Jeanne du Barry - Image une critique

Jeanne du Barry – Mon Roi

Si l’on s’en tient au discours rôdé asséné par Maïwenn durant la promo de Jeanne du Barry, cela faisait un moment qu’elle avait ce film en tête. En fait depuis la découverte en 2006 de Marie-Antoinette de Sofia Coppola où Asia Argento jouait la Comtesse du Barry justement. Fascinée par le personnage, elle s’est depuis énormément documentée tout en ne se disant pas prête pour ce genre d’aventure. C’est à l’issue du tournage d’ADN, son dernier film, qu’apparemment elle s’est sentie légitime (ou peut-être aussi que des producteurs ont « enfin » voulu sauter le pas avec elle). Le temps pour elle aussi d’entamer un nouveau cycle. ADN clôturant certainement celui entamé avec Pardonnez-moi en 2006 où dans le lot on trouve Polisse (2011) qui en fut un phare et un marqueur incontestable.

Jeanne du Barry - Affiche Maïwenn

Jeanne du Barry constituerait du coup comme un nouveau terrain de jeu certainement plus à même d’affiner l’ADN justement d’une cinéaste bourrée de talents qui en a apparemment encore sous le pied pour nous balancer quelques convictions intimes et assertions autobiographiques. C’est d’ailleurs peut-être cela qui en désarçonne (pour ne pas dire agace) plus d’un(e). Cette faculté de se mettre à nue tout en se parant d’une mise en scène à l’étouffé que d’autres ont aussi qualifié de « m’as-tu-vu » et d’une direction d’acteurs peu ou prou idoine. Changement de braquet avec Jeanne du Barry. Si les convictions sont toujours là, sa réalisation se fait plus discrète. Non qu’elle soit aux abonnés absents. Disons plutôt qu’elle accompagne une histoire qui n’a de toute façon pas besoin de grandes envolées lyriques pour convaincre. Maïwenn endosse le rôle de Jeanne du Barry, fille du peuple comme on disait, qui arrive à Versailles à la fin du règne de Louis XV pour se retrouver dans son lit puis devenir sa favorite. Des mots élégants pour dire que c’était une de ses maîtresses officielles quand seules des femmes issues de l’aristocratie pouvaient prétendre à ce « privilège ». Jeanne Vaubernier était devenue une du Barry en épousant le Comte du même nom dans le seul but d’intégrer la cour de Versailles. Une manœuvre connue de tous qui lui attira d’emblée les foudres de cette société vivant en vase clos mais dont elle se foutait royalement (si l’on peut dire) amenant avec elle un petit vent frais envers des convenances séculaires.

C’est entre autres cet aspect « chien dans un jeu de quilles » qui a intéressé Maïwenn. Ou plutôt qui l’a toujours intéressé, elle qui ne semble jamais être à sa place ou la recherchant constamment. Et puis il y a aussi cette histoire d’amour avec le Roi interprété par un Johnny Depp tout simplement parfait. Son accent on s’en fout immédiatement tant la caméra de Maïwenn va tout de suite au-delà, sondant les regards, les petites moues ou les gestes magnifiés par l’ampleur des costumes et du décorum. Soit un Château de Versailles magnifiquement mis en valeur sans que pour autant les intentions du film s’en trouvent écrasées. Une véritable gageure rendue possible encore une fois par le propos ultra moderne à la fois intime et méta-social (regards portés sur la femme et regards que celle-ci porte sur ses contemporains). Pour autant, Jeanne du Barry n’est pas un film féministe au sens militant actuel, il rejoint plutôt le discours tenu par celles qui sont montées au créneau dans les années 70 : c’était « Une époque où le féminisme était très différent. Il s’agissait d’être forte, d’être égale. Et l’égalité c’était d’avoir des opportunités, mais aussi de prendre des coups comme tout le monde. Ce n’était pas un féminisme des privilèges et de la protection. » * dixit Samantha Geimer que Roman Polanski a violé en 1977 alors qu’elle n’avait que 13 ans.

C’est de ce féminisme-là dont parle Maïwenn avec Jeanne du Barry où il est question d’une femme qui avance, qui se prend des coups mais qui avance et qui in fine fait changer le regard porté sur elle. Ce n’est pas la moindre des victoires envers un film qui tord le cou à bon nombre de présupposés qu’il endossait bien malgré lui. Beaucoup était de plus certainement avide de voir Maïwenn trébucher avec ce projet. Ils en seront pour leur frais. On a aussi essayé de la coincer sur le sujet Johnny Depp. Elle balaie cela d’un revers de la main de la même façon que son personnage qui tout de suite attaqué par une cour imbue de ses privilèges la toise pour mieux s’en moquer. Oui Maïwenn dérange ou plutôt continue de déranger surtout en choisissant ce personnage qui n’a certainement pas que des bons côtés (sa vénalité est par exemple patente tout comme Maïwenn qui ne s’en est jamais cachée). Mais elle le fait avec classe, intégrité professionnelle, conviction personnelle et surtout une passion intacte. Jeanne du Barry symbolise tout ça et certainement plus encore devenant sans aucun doute et de facto son film le plus personnel.

*Propos extraits de Samantha Geimer – Emmanuelle Seigner, la rencontre in Le Point daté du 13 avril 2023.

Jeanne du Barry (2023) de Maïwenn – 1h56 (Le Pacte) – 16 mai 2023

Film présenté en ouverture du Festival de Cannes 2023

Résumé : Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.

Note : 3,5/5

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