Palmarès Cannes 2022 - Image une

Journal d’un festivalier – Palmarès Cannes 2022

Ce 75eme festival de Cannes s’achève sous les huées de journalistes et d’internautes à la découverte de son palmarès. C’est d’ailleurs, peu importe le festival, le seul intérêt d’un palmarès : prendre du popcorn, se poser devant un écran/journal et sourire en lisant les messages dépités de personnes meurtries car leurs goûts ne sont pas respectés par un jury dans lequel, rappelons-le, ils ne figurent pas. Puis, bien sûr, ils iront clamer une fois de plus que le cinéma est mort. Tous les ans c’est la même rengaine et ils s’en défendront en expliquant que, jadis, les palmarès avaient quand même de la gueule puisque cela leur convenait. À croire que chaque édition du festival rend amnésique et efface les précédentes. Les voix des quelques individus heureux sont mises à l’écart et les articles des quotidiens, mensuels comme les émissions de radio ou de télé de ces prochaines semaines seront risibles, les critiques expliquant que leurs appréciations sont les meilleures et que le jury ne comprend rien au cinéma. Contrairement à eux.

Affiche - Festival de Cannes 2022

Comme chaque année, nous ne nous amuserons pas à ce petit jeu car la vacuité de ceux qui pensent avoir raison sur tous les autres nous inspire surtout de l’indifférence. Et, même si nous aurions choisi d’autres films, nous avons conscience qu’un palmarès n’est que le choix d’un petit groupe et qu’il serait bien entendu différent si on remplaçait ne serait-ce qu’une personne en son sein.

En attendant les cris exaspérés et les pleurnicheries qui suivront le palmarès de la prochaine édition cannoise, faisons plutôt le bilan de celle qui vient de se terminer. Ceux qui ne sont jamais allés à Cannes n’ont pas conscience de la bulle imperméable dans laquelle sont suspendus les festivaliers. Une bombe nucléaire pourrait être lancée, nul ne s’en rendrait compte car là-bas le monde est suspendu 10 jours durant et seul le cinéma compte. Et cette année, en dépit de la pandémie, ce fût exactement la même chose, comme si rien ne pouvait atteindre le festivalier. Seuls quelques résidus de Covid étaient visibles ou audibles comme à chaque séance, lors d’une voix off recommandant de porter un masque, ou au moment d’aller chercher son accréditation avec le dit masque en goodies. Mais ceux qui le portaient se comptaient sur les doigts d’une main. Toutes les habitudes d’avant ont repris le dessus, les fêtes pleuvaient, les gens étaient collés, buvaient et mangeaient ensemble, les restaurants aux prix gonflés étaient plein à craquer. On se serait cru revenu en 2018.

Le seul changement notable finalement fut la billetterie. Finis – ou presque – les billets roses ou bleus. L’essentiel est digitalisé et passe désormais par un système informatique. Mis en place l’année dernière, il a été largement sous-estimé cette année et a connu d’énormes ratées. Les hackers russes invoqués par Thierry Frémaux avaient tout l’air d’une série de bugs car les serveurs n’étaient pas assez puissants. Heureusement, les files de dernières minutes fonctionnaient bien – même s’il fallait cuire 45 min au soleil – et des places se libéraient quelques heures avant pour la plupart des films. Nous n’avons pas rencontré trop de souci mais entre la quasi obligation d’établir un programme à l’avance et de se lever tous les jours à 7 heures pour cliquer sur une application, et la possibilité de faire son programme au jour le jour comme avant, nous préférons la première solution. Par ailleurs, on parle souvent de fracture numérique et elle était bien perceptible entre les plus jeunes qui ne s’en faisaient guère et les plus âgés qui paraissaient perdus. Le festival fut en cela un autre reflet du monde – et nul doute qu’il s’en serait bien passé.

Un Certain Regard - Cannes 2022

Autre petit changement, mais c’est une évolution qui court depuis maintenant une petite dizaine d’années et ceux qui reviendraient à Cannes après une longue interruption le percevraient peut-être : la publicité et les professionnels disparaissent ou se déplacent. Les grandes affiches promotionnelles pour les blockbusters se font plus rares, les hôtels affichent moins les sociétés ou les représentants de pays qui y ont un logement et  les attractions vers les plages avec des stars à gogo existent à peine. Les prix des loyers indécents et la crise de ces derniers temps auront sûrement eu raison des festivaliers. Ils restent en général moins longtemps sur la croisette et cherchent des appartements plus petits. Ce qui pourrait causer un déclin du festival – ou une possible mise en ligne d’une partie du marché – c’est peut-être, avant tout, les cannois eux-mêmes dans leur cupidité.

Sinon, comme tous les ans, la programmation aura connu des hauts et des bas. Si certains comparaient le Claire Denis à la débandade de Sean Penn en 2016, nous en sommes loin et les sections parallèles ne déméritent pas non plus. Si les États-Unis et les grosses productions sont peut-être quelque peu en retrait, le festival – au sens large : officiel, quinzaine, semaine et ACID – reste un lieu intéressant pour découvrir premiers films et cinéma d’auteur. Seuls reproches : d’une part le manque de place pour les cinéastes plus jeunes et pour les réalisatrices de la compétition officielle, d’autre part le peu de considération pour le cinéma d’animation, reflet d’une cinéphilie vieillissante qui valorise l’art de l’enregistrement continu sur les découvertes formelles et les nouvelles images. Le festival s’éloigne d’un secteur qui est probablement, d’un point de vue économique comme artistique, l’un des plus porteurs aujourd’hui. Enfin, il reste toujours cette impression désagréable que depuis l’arrivée du numérique – et donc de dépenses moindres en ce qui concerne l’achat et le développement de la pellicule – les cinéastes se lâchent et font des films trop longs, comme si plus un film duraient longtemps, plus il était sérieux. Alors qu’ils sont souvent juste pénibles !

Pour les quelques intéressés qui nous ont lu jusqu’ici, voici le palmarès avant quand cela a été possible un renvoi vers la bande annonce ou un extrait.

Ruben Östlund - Cannes 2022Ruben Östlund

Longs Métrages

  • Palme d’or

Sans filtre (Triangle of sadness) de Ruben Östlund

  • Grand Prix ex æquo

Close de Lukas Dhont & Stars at Noon de Claire Denis

  • Prix de la Mise en Scène

Decision to Leave de Park Chan-wook

  • Prix du Scénario

Boy from Heaven de Tarik Saleh

  • Prix du Jury ex æquo

EO (Hi-Han) de Jerzy Skolimowski & Les Huit montagnes (Le Otto montagne) de Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen

Les frères Dardenne - Cannes 2022Les frères Dardenne

  • Prix du 75e

Tori et Lokita de Jean-Pierre & Luc Dardenne

  • Prix d’Interprétation Féminine

Zar Amir Ebrahimi dans Les Nuits de Mashhad (Holy Spider) réalisé par Ali Abbasi

  • Prix d’Interprétation Masculine

Kang-ho Song dans Les Bonnes étoiles (Broker) réalisé par Hirokazu Kore-Eda

Courts Métrages

  • Palme d’or

The Water Murmurs de Jianying Chen

  • Mention Spéciale

Lori réalisé par Abinash Bikram Shah

Un Certain Regard

  • Prix Un Certain Regard

Les Pires réalisé par Lise Akoka & Romane Gueret

  • Prix du Jury

Joyland réalisé par Saim Sadiq

  • Prix de la mise en scène

Metronom réalisé par Alexandru Belc

  • Prix de la Meilleure Performance ex æquo

Vicky Krieps dans Corsage réalisé par Marie Kreutzer & Adam Bessa dans Harka réalisé par Lotfy Nathan

  • Prix du Meilleur Scénario

Mediterranean Fever réalisé par Maha Haj

  • Coup de cœur du Jury

Rodéo réalisé par Lola Quivoron

Caméra d’or (meilleur premier film)

War Pony réalisé par Riley Keough et Gina Gammell

  • Mention Spéciale

Plan 75 réalisé par Chie Hayakawa

La Cinef (meilleur film de fin d’études)

  • Premier Prix

A Conspiracy Man réalisé par Valerio Ferrara (Centro Sperimentale di Cinematografia, Italie)

  • Deuxième Prix

Somewhere réalisé par Jiahe Li (Hebei University of Science and Technology, Chine)

  • Troisième Prix ex-æquo

Glorious Revolution réalisé par Masha Novikova (London Film School, Royaume-Uni) & Les Humains sont cons quand ils s’empilent réalisé par Laurène Fernandez (La CinéFabrique, France)

Prix de la CST

Le jury de la CST a décidé de décerner le PRIX CST DE L’ARTISTE-TECHNICIEN 2022  à l’ensemble de l’équipe Son du film Triangle of Sadness réalisé par Ruben Östlung et le prix CST de la Jeune Technicienne de Cinéma à Marion Burger Cheffe décoratrice du film Un petit frère, réalisé par Léonor Serraille.

Palmarès de la Semaine de la critique

  • Grand Prix

La Meute (La Jauría) d’Andrés Ramírez Pulido

  • Prix French Touch du jury

Aftersun de Charlotte Wells

  • Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation

Zelda Samson pour Dalva d’Emmanuelle Nicot

  • Prix Découverte Leitz Cine du court métrage

Ice Merchants by João Gonzalez

  • Prix Fondation Gan à la Diffusion

Urban Distribution pour The Woodcutter Story de Mikko Myllylahti

  • Prix SACD

Andrés Ramírez Pulido, auteur de La Jauría d’Andrés Ramírez Pulido

  • Prix Canal+ du court métrage

Sur le trône de Xerxès de Evi Kalogiropoulou

  Lâchez-vous !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *