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Fiche film : Une affaire de famille

Kore-eda s’est lancé dans ce projet parce qu’il avait entendu parler de familles touchant illégalement la pension de retraite de leurs parents qui étaient morts depuis longtemps. Il précise ainsi que « Depuis le tremblement de terre de 2011, je m’interroge sur ceux qui répètent sans cesse que les liens familiaux sont importants. Et j’ai donc eu envie d’explorer la nature de ces rapports en m’intéressant à une famille liée par des délits. »

Après avoir remporté le Prix du Jury sur la Croisette en 2013 pour Tel père, tel fils, Kore-eda est reparti avec la Palme d’Or, pour Une affaire de famille, 5 ans plus tard.

Une affaire de famille (Manbiki kazoku – 2018)

Réalisateur(s) :  Hirokazu Kore-eda
Acteurs : Lily Franky, Sakura Andô, Mayu Matsuoka, Kiki Kirin, Kairi Jyo
Durée : 2h01
Distributeur : Le Pacte
Sortie en salles : 12 décembre 2018

Résumé : Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu‘elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets…

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  • Avis express : Le cinéaste Kore-eda poursuit son exploration de la famille japonaise avec une fidélité exemplaire pour ne pas dire obsessionnelle. À la différence toutefois ici qu’il semble vouloir revenir à quelque chose de plus sociétal et de moins intime, assez loin donc de ses précédents longs tels que Après la tempête, Notre petite sœur ou encore Tel père, tel fils. Avec Une affaire de famille il semble en effet vouloir à nouveau tâter du film politique sans pour autant émarger sur ses thèmes de prédilection. Ce qui quelque part nous ramène à Nobody Knows qui en 2004 le révéla, au-delà du cercle des initiés, au plus grand nombre. En s’intéressant à cette famille dysfonctionnelle et recomposée qui vit de débrouille, de menus larcins et de fraudes à l’assurance-retraite, Kore-eda gratte une nouvelle fois le vernis d’une société où comme on le sait la notion même de famille en est la pierre angulaire. Et comme pour Nobody Knows, le réalisateur japonais s’appuie sur un fait divers qui a défrayé la chronique de son pays.
    Sauf qu’ici la charge est plus frontale et fait encore plus mal. Dans Nobody Knows, Kore-eda pointait du doigt le délitement de la société japonaise qui, par certains aspects, semblait se rapprocher des standards occidentaux. Des enfants en bas âges abandonnés par leur mère obligés de subsister par eux-mêmes. Ni voisins, ni parents, ni de quelconques clignotants sociaux ne sont venus inverser cette situation qui a perduré pendant presque un an. La colère de Kore-eda était manifeste mais elle était diluée dans la chaîne des responsabilités. En gros, les autorités normalement compétentes n’étaient pas les seules responsables. Rien de tel ici. Le fait de condamner des personnes pour avoir frauduleusement caché par exemple la mort de leur mère pour continuer à toucher sa retraite est une chose certes répréhensible mais ne montre-t’elle pas non plus un glissement vers le bas d’une société en manque de repères doublée d’un malaise économique patent  ? Et comme le dit si bien le cinéaste : « (…) je me demande pourquoi on se met en colère pour des délits aussi insignifiants alors qu’il y a des milliers de criminels qui commettent des actes beaucoup plus graves en toute impunité. »
    D’autant que depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011 suite au tremblement de terre suivi d’un tsunami, la confiance envers les institutions du pays semble avoir fondu comme neige au soleil entre incompétences manifestes, politique vis-à-vis du nucléaire à l’évidence criminelle et cynisme intégral envers les populations touchées de près ou de loin par les conséquences de la radioactivité. Le gouvernement japonais ne s’y est d’ailleurs pas trompé en ne félicitant pas officiellement le récipiendaire de la Palme d’or et en renâclant à faire de Une affaire de famille un représentant de son pays à l’Oscar du meilleur film étranger.
    Film éminemment politique à la colère dorénavant manifeste et profonde, La Famille des vols à l’étalage, traduction littérale du titre japonais, est aussi et surtout une œuvre infiniment délicate, sensible, humaine et étonnamment solaire. Elle nous frappe aussi par la justesse de son propos et l’empathie de son regard caméra comme pouvait l’être au hasard Bonjour de Ozu. Elle synthétise enfin en creux toute l’évolution d’une société qui s’est rebâtie sur le mensonge de l’après-guerre. Entre modernisme occidental et traditions ancestrales. Une dichotomie qui semble avoir accouché d’un mutant qu’il faut cacher au reste du monde quand Kore-eda ne demande qu’à le comprendre pour mieux l’accompagner et l’aimer. Sacré leçon de vie et de cinéma en quelque sorte. SG 4/5
  • Box-office : 21 189 entrées sur 175 copies. Soit tout simplement le meilleur 1er jour pour un film signé Hirokazu Kore-eda en France. C’était Tel père, tel fils qui détenait cette marque jusqu’ici avec 14 546 entrées en 24h. Distribué à l’époque sur 130 copies et bénéficiant d’un bouche à oreille légitiment élogieux, il avait tenu l’affiche 22 semaines pour terminer sa carrière à 429 771 entrées. À l’évidence, la Palme d’or 2018 devrait faire beaucoup mieux. Le Pacte, son distributeur dirigé par un certain Jean Labadie qui accompagne les films du cinéaste japonais en France depuis 2012, ne peut que s’en réjouir. Edit 28/05/23 : 778 673 entrées soit le meilleur cumul pour un film de Kore-eda en France alors que cette phrase est rédigée 5 ans après la sortie de Une affaire de famille.

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