suis devenu super-héros mélange comme on l’a dit SF, comics et polar. À Paris, dans une société où se côtoie hommes et surhommes, une mystérieuse substance illicite qui donne des supers pouvoirs à ceux qui n’en ont pas apparaît sur le marché. Les lieutenants Moreau (Pio Maermaï) et Schaltzmann (Vimala Pons) mènent l’enquête. À charge dès lors pour Douglas Attal et ses co-scénaristes de donner de l’épaisseur à leurs personnages, de garnir leur galerie de seconds rôles et de faire de leur méchant un véritable méchant propre à mettre en valeur ceux qui s’opposent à lui. Mission quasiment remplie tout en s’amusant à jouer avec tous les clichés. Par exemple Pio est ce flic désabusé, retors à la hiérarchie, un peu alcolo sur les bords… Mais Douglas Attal arrive à sublimer ce postulat de départ un brin convenu par une caractérisation qui n’arrête jamais de lui donner de l’épaisseur que sa mise en scène bienveillante finit de rendre totalement crédible et organique. Ce processus est appliqué à tout le monde, preuve que voilà un cinéaste qui a aussi retenu les leçons passées du cinéma français quand celui-ci savait mettre en relief jusqu’au moindre second couteau. La seule exception notable est le personnage du méchant joué par Swann Arlaud qui peine à véritablement trouver sa place et qui n’échappe donc pas à la caricature entendue pour ce genre d’intrigue. Mais à l’autre bout du spectre on adore celui joué par Leïla Bekhti qui n’existait pas ainsi dans le bouquin et qui apporte au film une magnifique vitalité. Et quant à Poelvoorde, on dirait que le costume a grandi avec lui tant il est à l’aise dedans et tant il permet au film de jouer avec des profondeurs de champs certainement invisibles à la seule lecture du scénario.

Au-delà de ce bestiaire d’où émarge un enthousiasme évident de pouvoir participer à un projet aussi singulier, Douglas Attal y adjoint une mise en scène que l’on a donc qualifié de bienveillante faute de mieux. À savoir cette faculté d’accompagner son intrigue et ses héros sans jamais les trahir ou leur fausser compagnie. Entendre par là sans jamais vouloir faire le malin au dépend d’eux et du reste. Ainsi quand le film a besoin de hauteur ou d’ampleur, les mouvements de caméra se font ostentatoires, élégiaques et efficaces. Quand l’action se fait sibylline, le cinéaste sait se mettre en retrait pour juste en capter l’essence tel un voyeur hitchcockien. Cette grammaire visuelle, on pouvait déjà le ressentir dans Soul Wash, un de ses courts-métrages qui aimait déjà mettre en avant le meilleur de l’humain.

Oui car chez Douglas Attal, l’Homme a certes sa part d’ombre mais toujours aussi un peu de cette lumière même vacillante propre à ne jamais vraiment le condamner totalement. Ce pourquoi aussi on a du mal avec le méchant. Ceci étant dit Comment je suis devenu super-héros n’est pas non plus un ersatz du gentil monde des Bisounours. La preuve, Douglas Attal a tenu à situer son film dans un Paris de rouille et d’os loin des clichés touristiques à la Amélie Poulain. Ses choix de décors en disent aussi beaucoup sur ses intentions et sa conception de ses semblables. L’idée n’est donc pas de tendre l’autre joue jusqu’aux effets spéciaux à la fois judicieusement esthétiques mais aussi bougrement efficaces.

Au final, l’expérience spectateur est plus que plaisante avec encore une fois l’impression chevillée au corps que Comment je suis devenu super-héros ne s’avance pas masqué (un peu comme, exemple pris au hasard, si on voulait faire du post apo enfermé dans un appartement haussmannien parce que l’on n’a pas de sous et surtout pas d’idées – Suivez notre regard) tout en honorant ses influences et ses partis-pris de cinéma. C’est tellement rare de par chez nous et de nos jours que cela nous met en joie tout en espérant que cela ne soit pas une anomalie mais la promesse de beaux lendemains. Alors bien entendu on aurait adoré que Comment je suis devenu super-héros se découvre au cinéma (ce qui fut notre cas à une époque où sa distribution ne se concevait pas ailleurs). C’est en effet un film pensé et réalisé pour la salle. Mais la crise sanitaire est passée par là avec une production qui avait de plus en plus de mal à envisager un retour sur investissement sonnant et trébuchant préférant donc céder aux chants des sirènes Netflix qui d’un coup d’un seul a remboursé quasi intégralement l’intégralité du budget du film sans oublier le distributeur Warner et les partenaires qui avaient avancé leur écot.

De notre côté on aurait préféré une conclusion à la Bac Nord, le film de Cédric Jimenez (on y reviendra il va sans dire) qui sort bien chez nous le 18 août prochain au cinéma avant d’être dispo deux mois plus tard sur Netflix à l’exception de la France. Mais comme le dit très bien Douglas Attal dans le long entretien qu’il nous avait accordé en début d’année (oui on ne se lasse pas de vous donner le lien), si la salle est une chose essentielle pour la découverte d’un film, beaucoup de ce qu’il considère aujourd’hui comme des classiques, il les a découvert chez lui sur son canapé. Non qu’il ne compare Comment je suis devenu super-héros à un classique instantané mais on est tout de même certain que son film fera date ici et surtout ailleurs.

Comment je suis devenu super-héros (2020) de Douglas Attal – 1h37 (Netflix) – 9 juillet 2021

Résumé : Paris 2020. Dans une société où les surhommes sont banalisés et parfaitement intégrés, une mystérieuse substance procurant des super-pouvoirs à ceux qui n’en ont pas se répand. Face aux incidents qui se multiplient, les lieutenants Moreau et Schaltzmann sont chargés de l’enquête. Avec l’aide de Monté Carlo et Callista, deux anciens justiciers, ils feront tout pour démanteler le trafic. Mais le passé de Moreau ressurgit, et l’enquête se complique…

Note : 3,5/5

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