Qu'un sang impur - Image une fiche film

Fiche film : Qu’un sang impur…

« Je suis entré dans le monde du cinéma avec pour principal objectif de parler un jour de la guerre d’Algérie. La colonisation de ce pays et ce qui en a découlé en termes de tragédies humaines est un matériau duquel on peut extraire une multitude d’histoires passionnantes et fracassantes, tout en interrogeant à la fois la mémoire et la conscience des Algériens et des Français. » – Abdel Raouf Dafri

Le réalisateur n’a pas façonné les personnages de Qu’un sang impur… de manière manichéenne compte tenu du fait que les deux camps qui s’opposaient durant la guerre d’Algérie usaient chacun de méthodes horribles. « L’armée française a usé de tortures, de viols, de déportation des populations et d’arrestations arbitraires pour contraindre le peuple algérien à choisir son camp. En face, le FLN a massacré, racketté et terrorisé les villageois et le peuple algérien pour le rallier de force… Sérieusement, où sont le bien et le mal là-dedans ? Si le combat pour l’indépendance était noble et juste, les méthodes du FLN étaient indignes. »

Qu’un sang impur… (2019)

Réalisateur(s) : Abdel Raouf Dafri
Avec : Johan Heldenbergh, Linh-Dan Pham, Lyna Khoudri, Steve Tientcheu, Pierre Lottin, Olivier Gourmet, Salim Kechiouche, Hichem Yacoubi
Durée : 1h49
Distributeur : Mars Films
Sortie en salles : 22 janvier 2020

Résumé : Alors qu’il n’est plus que l’ombre du guerrier qu’il était en Indochine, le colonel Paul Andreas Breitner se voit contraint de traverser une Algérie en guerre, à la recherche de son ancien officier supérieur : le colonel Simon Delignières, porté disparu dans les Aurès Nemencha, une véritable poudrière aux mains des rebelles.

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  • Avis express : Les films qui ont pour cadre la guerre d’Algérie ne sont pas légions au sein de notre cinéma. Le dernier en date qui abordait frontalement la chose est sans nul doute L’Ennemi intime de Florent Emilio Siri. Et cela remonte à 2007. Il faut croire que la plaie reste béante et qu’a contrario des américains, nous avons toujours autant de mal avec notre Histoire récente. Surtout quand elle n’est pas à notre avantage et que l’évoquer aura été longtemps synonyme chez nous de censure pure et dure. C’est dire que la sortie de Qu’un sang impur… est un événement en soi. D’autant que son réal n’est autre qu’Abdel Raouf Dafri, scénariste des deux Mesrine de Richet mais surtout d’Un prophète qu’il a écrit avec Jacques Audiard et Thomas Bidegain. D’autant que  son réal affirme haut et fort que s’il s’est lancé dans le cinéma, c’est uniquement pour pouvoir faire ce film.
    Et le moins que l’on puisse affirmer c’est que voilà un premier long qui suinte l’écriture par tous les pores. Et pas de la race bovine, pompeuse, galvaudée ou mimétique. Non, plutôt de celle qui verse dans l’efficace, l’intelligent, l’érudit et surtout le non binaire. Ce dernier aspect étant l’un des points d’orgue d’un film au demeurant âpre et sans ménagement aucun pour son spectateur. Il sera en effet inutile de vouloir se raccrocher aux branches d’une histoire qui avance sans jamais un coup d’œil dans le rétro. Non que tout soit mené au pas de charge, mais à l’image du colonel Breitner génialement interprété par l’acteur belge Johan Heldenbergh (dont on vous en disait déjà le plus grand bien dans Gaspard va au mariage), Abdel Raouf Dafri n’a que faire de circonvolutions opératiques. L’une de ses ambitions est de nous faire ressentir l’immédiateté d’une guerre où tout doit se décider dans l’instant. On est ainsi sans cesse balloté sur une corde raide que Dafri se plaît à tendre et détendre à l’envi à la fois pour se jouer de nous et de nos nerfs mais aussi pour nous asséner son message sans l’aide d’un quelconque chausse pied.
    Celui d’une guerre jusqu’ici souvent présentée totalement à charge contre l’occupant français et mise en scène par des pacifistes gauchistes (ce qui n’est pas une tare attention) qui ne faisaient pas dans la dentelle (le méchant militaire français adepte de la gégène, le gentil FLN prêt à tout pour jeter l’occupant à la mer). Chez Abdel Raouf Dafri tout cela est bien présent mais sous un angle moins caricatural et a fortiori bien plus gris et subtil. Le militaire français peut-être ainsi toujours dépeint bas du front mais en guise de médaille épinglée sur sa tunique, c’est d’un sourire kabyle du plus bel effet qu’il écope. Quant à l’algérien, il s’égorge entre frères d’armes (ou non) sans oublier femmes et enfants. Quant au commando à la recherche d’un colonel porté disparu sur le modèle lointain d’Apocalypse Now, chacun d’entre eux porte en lui une identité française caractéristique d’une nation certes en déshérence mais paradoxalement sûre de son fait dans chacune de ses décisions.
    On peut même légitimement penser qu’Abdel Raouf Dafri a en tête la France d’aujourd’hui en réalisant qu’Un sang impur… Non pour nous balancer une quelconque vérité ou morale à la tronche. Mais plutôt pour nous mettre en garde à sa façon sur la montée du communautarisme qui gangrène par le bas notre société. Son (anti) héro est ainsi un officier d’origine belge qui a obtenu la nationalité française en versant son sang pour notre pays. Son tireur sénégalais (énorme Steve Tientcheu que le grand public vient de découvrir dans Les Misérables) est un ancien d’Indochine que l’on a extirpé d’une geôle militaire où il attendait son exécution après avoir assassiné un officier qui lui avait donné l’ordre abject de tuer femmes et enfants d’un village sous la coupe du FLN. Il y a aussi cette jeune femme Mong, de ce peuple de montagnards qui a combattu aux côtés de la France en Indochine et que notre armée a abandonné une fois la guerre perdue, aveuglément dévouée au colonel Breitner. Quant au seul gaulois de souche du groupe, c’est en fait un sniper qui veut venger son père égorgé par le FLN en butant un maximum d’arabes. On est pas loin des 12 salopards à la sauce d’un scénariste désenchanté qui ne prophétise plus rien sinon la clameur d’une Marseillaise à jamais entachée dans ses contradictions, sa violence aveugle et une identité issue d’un melting pot dont il serait plus que temps de prendre conscience. Pour Abdel Raouf Dafri, français d’origine algérienne, il n’est finalement et paradoxalement pas trop tard. C’est toute la majesté de son film. On aimerait tant le croire. SG 3,5/5
  • Box office : 44 copies. C’est bien trop juste pour que le film soit vu par le plus grand nombre. La frilosité des exploitants de salles de cinéma est consternante mais tellement prévisible. Edit 1er juin : Ce qui donne à l’arrivée 12 083 entrées en à peine 3 semaines d’exploitation. Une boucherie.
  • La chronique Blu-ray : Une édition DVD tiendrait déjà de l’ordre du miracle. Edit 1er juin : Un Blu-ray est annoncé pour le 3 juin. Alléluia / Mazeltov / Inch Allah  mes frères… Edit 7 juillet : Revoir le film de Abdel Raouf Dafri en Blu-ray est un vrai bonheur des mirettes et des esgourdes tant il respecte parfaitement l’excellent travail de la photo et du mixage originels. Par contre on sera plus dubitatif quant au seul supplément proposé. Une captation vidéo quasi sauvage effectuée depuis un siège spectateur d’une intervention du réal dans un cinéma lors d’une avant-première. C’est à peine audible avec le sentiment que l’on se fout totalement de nous. En gros pourquoi se procurer ce Blu-ray à 20 euros quand il est possible de découvrir le film dans des conditions techniques certes moins optimales mais à 4.99 euros sur n’importe quelle plateforme VOD ? Si les éditeurs ne comprennent pas cela, le support physique n’a en effet plus aucun avenir devant lui car il n’offre à son éventuel acquéreur quasiment aucune valeur ajoutée. Limite sortir ainsi ce film équivaut à le suicider une deuxième fois. Ci-dessous vous trouverez un lien renvoyant vers notre interview du cinéaste pour laquelle nous avions honte du son (problème technique survenue pendant la session). Et bien, à côté de ce que l’on nous propose en guise de bonus ici, autant dire que l’on peut dorénavant prétendre au César dans la catégorie ad hoc. 

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