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Fiche film : Josep (2020)

Dessinateur de presse, Aurel travaille pour Le Monde et Le Canard Enchaîné. Il a publié une vingtaine d’ouvrages dont deux BD documentaires, Clandestino et La Menuiserie, et réalisé de nombreux reportages graphiques pour divers titres de la presse française. Josep est son premier long métrage.

Le film fait partie de la Sélection Officielle Cannes 2020.

César du meilleur long-métrage d’animation en 2021.

Josep (2020)

Réalisateur(s) : Aurel
Avec les voix de : Sergi López, David Marsais, Silvia Pérez Cruz, Alain Cauchi, François Morel, Valérie Lemercier, Gérard Hernandez, Bruno Solo
Durée : 1h11
Distributeur :  Sophie Dulac Distribution
Sortie en salles : 30 septembre 2020
Reprise le : 19 mai 2021

Résumé : Février 1939. Submergé par le flot de Républicains fuyant la dictature franquiste, le gouvernement français les parque dans des camps. Deux hommes séparés par les barbelés vont se lier d’amitié. L’un est gendarme, l’autre est dessinateur. De Barcelone à New York, l’histoire vraie de Josep Bartolí, combattant antifranquiste et artiste d’exception.

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  • Avis : Le passage de la bande dessinée au dessin animé est rarement aisé. Les deux médiums, qui utilisent chacun la dimension graphique, n’ont absolument ni la même économie ni le même rapport à la mise en scène et, bien sûr, au mouvement. Quand Aurel, dessinateur de presse et auteur de BD, décide de porter à l’écran le scénario de Jean-Louis Milesi sur Josep Bartoli et l’épisode de la « Retirada », il n’a qu’une expérience cinématographique à son actif : un court métrage animé sur la répression meurtrière d’une manifestation d’Algériens par la police française en octobre 1961 intitulé Octobre noir et réalisé en 2011 (un excellent film signé Alain Tasma aborde aussi le sujet). Révéler par l’image certains tabous de notre histoire semble être un des éléments moteurs de son travail. La Retirada est cet épisode lié à la fin de la guerre civile espagnole en 1939 qui a vu Franco assoir son pouvoir et les résistants ibères encore en vie fuir à travers les Pyrénées. Une majorité d’entre eux ont fini internés dans des camps de concentration français en attendant que leur sort soit fixé. Peu connu, probablement parce que proche de la seconde guerre mondiale et que les exactions militaires sont souvent tus, elle avait déjà été évoquée en 2003 par Henri François Imbert dans un exceptionnel documentaire intitulé No Pasaran, album souvenir. Le cinéaste analysait alors les pièces manquantes de l’histoire à travers une collection incomplète de cartes postales retrouvées par hasard, et qu’il a cherché à réunir, interrogeant de multiples témoins et faisant ressurgir la mémoire.
    Le Josep d’Aurel, figure ayant réellement existé dont le film raconte le parcours, de l’arrivée en France à la fuite au Mexique où il devient l’amant de Frida Khalo puis aux États-Unis, est lui aussi intimement lié à l’image fixe. Non pas une imagerie cartophile ni même reproduite par empreinte photochimique puisqu’il est dessinateur. Devenu au fil du temps un quasi inconnu pour le grand public, ce communiste farouchement antifranquiste fût l’un des grands dessinateurs de presse du 20eme siècle. Même interné et sans ressources, il n’a jamais cessé de tracer au crayon les contours d’une expérience du monde, subjective mais partagée. Le point commun entre les deux films est d’évoquer en filigrane un moment pas si lointain mais dont peu parlent vraiment et qui se trouve rarement illustré. Comme de nombreuses œuvres cinématographiques, elles soulèvent le délicat questionnement de l’image manquante, perdue en tentant de reconstituer une mémoire qui tend à s’effacer. Aurel utilise d’ailleurs, autant à des fins économiques qu’artistiques, une animation limitée. À l’exception d’une courte séquence onirique et abstraite, il ne se livre à aucune prouesse ou démonstration technique mais à une véritable interrogation sur les limites de la fixité et du mouvement, sur ce moment entre lequel l’image se fige, meurt, se propose pour ce qu’elle est : une simple image, et cet instant où elle oscille, bouge, prend vie et semble devenir autonome. À la manière de Josep qui dessine son calvaire des camps, le réalisateur-croqueur cherche à faire le portrait lointain d’un monde disparu, de ce qu’il a pu être, sans jamais vouloir faire de son œuvre un documentaire. Il cherche aussi à s’approcher des esquisses de Josep (regroupées et publiées par la suite in Josep Bartoli, La retirada: exode et exil des républicains d’Espagne, Acte sud BD, Arles, 2008), d’une certaine raideur du trait, d’un minimalisme des décors qui fait davantage éprouver l’hostilité ambiante et l’horreur vécue dans ces taudis où des milliers de réfugiés sont morts de maladies ou de faim. Ainsi, il se rappelle à notre époque, à ce qui n’a jamais changé. Il suffit juste de transposer les lieux de l’action, et encore… certains gendarmes du film ayant un discours aussi nauséabond qu’en 2021.
    D’ailleurs, ce rappel au présent et cette nature documentée mais non documentaire font écho au point de vue sur le récit. Le protagoniste n’est pas tout à fait Josep. Le film débute aujourd’hui sur un grand père mourant, racontant son histoire à son petit-fils, bon à rien sauf en dessin. Piteuse et classique introduction mais qui a le mérite de dévoiler que tout nous sera raconté à travers les yeux d’un jeune gendarme peu téméraire ou enclin à l’action qui n’est fondé sur aucun élément réel. Il est le point d’entrée dans la fiction et a juste pitié de Bartoli. Il est surtout le regard intérieur et extérieur, celui qui peut franchir les barbelés du camp, rattaché à Bartoli mais aussi détaché. Il est partout et nulle part, incapable de se bouger face à une Histoire toujours en marche. Il n’a pas vraiment le mauvais rôle mais n’a absolument pas le bon non plus. Il est, finalement, monsieur tout le monde, un sursaut au bon moment en plus. Drôle de façon de conter une histoire au cinéma, peut-être plus proche du réel aussi. 4/5
  • Box office : 173 044 entrées sur 200 copies après 4 semaines d’exploitation. Et puis rideau. La ressortie de Josep en ce 19 mai, jour de réouverture des cinémas, devrait lui permettre d’aller chercher les 200 000 spectateurs au total. C’est tout le mal qu’on lui souhaite et ce même si le film a bénéficié depuis d’une exposition sur la plupart des plateformes VOD.

Une réflexion sur « Fiche film : Josep (2020) »

  1. Aussi imaginatif que créatif, l’animation des dessins est superbe, on anime le trait souvent, et pas le dessin, trop beau ! L’histoire véridique nous rappelle un passé honteux, mais qu’il ne faut pas oublier. Un bijou à voir et à posséder !

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