Piège pour Cendrillon - Image une

Fiche film : Piège pour Cendrillon

Piège pour Cendrillon est l’adaptation d’un roman au titre éponyme de Sébastien Japrisot qui en assurera l’adaptation sous son véritable nom de Jean-Baptiste Rossi avec André Cayatte et Jean Anouilh.

Le cinéma français a souvent eu la bonne idée de vouloir adapter des livres de Japrisot avec des résultats allant de l’excellent comme pour le polar Compartiment tueurs de Costa-Gavras en 1965 au nettement plus discutable Un long dimanche de fiançailles réalisé en 2004 par Jean-Pierre Jeunet.

Piège pour Cendrillon n’est passé qu’une unique fois à la télévision, en juin 1973, avant d’être
définitivement bloqué par Sébastien Japrisot, mécontent de l’adaptation de son livre. Ce n’est qu’en 2019 à l’occasion de sa projection en version restaurée au festival Lumière qu’il put être enfin redécouvert par une nouvelle génération de cinéphiles.

L’équipe du trimestriel  Revus & Corrigés qui parait depuis 2018 s’en est d’ailleurs tellement entiché qu’elle a décidé de le distribuer inaugurant ainsi un programme ad hoc où elle va accompagner et défendre les films qui lui ont tapé dans l’œil via des séances événementielles. Pour en savoir plus c’est ici que cela se passe.

Piège pour Cendrillon (1965)

Réalisateur(s) : André Cayatte
Avec : Dany Carrel, Madeleine Robinson, Jean Gaven, René Dary, Francis Nani, Robert Dalban
Durée : 1h58
Distributeur : Revus & Corrigés (Rep. 2020)
Sortie en salle : 19 octobre 1965
Reprise : 8 octobre 2020
Sortie Blu-ray : 
24 juin 2020 (Gaumont)

Résumé : Victime d’un incendie, une jeune fille se réveille amnésique dans une clinique. Elle doit réapprendre petit à petit les mots, les idées, la vie. On lui dit qu’elle s’appelle Michèle, l’héritière d’une riche industrielle et que sa cousine Dominique a péri dans l’incendie. Jeanne, sa gouvernante, vient la chercher à la clinique. Bientôt Michèle va découvrir qui elle était vraiment…

Articles / Liens :

  • Avis : Quand André Cayatte découvre par hasard le roman de Sébastien Japrisot, il est au creux de la vague. Ses deux précédents films, un diptyque sur le couple vu pour l’un du côté de l’homme, pour l’autre du côté de la femme (Marriage Story de Noah Baumbach en 2019 n’a rien inventé), sortis en même temps, ne font pas recettes (1,5M de spectateurs au global). Quant à la critique menée par les jeunes turcs des Cahiers du Cinéma avec à sa tête un François Truffaut qui ne lui fait aucun cadeau, elle le relègue depuis dix ans déjà au rang des cinéastes du passé qu’il ne faut absolument plus fréquenter. Et pourtant.
    Sans avoir la prétention ici de dresser en quelques lignes le portrait d’un réalisateur qui est fort heureusement remis en avant depuis quelques années, on peut quand même affirmer que Truffaut et consorts se sont mis le doigt dans l’œil, et jusqu’au coude qui plus est. On peut penser avec le recul que Cayatte, cinéaste et homme aux sensibilités de gauche, devait irriter cette jeunesse de nouveaux cinéphiles pour la plupart issus d’un milieu bourgeois dont les conceptions politiques et sociétales se situaient aux antipodes. André Cayatte, avocat de formation, s’était ainsi retrouvé affublé de l’étiquette de « cinéaste à thèse » à l’issue de son triptyque judiciaire composé de Justice est faite / Nous sommes tous des assassins / Le Dossier noir qu’il réalise entre 1950 et 1955. Ce qui impliquait sous la plume de Truffaut une mise en image pesante accentuée par un discours qui ne laissait aucune place à la subtilité ou à la contradiction. Une sorte de vrai-faux naturalisme forcément puant. Aujourd’hui, cette appréciation ne tient plus. Si André Cayatte ne fait en effet pas dans la dentelle, ses démonstrations d’une efficacité redoutable sont au service de problématiques qui n’ont pas pris une ride.
    Pour autant, avec Piège pour Cendrillon, Cayatte s’essayait à autre chose dans une tentative évidente de se renouveler. Tout du moins dans la forme. Car dans les thématiques, on reste en terrain connu.  À commencer par celle de la double identité qui imprègne tout le film. Une jeune fille apparemment victime d’un incendie se réveille à l’hosto amnésique. Qui est-elle vraiment ? A-t-elle été réellement victime d’un accident ? Qui était cette cousine qui n’a pas survécu à l’incendie ? Ses recherches vont de fait l’amener à découvrir tout un pan d’un passé pas si lointain tout en se forgeant une nouvelle identité. On n’est pas si loin du personnage de condamné à mort dans Nous sommes tous des assassins qui tout en étant la victime d’une société aux classes sociales trop tranchées se reconstruit en détention pour apparaître radicalement différent au moment de sa montée sur l’échafaud. Les classes sociales sont d’ailleurs dans Piège pour Cendrillon le terreau même de la dramaturgie du film alors que dans le livre de Japrisot, les enjeux dramatiques sont ailleurs. Preuve s’il en est que Cayatte s’est approprié le livre pour le couler dans le moule de son cinéma et de ses obsessions. Preuve que nous avons donc bien affaire ici à un auteur, de ceux que Truffaut et consorts défendaient habituellement avec âpreté.
    Pour accentuer son propos, Cayatte use d’une imagerie sourcée du côté d’Hitchcock (qui n’a pas pensé à Sueurs froides à la découverte du monumental escalier filmé en contre-plongée) et d’Henri-Georges Clouzot. Il y a même des passages où Piège pour Cendrillon fricote avec une certaine imagerie fantastique bien aidée par cette photo N&B signée par le grand Armand Thirard qui pour rappel fut le directeur de la photo de quasi tous les Clouzot à commencer par Les Diaboliques (1955) dont Piège pour Cendrillon en rappelle furieusement l’esthétique. Et que dire enfin de Dany Carrel qui sans vouloir déflorer plus que cela l’intrigue interprète trois rôles différents. Celle qui se raconte avec tant de pudeur et de générosité dans son livre L’annamite (Robert Laffont, coll. « Vécu », 1991), fille illégitime d’un français d’Indochine qui n’a connu que très tardivement sa mère vietnamienne (au cours de l’émission Sacrée Soirée de Jean-Pierre Foucault), ne pouvait que s’identifier à cette amnésique à la recherche de ses racines. Sa beauté incandescente embrase la pellicule tout en donnant au film cette seconde jeunesse et on l’espère cette reconnaissance qui lui fut injustement refusée à sa sortie. 4/5
  • Box office 737 289 entrées. Assez loin des standards pour un cinéaste plus habitué au million de spectateurs. Minimum. Sa meilleure marque étant l’immense Mourir d’aimer avec la non moins immense Annie Girardot qui attira près de 6M de spectateurs en 1971.

Piège pour Cendrillon

Éditeur :Gaumont
Sortie le :24 juin 2020  

  • La chronique Blu-ray : Un Blu-ray édité par Gaumont a vu le jour en juin 2020. Il propose une image au format 1.66 issue d’une restauration 2K plutôt inspirée malgré quelques séquences un peu problématiques où l’on pourra constater un manque de stabilité ou une balance des noirs en arrière-plan peu cohérente. La gestion du grain est par contre optimale. En guise de bonus on a droit à une formidable interview audio de Dany Carrel dont vous pourrez retrouver les meilleurs passages au sein du dossier de presse cliquable ci-dessous.

  Lâchez-vous !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *