Revoir Paris - Image une Cannes 2022

Journal d’un festivalier – Cannes Jour 4

Alors que le ciel se couvrait quelque peu et que certains avaient peur de l’orage, cette journée cannoise fut française (et sans pluie). Nous avons vu quatre films français sans forcément le vouloir puisque l’un d’eux est dû à un léger raté qui nous a fait manquer Les Nuits de Mashhad (Holy Spider) d’Ali Abassi. Juste avant la projection de celui-ci nous avons pu découvrir Retour à Séoul de Davy Chou et Les Pires de Lise Akoka et Romane Guéret présentés à Un Certain Regard. Les deux ont eu de telles ovations – bien méritées – que les projections ont démarré en retard, ce qui nous a fait arriver cinq minutes trop tard à la troisième. Pour compenser, nous nous sommes rendus à l’ACID pour voir Magdala de Damien Manivel avant de terminer la journée par Revoir Paris d’Alice Winocour sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs.

Force est de constater que le cinéma français se porte bien avec quatre œuvres bien différentes et réussies.

Retour à Séoul - Cannes 2022Retour à Séoul de David Chou (Un Certain Regard)

Après Le Sommeil d’or et Diamond Island, Davy Chou revient donc avec Retour à Séoul, un film non plus sur le Cambodge mais sur la Corée. Ceux qui ont vu Couleur de peau : Miel de Jung et Laurent Boileau verront une certaine continuité puisque le film traite des adoptions d’enfants coréens par des familles étrangères et du retour d’une jeune femme pour la première fois dans un pays qu’elle ne connaît pas. Déphasée, peu attentive aux facteurs culturels et faussement joyeuse, elle va chercher à retrouver ses parents biologiques quitte à s’exposer à une déception forte et à une émotion intérieure qu’elle cherche à masquer. Le film suit son parcours pendant 8 ans et tout ce qu’elle ressent et ne laisse pas paraître, le cinéaste le propose à l’écran. Le film est profondément sombre oscillant entre le gris et noir avec quelques moments incroyables. Le sujet délicat est ici abordé avec pudeur et le film a justement été bien applaudi.

Les Pires - Cannes 2022Les Pires de Lise Akoka et Romane Gueret (Un Certain Regard)

On a prolongé sur cette bonne lancée avec Les Pires. Les réalisatrices avaient déjà tourné Chasse royale, incroyable court métrage situé à Valenciennes dans une famille démunie et dont le long est la continuité. Dynamique, le court oscillait entre éléments documentaires et totale fiction à un rythme effréné qui est celui des acteurs non professionnels dans leur vie réelle. Leur long métrage est plus posé, plus lent mais lui aussi idéalement rythmé. Les  Pires raconte le casting d’un film en préparation puis son tournage dans la cité Picasso, à Boulogne-Sur-Mer, dans le nord de la France. Les acteurs choisit sont non professionnels et découvrent un nouvel univers. Le film dans le film offre l’étrange impression de voir le making of du métrage que les cinéastes sont en train de tourner. La mise en abîme est parfaite et les acteurs sont si justes qu’on se demande s’ils jouent. Certaines séquences sont d’ailleurs tellement éloquentes qu’elles semblent utiliser la fiction pour répondre à des questions que les habitants de la cité pourraient poser à Guéret et Akoka. Un vrai tour de force de mise en scène en quelque sorte.

Après avoir donc manqué le Ali Abbasi, nous nous sommes dirigés vers une soirée Unifrance consacrée au cinéma d’animation – avec la logique mais étrange présence de Serge Toubiana, qui est certes président de la structure mais a toujours éprouvé une aversion pour le cinéma d’animation.

Magdala - Cannes 2022Magdala de Damien Manivel (ACID)

Puis direction l’ACID pour voir Magdala. Il serait fort peu courtois d’évoquer le film de Damien Manivel sans préciser que nos paupières se sont fermées à plusieurs reprises. On peut toutefois dire c’est que c’est tout de même une expérience à faire. Durant 1h20 une femme se déplace lentement dans une forêt verdoyante, cherchant de la nourriture. Elle se remémore ses amours perdues et une femme à la peau diaphane. Voilà. Les dialogues sont quasiment absents, on comprend qu’il s’agit de Marie Madeleine et les métaphores religieuses sont bien présentes. Le meilleur mot pour le décrire serait « mystique » et chaque plan est magnifique mais difficile à suivre sans être en super forme. Sa présence à l’ACID, qui propose des œuvres souvent plus compliquées, aux budgets plus faibles et à la visibilité moins évidente, est totalement justifiée ! À noter qu’il sortira en France le 20 juillet 2022 chez le distributeur Météore Films.

Revoir Paris - Cannes 2022Revoir Paris d’Alice Winocour (Quinzaine)

Terminons par Alice Winocour et Revoir Paris, premier film de la Quinzaine auquel nous assistons. Les précédents métrages de la cinéaste française étaient déjà de jolies réussites et celui-là s’impose comme son plus important. C’est dans ce genre de cas qu’il est intéressant d’aller en projection sans rien connaître du film au préalable, le résultat est encore plus fort. Virginie Effira interprète une rescapée d’un attentat terroriste à Paris qui a tout oublié et cherche à recouvrer la mémoire et à retrouver une personne qui était près d’elle. La réalisatrice ne montrera jamais le visage du terroriste car ce n’est pas lui qui importe mais ce qui se déroule après coup : le trauma, la mémoire, la résilience, le témoignage direct ou indirect. Et surtout l’impossibilité de communiquer et de comprendre. Revoir Paris est bouleversant, jamais moralisateur, dénonciateur et évite miraculeusement tous les clichés du « film à message » dans une mise en scène centrée sur le hors champ et le regard caméra. Au cinéma le 7 septembre 2022 sous pavillon Pathé.

La journée fut également animée. Le marché du film organisait l’Animation day, en partenariat avec le festival d’Annecy, qu’on devrait renommer « animation morning » puisqu’à midi tout était fini – ce qui nous a bien arrangé pour voir les films. En plus d’une conférence sur le cinéma d’animation adulte, nous avons pu assister à plusieurs pitchs de longs métrages en production ou en projet dont certains donnaient particulièrement envie. Jan Kounen est venu présenter l’adaptation d’Epiphania, une bande dessinée politique, écologique et assez radicale de Ludovic Debeurme. Le québécois Joel Vaudreuil a proposé Adam change lentement, l’histoire d’un ado au physique peu harmonieux dans un style qui rappelle Beavis & Butthead. Enfin le suisse Zoltan Horvath va proposer l’histoire du boxeur Victor Perez à travers le point de vue de son frère dans A poings fermés et dans Lollipop, Lisa Marie Russo va évoquer son cancer du sein. À suivre de près donc, mais l’animation étant un processus long, difficile d’imaginer ces projets terminés avant 2024 au minimum.

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