Cannes Jour 3 - Image une

Journal d’un festivalier – Cannes Jour 3

Le festival de Cannes se poursuit, comme toujours, sous un ciel aussi bleu que celui de son affiche et imperméable au reste du monde. Comme à chaque nouvelle édition, il est en effet amusant de voir à quel point la bulle cannoise est épaisse au point d’avoir l’impression que, pendant 10 jours, le monde entier ne parlerait uniquement que de cinéma. Aucun écho de guerre, de politique, de Mbappé ou autre. Juste des films. Mais bon, le monde réel n’existe que par les images et les sons que l’on veut bien nous mettre en scène.

Aujourd’hui, après l’éternel petit déjeuner et la découverte d’un café à l’ananas – Nespresso a parfois des idées étranges, à croire qu’ils déclarent la guerre à l’Italie – nous avons fait un premier tour au marché. D’une part pour reprendre nos marques dans un dédale qu’on ne peut imaginer sans l’avoir vécu. D’autre part, pour se renseigner sur le programme de l’Animation Day qui a lieu ce dimanche et sur lequel nous reviendrons, en particulier une série de pitchs de longs métrages pour adultes qui font envie.

Marché du film - Cannes 2022

C’est aussi l’occasion de voir une filmographie différente, reléguée au sous sol du Palais des festivals et qui ne sortira guère en salle. C’est là par exemple que nous découvrons les dernières productions Asylum qui ces derniers temps a réveillé Vivica Fox pour Aquarium of the Dead ou Sean Young pour Planet Dune. Tout un programme. Nous n’irons pas jusqu’à les visionner, leurs affiches en disent souvent bien assez.

Ensuite, ça a été la course toute la journée. Entre Boys from Heaven à 11h au Palais, Tout le monde aime Jeanne à 14h à la Semaine de la critique à l’autre bout de la Croisette, un film du marché à 16h30 au cinéma Olympia et un documentaire sur Paul Newman à nouveau au Palais à 18h45, les pauses auront été brèves. Pour finir la journée, un moment détente dans une soirée semblait une meilleure idée qu’enchaîner avec Quentin Dupieux. Mauvais choix. Vu les points d’ouïe perdus à cause de la sono trop forte, la séance de minuit aurait été préférable.

En attendant, place aux films.

Boy from heaven - Cannes 2022Boy from Heaven de Tarik Saleh (Sélection officielle)

D’abord un film de la compétition officielle, Boy from Heaven de Tarik Saleh. On connaissait le cinéaste suédois d’origine égyptienne pour Le Caire confidentiel, film noir autour de la corruption. Cette fois il reprend un de ses acteurs fétiches, Fares Fares, et les codes du thriller mais pour faire un polar religieux et démonter les institutions actuelles et l’ingérence du politique à tous les niveaux. Tout pourrait être résumé par un des pontes de l’état expliquant que personne ne devrait être élu à vie sauf le président actuel. Le mélange est surprenant et réussi en dépit d’un certain classicisme dans la mise en scène. On suit un adolescent issu d’un petit village de pêcheurs accepté dans la plus prestigieuses université du pays se retrouver pris dans des affaires criminelles et étatiques qui le dépassent. L’écriture, la photo et les comédiens sont solides.

Tout le monde aime Jeanne - Cannes 2022Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux (Semaine de la Critique)

Direction la Semaine de la critique ensuite pour Tout le monde aime Jeanne, premier long métrage de Céline Devaux. Issue des arts décos, elle a déjà un palmarès impressionnant dans le court animé avec une sélection cannoise en 2015 pour Le Repas dominical avec la voix de Vincent Macaigne, et un prix à Venise pour Gros chagrin avec Swann Arnaud. Là, Devaux aborde la « crise de la trentaine » et fait le portrait de Jeanne (Blanche Gardin), célibataire à moitié dépressive, incapable de reprendre pied avec la réalité et dont la vie part à vau l’eau. En allant vendre l’appartement de sa mère décédée à Lisbonne, elle rencontre un homme à la personnalité singulière (Laurent Laffitte). Si on se doute vite de comment tout ceci finira, le film est une réussite. Léger, frais, coloré, il surprend par un humour légèrement décalé et en alternant moments de douceur, de comédies et d’autres plus dramatiques dans une parfaite harmonie. Le tout est parsemé de courtes séquences animées, une petite boule noire représentant les angoisses et états d’âme de Jeanne. Loin des pensums tragiques et pesants du festival, c’est un film qui fait du bien !

Le film du marché, dont la première aura lieu d’ici quelques semaines pour une sortie française en fin d’année, étant sous embargo, nous ne pourrons pas en dire grand-chose mais nous en reparlerons bientôt tant il était réussi. Il a prouvé une fois encore que le manque d’œuvres animées en sélection ne résulte pas d’un défaut de qualité mais bien d’une faute de programmation. Les longs animés sont de plus en plus nombreux et réussis et les voir toujours mis de côté par l’officielle et la Quinzaine des réalisateurs (la Semaine de la critique fait figure d’exception) reste incompréhensible tant l’économie de l’animation connaît un développement fulgurant. À croire que les sélectionneurs sont engoncés dans des principes cinéphiliques issus des années 50-60 et qu’ils sont incapables d’évoluer. Laisser de côté leur conservatisme théorique les aiderait à prendre conscience que le cinéma a changé depuis !

The Last movie stars - Cannes 2022The Last Movie Stars d’Ethan Hawke

Enfin, présenté à Cannes Classic : The Last Movie Stars d’Ethan Hawke. Il s’agit de la septième réalisation, tous format confondu, pour l’acteur hollywoodien et d’un documentaire en 6 parties sur Paul Newman et Joanne Woodward qui devrait être bientôt diffusé sur HBO. Le festival en a proposé deux parties, les épisodes 3 et 4. Centrée sur l’histoire et l’évolution d’un des couples hollywoodiens les plus populaires, dont le mariage a tenu 50 ans jusqu’à la mort de l’acteur en 2008, la série propose un regard sur le cinéma et les États-Unis des années 1950 aux années 2000. La manière de concevoir cette biographie est plutôt originale et prend essentiellement appui sur les films interprétés et réalisés par Newman que Hawke relie à la vie privée et intime mais aussi publique et militante du couple. Alcoolisme, problèmes familiaux, campagne anti-Vietnam, tout y passe. Les extraits sont parsemés d’entretiens inédits tout juste redécouverts et réalisés par Stewart Stern, scénariste de La Fureur de vivre (1955) et de Rachel, Rachel (1968) , avec de grands noms d’Hollywood. Hawke les fait rejouer par des acteurs comme Georges Clooney et il s’entretient avec les enfants de Paul Newman et des acteurs et cinéastes (Scorsese, Sally Field, Vincent D’Onofrio…) afin de les faire parler du couple. En résulte une biographie passionnante dont on a hâte de voir les épisodes restants.

Demain, retour – on l’espère – à Un certain regard. Le manque de places se fait quelque peu ressentir pour la première fois mais on ne désespère pas !

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