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Fiche film : Un autre monde (2021)

Avec Un autre monde, Stéphane Brizé a voulu rendre compte des conséquences du travail de ceux qui sont considérés comme le bras armé de l’entreprise mais qui sont simplement des individus pris entre le marteau et l’enclume. Il explique : « Le film met en scène la perte de sens de la vie d’un cadre d’entreprise qui, en même temps que son mariage s’effondre, a de plus en plus de difficultés à trouver de cohérence dans un système qu’il sert pourtant depuis des années. »
« Un système dans lequel il lui devient extrêmement compliqué d’appliquer vers le bas des injonctions venues d’en haut. De nombreux cadres nous ont raconté, à Olivier Gorce mon co-scénariste et moi-même, une vie personnelle et professionnelle à laquelle ils parviennent de moins en moins à donner de sens parce qu’on ne leur demande plus notamment de réfléchir mais simplement d’exécuter. »

Un autre monde (2021)

Réalisateur(s) : Stéphane Brizé
Avec : Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon, Marie Drucker
Durée : 1h36
Distributeur : Diaphana Distribution
Sortie en salles : 16 février 2022

Résumé : Un cadre d’entreprise, sa femme, sa famille, au moment où les choix professionnels de l’un font basculer la vie de tous. Philippe Lemesle et sa femme se séparent, un amour abimé par la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction. On le voulait hier dirigeant, on le veut aujourd’hui exécutant. Il est à l’instant où il lui faut décider du sens de sa vie.

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  • Notre avis : Contrairement au titre de son nouveau film, Stéphane Brizé continue avec une constance proche de l’obsession à disséquer ce monde du travail que certains, au début de ce siècle, avaient déjà baptisé d’une manière définitive comme un univers caractérisé par la violence de ses échanges en milieu tempéré. Sauf que chez Brizé la violence est frontale, brutale et radicale. Des moteurs a priori hautement cinégéniques qu’il use (La Loi du marché) et abuse (En Guerre) pour mieux les détourner ici. Un autre monde est en fait la synthèse en forme de fin de parcours (provisoire ?) d’une dorénavant trilogie qui fait sens. C’est qu’en remontant dans la hiérarchie d’une entreprise pour toucher ici ses cadres et sa direction, Stéphane Brizé veut nous montrer qu’au final rien ne change vraiment. Si les salaires sont plus importants, si les responsabilités sont plus écrasantes, il n’en reste pas moins que les hommes et les femmes sont soumis aux mêmes genres de pression et subissent des décisions qui remettent toujours plus fortement en cause leur capacité à se comporter en tant qu’être humain.
    Loin de là pourtant l’idée chez Brizé de dédouaner ce chef d’entreprise qui doit comme ici appliquer un plan de licenciement pour obéir à la stratégie mondiale d’un groupe par ailleurs en pleine santé économique. Ce qui l’intéresse plutôt est de gratter sous la surface et de découvrir que derrière le patron il y a un mari et un père de famille qui a tout sacrifié pour ce qui était sa boîte avant que celle-ci soit rachetée. Un mari en instance de divorce car sa femme n’en peut plus d’une vie où il est toujours absent. Un père qui découvre que son cadet de fils vit dans un monde peuplé de chimères au point qu’il soit obligé de l’envoyer dans un établissement de « repos » alors que sa fille fait le tour du monde à la voile. Encore une fois, il n’est pas question pour Brizé de s’apitoyer sur le sort d’un homme écrasé par ses responsabilités du quotidien mais bien de montrer que plus les sommets sont élevés, plus l’oxygène s’y faire rare et plus les décisions à prendre sont lourdes de conséquences. Et de cette apparente lapalissade, Brizé en fait un film débarrassé de pas mal des oripeaux qui fourvoyaient quelque peu En guerre dans quelque chose d’assez abstrait.
    Dans Un autre monde chacun d’entre nous peut en fait se raccrocher à un morceau de vie projeté sur l’écran qui lui est propre donnant au personnage joué par Vincent Lindon (qui d’autre que lui pourrait-on se demander) une épaisseur et pour tout dire une humanité bien plus conquérante et foisonnante que le délégué syndical jusqu’au-boutiste qu’il interprétait dans En guerre. On est en effet plus proche de celui incarné dans La loi du marché. Homme de conviction pris dans la nasse de sa classe dont il tente tant bien que mal d’en briser les chaînes. Et en vieillissant Brizé lui offre une porte de sortie. Elle vaut ce qu’elle vaut mais elle a le mérite d’exister tout comme ce film qui s’apprivoise pour mieux se mériter.  3,5/5
  • Box office : Depuis La Loi du marché et son million d’entrées, Stéphane Brizé est pour le coup passé dans un autre monde. Lui, habitué jusqu’ici à une moyenne de 350 000 spectateurs, s’installait alors comme une valeur sûre au box-office même si, à n’en pas douter, cette « appellation contrôlée » doit lui hérisser le poil. Le fait est que depuis ses films sont distribués à plus de 250 copies (contre une moyenne de 160 auparavant) avec toutefois des fortunes diverses et sans jamais retrouver les sommets de La Loi du marché. Ce qui n’a pas empêché Diaphana qui le suit depuis Quelques heures de printemps en 2012 de placer 256 copies en première semaine. À titre de comparaison immédiate, En guerre, son précédent film, avait réuni 285 274 spectateurs sur 272 copies. Edit : Avec 37 055 entrées en 24h, Un autre monde réalise un meilleur démarrage que La Loi du marché. Edit 24/03 : 195 408 entrées en 1ère semaine contre 218 275 entrées au même stade pour La Loi du marché. Si nous reprenons le communiqué de presse du distributeur cela donne : « Un autre monde de Stéphane Brizé réalise le meilleur démarrage de l’année pour un film d’art et essai. Il réalise ainsi un démarrage proche du film La Loi du marché, sans l’exposition cannoise et le prix d’interprétation masculine que celui-ci avait eu en 2015. Edit 06/06 : 484 099 spectateurs au cumul en 9 semaines d’exploitation. Au final deux fois moins d’entrées que La Loi du marché. Celle-la même qui voit depuis la réouverture des cinémas une désaffection prégnante des spectateurs dont ces films leurs sont destinés. Un tel score n’est pas déshonorant mais il est certainement en dessous des attentes du distributeur.
  • La chronique Blu-ray : Depuis Mademoiselle Chambon (sorti chez feu France Télévision Distribution 4 ans après son passage au cinéma en 2016), tous les films de Stéphane Brizé ont eu les honneurs d’une édition Blu-ray. Il n’y a donc pas de raisons que cela change. Edit 06/06 : Un Blu-ray est bien prévu pour le 21 juin. Il est annoncé bardé de bonus. Saluons de fait une volonté éditoriale plus que louable de Diaphana.

Un autre monde - Affiche

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