Après le périple asiatique d’hier, retour en nos vertes contrées avec quelques œuvres franco-françaises pour un petit tour d’horizon avec le meilleur comme le pire en trois films à Cannes :
À la demande express de notre rédac chef (j’ai si insisté que cela ? / NDSG) nous sommes allés nous amasser dans la cohue monstrueuse qui nous a conduit vers Love lors d’une séance de minuit. Vous vous souvenez de Love ? C’est le machin signé Gaspard Noé dont on ne parle qu’à cause d’une affiche qui n’atteindra jamais la rue (mais peut-être les couloirs du Métro, qui sait ! / NDSG) et qui ressemble à n’importe quelle photo porno que l’on pourrait trouver en ligne (ah non, en ligne c’est moins poétique et je m’y connais ! / NDSG). Le cul attire toujours autant et le coup de publicité de Maraval autour de son poster laissait présager un ennui mortel. Quand on commence une promo ainsi c’est vraiment qu’on a peur de ne pas réussir à ramener beaucoup de monde en salles et qu’on ne croit pas vraiment au film. Et finalement, la seule chose que l’on peut constater c’est l’insignifiance totale de la chose. Ce n’est pas qu’on aime ou qu’on n’aime pas, c’est juste le genre de film oubliable dans les deux jours qui suivent. L’histoire ? Un mec qui se plaint que sa copine l’ait quitté après en avoir engrossé une autre. Et bouh, il pleure et il râle. Et il baise aussi en faisant croire que c’est de l’amour. Alors comme Gaspard Noé sait tenir une caméra et faire de jolis jeux de lumières, il s’amuse bien et on a droit à des plans sympathiques… mais tellement longs.
Le film s’ouvre sur une séquence de masturbation mutuelle pendant 5 minutes en plan fixe. On aura déjà eu le temps de s’endormir deux fois et il recommence ça au moins 10 fois dans diverses positions. Côté idées nulles, il a tourné son film en 3D juste pour un plan d’éjaculation même pas mémorable et en plus comme c’est un nombriliste, il décide d’appeler un bébé Gaspard, un amant Noé et il cite ses films de prédilection les collant aux murs, toujours les mêmes, comme pour dire : « Regardez moi ». En fait, le cinéaste doit tellement peu avoir confiance en lui qu’on aurait presque autant de pitié à son égard que pour le protagoniste… pour qui on n’en ressent pas en fait ! Le problème du film, outre son inintérêt total, c’est qu’il n’est même pas scandaleux. Oui, c’est bien erotico-porno (parce qu’il montre et cache aussi parfois, incapable d’assumer son postulat de départ jusqu’au bout), mais on en trouve partout maintenant, il suffit de tourner la tête. Même Lars Von Trier était plus dévergondé dans Nymphomaniac ou Oshima dans L’Empire des sens et c’était il y a 40 ans… Et puis appeler ça « Love »… Si l’amour était aussi chiant, mieux vaudrait vivre sans sentiment. En somme, on a préféré s’endormir là-dessus et passer à autre chose. La prochaine fois que l’on nous demandera de subir ça, on dira non pour éviter de perdre deux heures et quart de notre existence (bon bon ça va, j’ai compris / NDSG).
À la limite, même Marguerite et Julien de Valérie Donzelli, en compétition officielle, était plus scandaleusement intéressant. Pourtant, ce n’est pas vraiment la réalisatrice qui fait parler d’elle pour ce genre de choses. Mais là, elle prend pour socle de son récit une histoire d’amour passionnée entre un frère et une sœur qui s’est déroulée au XVII siècle. Et elle brise tous les tabous en nous faisant ressentir une telle empathie pour ses personnages qu’on se demanderait presque si ce genre de relation n’est pas normale. Et réussir avec un simple film, mis en scène comme un conte de fée dramatique, à annihiler toute dimension morale c’est aussi impressionnant que choquant.
C’est bien le genre de choses dont serait incapable le type du dessus qui n’a pas l’air de comprendre que le trash ce n’est pas réaliste, c’est juste chiant. Donzelli pour une fois ne joue pas dans son film, et c’est dommage car on aurait aimé la voir en sœur de Jérémie Elkaïm, il ne leur aurait plus manqué que ça ! Elle est remplacée par Anais Demoustier, très bien aussi et qui décidément choisit ses rôles de manière intelligente depuis Les Grandes personnes d’Anna Novion. Côté mise en scène les influences du Peau d’âne de Demy apparaissent clairement dès le premier plan du film qui s’ouvre sur… un hélicoptère ! Elle n’aura de cesse ensuite de jouer sur les anachronismes, recréant un monde semi-réel, semi-imaginaire qui lorgne vers le fantastique et le maniérisme mais qui nous permet d’autant plus de croire en ce qu’elle montre. L’ensemble est singulier, atypique dans le cinéma français et avec de belles idées formelles.
Dans la catégorie des très bons, on a également pu voir Fatima, le nouveau film de Philippe Faucon, aux problématiques très françaises, présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Faucon était l’auteur d’excellents films comme La Désintégration sur le parcours de deux jeunes français d’origine maghrébine qui finisse par passer à un islam radical, ou Samia, sur une adolescente dont les parents sont issus de l’immigration et qui réclame une liberté qu’on lui refuse sous le coup de traditions qu’elle ne connaît pas. Fatima lorgne plutôt vers le second même si 15 ans ont passé entre les deux et que les choses évoluent lentement. C’est l’histoire d’une femme divorcée d’origine algérienne qui élève ses deux filles et fait des ménages. On voit et vit leur monde de l’intérieur, toutes les tensions, tous les problèmes et les joies. D’un point de vue social, la manière dont le cinéaste amène son sujet est particulièrement intelligente. Contrairement à la plupart des œuvres du même genre nous n’avons pas à subir de drame poussif ou de sentimentalisme exacerbé. Fatima n’est pas une œuvre emphatiquement militante et c’est bien sa force car elle évite tous les clichés.
En prenant les choses de l’intérieur, en suivant deux adolescentes, leurs envies, leur chemin vers la vie qui doit être la leur, en suivant le combat quotidien d’une mère qui travaille durement pour voir ses filles avoir le droit de faire ce qu’elles veulent, on s’approche d’une réalité que même les documentaires travestissent trop. On pourrait lui reprocher d’être froid mais ce n’est même pas le cas. il est juste subtil au lieu de foncer avec de gros sabots. Si l’on aime les films de Philippe Faucon c’est qu’ils proposent un regard différent, le regard d’une femme perdue dans un monde qu’elle n’arrive pas à apprivoiser et qui écrit sa vie au quotidien – le film est inspiré d’un livre de Fatima Elayoubi. Le réalisateur cherche à s’approcher d’un monde sans vouloir le contrôler, pour simplement l’observer avec ses joies et ses peines, ses tensions et ses distractions. Au détour d’une phrase, en lisant le sourire sur un visage, ou quelques mots d’arabe sur une feuille, on comprend bien mieux les choses que s’il les avait filmées brutalement. La caméra peut être une arme, mais cette arme délicate se retourne souvent contre les créateurs. Ici ce n’est pas le cas, et c’est juste beau.
Dans la catégorie films français, on aurait pu également voir Je suis un soldat, premier film de Laurent Larivière à Un certain regard. Mais ça se passe à Roubaix et il y a Louise Bourgoin. Avis aux amateurs… Nous on retourne dans les salles pour d’autres aventures. (à suivre…)