Les Amandiers - Image une critique

Les Amandiers – Il était une fois 19 acteurs

Suivre Valeria Bruni Tedeschi cinéaste est loin d’être une sinécure. Tant mieux diront certains tant le cinéma peut tout se permettre sauf laisser indifférent. Et c’est vrai qu’à la découverte des Estivants (2018), sa précédente réalisation (au hasard), on avait frisé l’indigestion carabinée propre à cette catégorie de films qui puait l’ethnocentrisme par tous les pores de ses pixels tout en étant porté devant la caméra par une Valeria constamment hystérique. En soi c’était du grand art. En réalité on s’en n’est jamais vraiment remis. Jusqu’à la vision des Amandiers. Preuve déjà que même précédées d’une ou plusieurs mauvaises expériences, il faut toujours « donner sa chance au produit » surtout quand la bande annonce fait pour une fois excellemment bien le job donnant véritablement envie d’en savoir plus.

Les Amandiers - Affiche

Les Amandiers raconte en effet une promo de comédiens en herbe venue se frotter à l’enseignement prodigué par un certain Patrice Chéreau au sein des murs du célèbre théâtre des Amandiers niché à Nanterre. Nous sommes à la fin des années 80 et une forme d’insouciance drape encore la France de son manteau de tous les possibles que cette vingtaine de jeunes va s’employer à cultiver jusqu’à l’extrême. La caméra de Valeria est alors à la fois intrusive et pudique, fougueuse et timide, extravertie et indicible. Le portrait craché en fait de cette actrice entière ou tout du moins de l’image qu’elle veut bien nous renvoyer d’elle mais que l’on devine assez proche de la réalité. Une personnalité qui peut provoquer le rejet quand ce choix de mise en scène emporte immédiatement l’adhésion. C’est qu’en décidant ainsi de donner corps à une histoire semi-autobiographique Valeria Bruni Tedeschi s’y met en fait littéralement à nue sans que pour autant elle n’y endosse aucun rôle. Une mise en abime habile où l’émotion affleure au détour de chaque plan (em)portée par de jeunes comédiens qui nous terrassent littéralement par l’évidence de leur talent.

À commencer par Nadia Tereszkiewicz dont on comprend immédiatement qu’elle endosse le double de Valeria Bruni Tedeschi quand celle-ci a en effet intégré le théâtre des Amandiers aux côtés d’Agnès Jaoui, Vincent Perez ou encore Marianne Denicourt. On l’avait repéré dans Seules les bêtes (2019) de Dominik Moll où elle donnait justement la réplique à Valeria Bruni Tedeschi. Il faut croire que la rencontre fut déterminante et il faut croire aussi que la réalisatrice a eu raison de la choisir tant elle crève littéralement l’écran. Grâce ou à cause d’elle nous passons par tous les instincts, toutes les réactions et tous les sentiments même les plus extrêmes jusqu’à cette séquence finale qui emporte littéralement tout sur son passage à commencer par notre vision voilée par tant d’émotions affleurant par bouffées impossibles à contenir. Elle est par ailleurs entourée par une ribambelle de jeunes acteurs tous au diapason donnant au film ses lettres définitives de noblesse.

Les Amandiers - Promo Valeria Bruni Tedeschi

La « promo Valeria Bruni Tedeschi » que l’on aperçoit tout au fond à droite à coté de Marianne Denicourt. Sur cette photo on pourra aussi reconnaître Laurent Grevill, Vincent Perez, Eva Ionesco, Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert, Bruno Todeschnini, Isabelle Renauld, Thierry Ravel, Franck Demules… Et bien entendu Patrice Chéreau.

D’autant que Valeria Bruni Tedeschi ne se repose pas uniquement sur ses comédiens et cette mise en image propre à exacerber les attentes et les passions d’une jeunesse en devenir. Elle n’oublie pas en effet d’aborder l’essence même de la création théâtrale façon Chéreau personnifié au passage à l’écran par un Louis Garrel assez magistrale. On touche ainsi du doigt l’envers du décor sans que l’on ait l’impression que Valeria veuille magnifier ses souvenirs. L’équilibre est de fait constamment fragile mais il est formidablement tenu. Mieux, il est challengé dès que possible repoussant encore Les Amandiers dans des retranchements délicieusement délictueux permettant à la cinéaste de se raconter et de nous livrer une part encore plus intime de sa personnalité. On en ressort dépouillé et conscient d’avoir été le témoin privilégié d’un grand film sur l’Art, la création et la fièvre qui s’empare de celles et ceux qui en sont les acteurs.

Les Amandiers (2022) de Valeria Bruni Tedeschi – 2h05 (Ad Vitam) – 16 novembre 2022

Résumé : Fin des années 80, Stella, Étienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l’amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies.

Note : 4/5

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