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Fiche film : Neige (1981)

« (…) Nous avons voulu montrer un quartier de Paris où chaque jour il existe une vie multiraciale. Je ne suis ni immigrée, ni pute, je ne suis pas représentative de ce quartier. Neige n’est pas un film ethnologique, c’est un certain regard sur le monde de la fiction policière. C’est une balade entre Barbès et la place Blanche. La drogue est là, comme le sexe, comme les bars. C’est un élément du décor, une des réalités de Pigalle. Neige, c’est un portrait de Pigalle. Le titre du film évoque peut-être l’héroïne, la blanche, le cheval, la neige comme on dit. Mais en fait nous l’avons choisi parce que c’est un beau mot, très condensé, froid et scintillant. Comme les lumières des néons la nuit à Pigalle ; comme le clinquant des baraques de la fête foraine l’hiver sur le boulevard ; comme les flocons qui flottent dans les boîtes transparentes où on voit la Tour Eiffel ou le Sacré Cœur quand on les retourne. » – Juliet Berto – Mai 1979.

Neige (1981)

Réalisateur(s) : Jean-Henri Roger et Juliet Berto
Avec : Jean-François Stévenin, Juliet Berto, Robert Liensol, Jean-François Balmer, Raymond Bussières, Eddie Constantine, Patrick Chesnais
Durée : 1h30
Distributeur : JHR Films (Reprise 2022)
Sortie en salles : 20 mai 1981
Reprise :
5 janvier 2022

Résumé : Anita, elle est barmaid à « La Vielleuse », elle a un grand cœur. Willy lui, Anita il l’aime et c’est pas tous les jours facile. Jocko est antillais, pour vivre son exil, son « truc » c’est l’église de la Sainte-Trinité dont il est le Pasteur. Tous les trois, ils vivent sur les 800 mètres de boulevard entre Barbès et Pigalle. Bobby c’est le môme du quartier, il fait profession de « dealer ». Anita l’a presque élevé et elle ferait tout pour le protéger. Anita et ses deux copains, ils vont vite apprendre le prix du gramme d’héroïne.

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  • Notre avis : Neige raconte d’abord l’histoire d’un quartier de Paris. Celui de Barbès. Plus précisément de Pigalle à Barbès jusqu’à la Goutte d’Or et le Boulevard Rochechouart. Un périmètre qui au début des années 80 avait encore l’aspect d’un village où les forains venaient s’installer histoire de participer aux illuminations urbaines de la fin d’année mais aussi pour aider (à leur insu) à mieux brasser la population hétéroclite composée d’émigrés et de parisiens pas encore contaminés par l’épidémie communautariste galopante de ces dernières années. Pour autant, Neige n’est absolument pas un film carte postale où la nostalgie pourrait affleurer au détour de chaque plan. Si aujourd’hui il fait certes montre d’un témoignage d’un autre siècle, celui-ci reste tellement proche d’un naturalisme âpre et viscéral que l’on est bien content d’être confortablement assis au cinéma ou sur son canapé pour le découvrir.
    Oui car en ce qui nous concerne, ce film signé du cinéaste engagé Jean-Henri Roger et de l’actrice Juliet Berto est une totale découverte. Un binôme qui laisse voir dès les premiers plans des accointances avec le cinéma de la Nouvelle Vague. Ou plutôt la volonté d’en respecter l’héritage sans pour autant s’y soumettre réellement. C’est le cas en effet immédiatement quand il s’agit de suivre les déambulations urbaines du petit dealer du quartier se frayant un chemin au sein des baraquements des forains pour faire son bizz avec ses habitués ou des clients de passage. Il y a là une énergie et une fluidité de la mise en scène qui ne peuvent que rappeler À bout de souffle (au hasard) de Godard que Jean-Henri Roger a d’ailleurs côtoyé à l’orée des années 70 quand il a intégré le fameux collectif cinématographique à tendance maoïste Dziga Vertov fondé par le cinéaste du Mépris (1963). Mais la rupture intervient très rapidement quand l’histoire, à l’amplitude narrative plutôt linéaire, pour ne pas dire assez simpliste, se déploie : le petit dealer se fait occire par les flics du quartier provoquant rapidement un sentiment de manque au sein de la population camée. La jeune Anita (Juliet Berto), barmaid de son état, se met en tête de trouver de la blanche rapidement pour son ami qui fait le trottoir. S’enclenche alors une mécanique infernale sur un laps de temps assez court dont on devine assez rapidement la finalité.
    Avec un tel dispositif, autant dire que nous sommes souvent en extérieur. Et même si la caméra n’est pas là pour faire du tourisme, le quartier est véritablement le personnage clé de Neige. La réalisation en fait une cartographie tellement précise que l’on a l’impression de se retrouver dans un roman de Léo Malet mettant en scène son détective Nestor Burma au sein d’un arrondissement précis de Paris. C’est franchement jubilatoire d’autant que les personnages qui animent cette prose visuelle nous semblent plus que jamais aujourd’hui proches d’un certain onirisme tout droit débarqué du temps de Prévert quand il était la tête de gondole avant-guerre du fameux réalisme poétique au cinéma. Cela passe aussi par les dialogues signés Marc Villard qui avec le temps sonnent toujours aussi vrais tout en faisant écho d’intonations et d’un phrasé bien ancrés dans leur époque. Enfin, la photo de Willian Lubtchansky participe grandement à cette ambiance de film noir composé sur le vif et dans l’urgence perpétuelle avec, cerise sur le gâteau, une restauration 4K de l’image qui donne encore plus de densité et de profondeur à ce quartier qui ne dort jamais dont Neige s’en fait donc le témoin plus que jamais privilégié. 3,5/5
  • Box office : Lors de sa sortie en 1981, Neige avait réalisé 643 042 entrées et était sorti la semaine de l’élection de François Mitterand. Un score qui laisse rêveur. Sa ressortie en version restaurée orchestrée sur 5 copies dont 2 parisiennes a attiré après son 1er week-end d’exploitation 1 098 spectateurs (Sources CBO). Un très joli score pour une reprise.
  • La chronique Blu-ray : Un combo DVD / Blu-ray est annoncé pour le 15 février 2022.

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