Les 1000 films culte de l'histoire du cinéma - Image une chronique livre

Les 1000 films culte de l’histoire du cinéma par Jean Serroy

Les films considérés comme cultes réussissent « (…) d’une manière ou d’une autre, pour le meilleur ou pour le pire, à imprimer leur marque sur nous. Une chose qu’ils ont en commun : leur absence de médiocrité. L’audace de leurs aspirations les rend uniques. Certains échouent mais s’écrasent de façon si spectaculaire que cela vaut la peine de revenir de temps en temps voir le désastre. Ce qu’ils ont tous réussi à faire, c’est susciter des sensations authentiques et passionnées chez leurs partisans. Tout ce qui peut faire de nouveau circuler le sang dans nos veines contribue à ce que la vie vaille d’être vécue… au moins pour deux heures de plus. »

Les 1000 films culte de l'histoire du cinéma - Couverture

Ces quelques lignes sont extraites d’une préface écrite par un certain Terry Gilliam pour Le petit livre des films cultes paru en 1995 chez ‎ SpartOrange que l’on devait à Christophe Goffette. Oui le même Christophe à l’origine en 2002 de la revue mensuelle Brazil en hommage au film culte de Gilliam justement qui en était d’ailleurs le « surréaliste en chef ». Tout ça pour dire que si la tentative de définition donnée par Terry Gilliam d’un film culte ne s’inscrit sur rien de véritablement tangible et définitif, on peut tout de même affirmer que c’est là l’ADN même de la chose. Ne rentrer dans aucune case, fluctuer en fonction de la personnalité de chacun et du temps qui passe. En gros, le film culte est sans aucun doute le précipité ultime d’une œuvre cinématographique qui peut s’apprécier comme une forme d’aboutissement ou de (re)naissance d’un genre qui va toucher jusqu’à l’âme une partie infime ou importante d’amoureux du cinéma. Ouf !

Le Petit livre des films cultes - Couverture

Soit tout le contraire de ces 1000 films culte de l’histoire du cinéma de Jean Serroy, professeur d’Université émérite, agrégé et docteur ès-Lettres, spécialiste de la littérature et du théâtre du XVIIe siècle et enfin critique de cinéma, en charge de la rubrique ad hoc au Dauphiné Libéré. Pourquoi un tel jugement aussi définitif ? Tout simplement parce que ce « beau livre » se présente plus comme une encyclopédie de films emblématiques du cinéma, la plupart choisit en fonction des récompenses qu’ils ont obtenus (César / Oscars / Palmes d’or…) ou de leur notoriété publique et/ou critique. C’est peu de dire que l’on est ici très loin de la notion de culte. Et si dans le lot certains films peuvent réunir deux aspects a priori antinomiques (succès public par exemple qui peut aller de pair avec la notion de culte comme au hasard The Rocky Horror Picture Show ou Et Dieu créa la femme), on est là dans le domaine de l’heureux accident. Thierry Fremaux ne dit d’ailleurs rien d’autre en préface de cet ouvrage. Pour lui il y a le ciné-phile et le ciné-culte où s’y concentre « (…) l’admirateur éperdu d’objets auxquels il voue une passion hors norme qui se passe de raison ou de mots et qui ne se justifie pas : puisqu’il y a culte, il y a foi aveugle et inexplicable. »

Les 1000 films culte de l'histoire du cinéma - Planches 10 et 11

Jean Serroy fait donc tout le contraire ici en listant décennie après décennie la fine fleur du cinéma mondial. Il précise d’ailleurs sa démarche en avant-propos qu’il justifie principalement par les deux dernières années chaotiques vécues par le cinéma dans sa version exposition dans les salles. Et pour cela quoi de mieux que de rappeler l’Histoire du médium qui au passage a toujours dû lutter pour exister se remettant en cause lors de chacune de ses évolutions pour mieux se réinventer. Jean Serroy rappelant alors fort justement le passage du muet au parlant, le N&B à la couleur, les écrans géants et autres formats comme le scope pour contrer l’avènement de la télévision, le passage au numérique, on en passe… Tout en précisant que la révolution qui se profile n’est plus d’ordre technologique mais sociétale. Un angle passionnant s’il en est mais qui n’a rien à faire sous l’intitulé « Films culte ». Au passage vous remarquerez la disparition du « s » à culte alors que nous parlons bien de films au pluriel. En 2ème page on peut lire la précision suivante « (…) nous avons choisi de nous aligner sur la règle grammaticale académique, qui fait de culte une apposition, qui ne s’accorde pas, et non un attribut qui s’accorderait… ». Ceci n’est pas anodin et tendrait même à symboliser l’approche même de ce livre. Le terme culte est ainsi vidé de sa substance même pour le ranger sur une étagère académique quelconque de la cinématographie mondiale. Et bien non.

Les 1000 films culte de l'histoire du cinéma - Planches 14 et 15

Parler d’un film culte c’est, comme le disait Terry Gilliam dans le livre de Christophe Goffette, une démarche proche de la démence passionnelle : (…) je préfère rester tard dans des pubs poisseux à discuter comme un furieux avec des fans dingues et désorientés. Avec un peu de chance, nous ne serons jamais d’accord sur grand’chose, hormis notre passion commune pour nos propres films favoris ! » D’autant qu’ici tous ces films nous sont présentés selon une maquette pour le moins sage sinon sans âme. L’exposition se fait décennie par décennie avec pour chaque film une petite notule passe-partout et comme information, au-delà du titre uniquement présenté en VF (ce qui est à minima un manque de respect pour les films étrangers), la mention de l’année de production et le nom du réalisateur. Ce n’est pas beaucoup mieux dans les deux annexes proposées en fin de livre où l’on retrouve d’une part les 1000 films et d’autre part les noms de tous les réalisateurs cités. C’est à chaque fois présenté par ordre alphabétique. C’est, pour rester sobre et poli, on ne peut plus succinct. Niveau illustrations c’est tout autant hiératique avec une ligne directrice là encore assez préjudiciable puisque l’on cherche par exemple les affiches des films. L’ouvrage en propose mais cela aurait dû être la norme surtout quand on a sous la main quelque chose qui réunit un tel condensé de films.

Les 1000 films culte de l'histoire du cinéma - Planche 98 et 99

Pour autant, ce livre aux 1000 films culte (sic !) tente de casser la monotonie graphique de cette mise en page en proposant de petits inserts disséminés en fonction du bon vouloir de l’auteur. Leur but est de reprendre en quelques lignes les déclarations d’un(e) cinéaste ou d’un acteur ou d’une actrice lors de la sortie du film que le livre met en avant à ce moment-là. On a aussi droit à des extraits d’interviews présentées sur une ou deux pages. C’est souvent anecdotique et surtout sans aucune contextualisation et bien souvent sans même la mention d’une date quelconque. On est alors bon pour supputer que ladite interview remonte à la période du film mis alors en avant. Il y aussi des pages dites « zoom ». L’occasion en effet pour Jean Serroy de revenir sur ce qu’il considère comme des pans importants du cinéma. Ici James Bond, là Marlon Brando dans Le Parrain (The Godfather – 1972) … Ou encore Belmondo et Delon, Brigitte Bardot, Marylin Monroe… En fait l’auteur se contente de dérouler les filmos ad hoc sans autres prises de risque, angles ou informations réellement pertinentes. Il y avait de quoi pourtant. Comme le choix de faire un « zoom » sur les tenues cultes au cinéma. Des livres entiers pourraient être consacrés à la chose. Mais là en deux pages c’est torché et surtout en ne faisant qu’énumérer des œuvres certes là encore emblématiques mais sans véritablement donner de clés de lecture ou même d’envies de visionnage.

Les 1000 films culte de l'histoire du cinéma - Zoom Comédies musicales

C’est d’ailleurs un autre écueil non évité par ce livre. Que l’on soit cinéphile ou néophyte, a-t-on envie de (re)voir tous ces films présentés ainsi ? La réponse est évidente. Pourtant ne serait-ce qu’en donnant certaines infos pratiques, la donne et le ressenti auraient certainement été tout autre. On pouvait par exemple imaginer l’élaboration d’une page web accessible au plus grand nombre qui aurait listée les 1 000 films cités dans ce livre avec à chaque fois leurs disponibilités en DVD / Blu-ray / plateformes de streaming / VOD ou en salle. Une page où les acquéreurs du livre auraient pu bénéficier en petit bonus exclusif d’alertes personnalisées à chaque nouvelle mise à jour effectuée en fonction de l’actualité des (re)sorties / restaurations / passages en TV etc etc. Les champs des possibles étaient vastes et le livre aurait pu alors constituer un socle solide non axé sur les œuvres cultes (avec un s) mais bien une nouvelle fois sur un panorama de films essentiels pour se constituer un patrimoine culturel indispensable en la matière. Ce que ce livre ne peut donc au final même pas se targuer.

Les 1000 films culte de l’histoire du cinéma par Jean Serroy (Préface de Thierry Fremaux) – Glénat – 17 novembre 2021

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