Le Livre des solutions - Image une Cannes 2023

Cannes 2023 – Journal de bord d’un festivalier jour 6

Ce nouveau jour de Cannes 2023 a commencé de manière positive et négative. Négative car nous avions prévu de voir May December de Todd Haynes la veille, après le Glazer, mais des retards de séance de plus d’une demi heure ont eu raison de ce projet. Alors que le planning cannois est souvent respecté à la minute près, cette année vire au n’importe quoi. En tant que bons français, ils seraient capables de prendre les mauvaises conditions météo comme élément de justification… Le film repassait le lendemain matin mais à 9h et non à 8h30 comme c’est toujours le cas, impossible donc de passer du Haynes à la séance de 11h. Par conséquent, le nouveau film d’Anthony Chen, Breaking Ice, passe à la trappe. L’organisation du festival laisse de plus en plus à désirer. Mais journée positive car le soleil pointe enfin le bout de son nez et que May December est, à l’image de quasiment toute la production du cinéaste, particulièrement réussi. Comme les deux autres films de la journée d’ailleurs.

May December qui est présenté en Compétition officielle au Festival de Cannes 2023 ne surprendra probablement pas les aficionados du cinéaste. Ici encore, à la manière de Carol (2015) ou de Loin du paradis (2002), il reprend un style daté pour en récupérer certains codes esthétiques et les détourner. Cette fois, il s’agit des soap-opera ou des émissions judiciaires jusqu’à utiliser une musique qui fera immanquablement penser, pour le public français, à Faites entrer l’accusé, lui-même reprise du thème principal du Messager (1971) de Joseph Losey. L’image, à la fois travaillée mais souvent terne et lisse, colle parfaitement au récit, probablement inspiré de l’histoire de Mary Kay Letourneau et typique des couvertures de tabloïds. Haynes chercher à dépasser le simple scandale, le superficiel de ces émotions TV pour regarder ce qui se cache derrière. Une trentenaire a eu une aventure avec un adolescent de 13 ans dont elle est tombée enceinte, a fait de la prison mais, 20 ans plus tard, les deux amants sont mariés et toujours ensembles. Alors qu’un producteur veut s’emparer du sujet, l’actrice chargée d’interpréter le rôle de cette femme se rend au domicile du couple pour trouver de quoi alimenter son rôle. Évidemment, ce sera l’occasion d’une introspection douloureuse pour les protagonistes et, pour le cinéaste, la possibilité de mettre en scène le rapport à l’autre et au double jusqu’à l’imitation ainsi qu’à l’intime et aux souffrances cachées, le tout avec une grande subtilité qui lui permet, petit à petit, de fendre le vernis superficiel qui cimentait cette relation particulière.

May December May December de Todd Haynes

Dans un registre différent, Mars Express a agréablement surpris. Premier long métrage de Jérémie Périn, l’auteur de la série TV Lastman, sa réussite était moins prévisible vu le peu de films de science fiction importants en France. Là, tout fonctionne. Le scénario, quelque peu tortueux mais lisible, tire à la fois vers Blade Runner (1982) et Total Recall (1990) et se révèle efficace. Le film dure seulement 1h20 et va droit au but, sans chercher à complexifier inutilement une intrigue déjà dense. Dans un futur proche où des robots quasi humains sont sous contrôle, le monde oscille entre ceux qui les détestent et ceux qui les acceptent. Une privée est chargée d’arrêter des pirates qui cherchent à libérer les androïdes de leur asservissement. Une de ses enquêtes, a priori anodine, va la conduire vers un complot qui la dépasse. À travers ce polar futuriste, le réalisateur évoque la frontière robot/humain et leur futur organique probable tout en parvenant à l’inclure dans une critique du capitalisme certes simple mais bien présent. La mise en scène impressionne également dans sa manière de gérer les scènes d’action, de même que l’aspect visuel. Mention spéciale au directeur artistique Mikael Robert qui, après avoir brillamment occupé le même poste sur Le Sommet des Dieux (2021) et Lastman réussit une nouvelle fois à construire un univers original et impeccable. Une seule incompréhension : pourquoi le Festival de Cannes 2023  relègue ce film à une projection sur la plage ? Et pourquoi les autres sections n’en ont pas voulu ? Incompréhensible.

Mars Express - Jérémie Périn

Après un bain de soleil sur la terrasse d’Unifrance qui célébrait l’animation, nous nous sommes ensuite rendus à la première du nouveau long métrage de Michel Gondry, Le Livre des solutions, présenté en ce Cannes 2023 à la Quinzaine des cinéastes. Cela faisait 7 ans que son retour au cinéma était attendu. Et espérons que la projection l’ait convaincu de poursuivre car rarement un accueil aura été aussi chaleureux, le public riant aux éclats à plusieurs reprises. Son film parle d’un réalisateur qui voit les premières images de son nouveau métrage rejeté par sa maison de production. Avec une petite équipe, il vole les rushes, part dans les Cévennes chez sa tante et tente de le terminer. Mais son comportement autoritaire, incapable de reprendre pied avec la réalité et anxieux au possible ne vont pas aider les choses. Si Le Livre des solution a été présenté comme une auto-fiction, avec un Pierre Niney décapant qui joue le reflet de Gondry, ce serait plutôt la biographie de l’imaginaire du cinéaste. On retrouve tout ce qui fait le charme de ses films précédents : une imagination débridée, des répliques géniales, un grand art du bricolage et une relation au monde qui passe par la magie plus encore que par le rêve. Et cela fonctionne parfaitement.

Demain, nous irons du côté de trois contrées bien différentes avec la Finlande, la Corée et la Mongolie. De jolis voyages en perspective – au moins pour le premier et le troisième.

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