The Substance - Image une critique

The Substance – Chromosome 2

Pour qui nous lit avec assiduité (on a les noms), ils savent donc que nous n’avions pas aimé Revenge, le premier long de Coralie Fargeat. On lui reprochait principalement le traitement pour le moins biaisé de la femme plongée en milieu hostile. Un traitement qui reprenait tous les clichés du genre depuis des décennies. Un regard qui s’il avait été véhiculé par un homme aurait été a minima décrié pour ensuite être porté en place de grève afin d’être émasculé. C’est que la réalisatrice nous prenait pour des cons en affirmant lors de la promo que le message du film était à tiroir alors que l’on avait bien saisi qu’elle voulait surfer sur le mouvement #MeToo alors naissant. C’est que Revenge n’avait que pour seule ambition initiale de rendre hommage à sa façon (c’est-à-dire maladroitement) au genre « Rape and Revenge » qui a, comme on le sait, façonné (entres autres films) l’identité cinéphile de Coralie Fargeat. Une manière pour elle de s’imposer dans un univers très masculin à la manière d’une Kathryn Bigelow au temps de Point Break.

The Substance - Affiche

Une démarche en soi plus que louable mais qui obligeait certainement Coralie Fargeat à emprunter un chemin balisé où la figure du mâle toxique restait omniprésente. Elle aura donc préféré distiller puis installer ce quiproquo qui l’aura portée jusqu’aux États-Unis lui donnant la possibilité d’accoucher de The Substance, un deuxième long qui, plus qu’étonnamment, continue de creuser le même sillon que Revenge mais avec une démarche bien plus assumée et mature. Preuve que c’est peut-être elle et/ou ses conseillers en com qui avaient raison depuis le début. The Substance porte en effet en lui et pour lui un véritable regard de femme. En ce sens que le film a été pensé dès le début ainsi et non récupéré par la suite. Mais à la différence d’un Romero à qui on avait farci la tête au sortir de son Zombie avec des intentions auteuristes qu’il n’avait jamais eues mais qu’il s’est forcé à avoir par la suite pour le résultat que l’on sait (plus jamais il ne retrouvera les sommets d’efficacité et de « légèreté » du début de sa carrière), Fargeat déploie quant à elle dans The Substance toutes les intentions qu’elle a voulues nous forcer à voir dans Revenge.

On y retrouve donc les mêmes tics de mise en scène mais étirés à l’infini. Les mêmes gros plans compulsifs et passablement complaisants sur le corps de la femme se trémoussant à qui mieux mieux au sein d’un show télévisé de body feat qui rappellera au français moyen de 50 ans que nous sommes celui de Véronique et Davina du début des années 80, les « ToutouYoutou » en moins. À la différence donc qu’ici Coralie Fargeat est en mission. Celle de dénoncer le regard des hommes et par translation celle que la société porte sur la femme. C’est pour le moins basique, répétitif et pour tout dire un peu assommant mais cela a le mérite d’être droit dans ses bottes du début jusqu’à la fin. Ce que ne pouvait absolument pas prétendre Revenge. On peut même se demander si The Substance ne serait pas comme un film de contrition sinon de rédemption pour Coralie Fargeat. Un film pour s’excuser de la tournure de Revenge et de montrer qu’elle en a bien sous le pied et que ses intentions étaient bien là et ce dès le début. On s’égare peut-être/certainement mais il faut bien reconnaître que The Substance est la copie jusqu’au-boutiste de Revenge.

Et c’est pour cela que le film nous plait. Ô pas au point d’aller se damner en enfer pour le revoir mais bien pour cette honnêteté intellectuelle. Vous allez nous dire que voilà une analyse aussi biaisée que le message asséné à l’époque par Coralie pour Revenge. On assume. On aime aussi cette volonté d’étirer le propos et de le répéter à l’infini. Une manière quasi roborative en mode autosuffisance. Et pour cela on n’hésite pas pour aller chercher son inspiration dans une foultitude de films où certains sont cités au plan près. On ne les relèvera pas tous mais on a forcément en tête Shining pour ces couloirs à la profondeur de champs iconoclaste, Brazil quand il s’agit de cadrer en mode fisheye une horde de costards cravates se précipiter à la rencontre de l’alter ego jeune de Demi Moore alors que les 20 dernières minutes se veulent une citation en règle de Bad Taste de Peter Jackson qui aurait muté avec le Street Trash de Jim Muro. On pense aussi en vrac au Carrie de De Palma, au Stand by Me de Rob Reiner (le sketch du vomito, en dire plus serait spoiler) et puis forcément les premiers films de Cronenberg où les mutations des corps étaient la faconde centrale de son inspiration avant d’en devenir son leitmotiv.

Dire que l’on frôle l’indigestion serait être en dessous de la vérité mais le moins que l’on puisse affirmer c’est que l’on comprend la démarche. En ce sens que Coralie Fargeat veut sans cesse enfoncer le clou au cas où les spectateurs somnolents au fond de la salle, les amoureux enfouis sous la couette de leur canapé, la geekette suivant le film sur son laptop et la conversation en cours sur le snap de son tel, aient raté un épisode. Il faut donc remettre le couvert encore et encore et ne jamais oublier de surenchérir à chaque nouvelle séquence. Tant pis si pour celui ou celle qui suit le film normalement, à l’ancienne quoi, il ait compris les enjeux de l’histoire au bout de 10 minutes. Pour ceux-là, ce sera gavage méthode buffet à volonté et puis bien gras et sale à la manière du personnage joué par Denis Quaid engloutissant ses crevettes à la mayonnaise tout en expliquant a celui interprété par Demi Moore que son avenir est dans son dos et qu’il lui faut donc faire place nette au profit d’une nouvelle Lolita.

À voir maintenant ce que va nous pondre Coralie Fargeat. Le sillon étant bien labouré pour ne pas dire défoncé, on est curieux de connaître ses futures aspirations et surtout comment elle va les mettre en image. Car The Substance souffre principalement d’une limite. Elle est endémique, essentielle et au final punitive à la fois pour le film et pour le spectateur. C’est le sérieux et l’application quasi obsessionnelle avec lequel elle aborde son sujet associé au manque de recul nécessaire que son traitement réclame. Une mise à distance qui est par exemple la marque de fabrique de tous les films qu’elle cite. Une mise à distance qui aurait permis à The Substance de prendre un peu de hauteur et de permettre la réflexion au lieu de quoi il n’est qu’un satisfecit visuel enfonçant les portes ouvertes d’un constat sociétal qui en est déjà à l’étape d’après. Un métro de retard qui semble pour l’instant être la marque de fabrique du cinéma estampillé Coralie Fargeat.

The Substance (2024) de Coralie Fargeat – 2h20 (Metropolitan FilmExport) – Au cinéma le 6 novembre 2024.

Prix du scénario au festival de Cannes 2024

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