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Fiche film : Variety (1983)

Quand elle est arrivée à New York dans les années 80, la réalisatrice Bette Gordon a voulu explorer les bas-fonds de la ville. Fascinée par le film noir pour « ses personnages féminins à la sexualité intrigante, dangereuse », elle s’est demandée « avec Variety, (…) ce que cela serait de bouleverser les codes du film noir en proposant la femme comme enquêtrice et l’homme comme figure mystérieuse ».

Variety (1983)

Réalisateur(s) : Bette Gordon
Avec : Sandy McLeod, Will Patton, Luis Guzmán, Nan Goldin, Mark Boone Junior
Durée : 1h40
Distributeur :  Les Films du Camelia
Sortie en salles : 27 février 1985
Reprise le : 1er juin 2022

Résumé : New York, 1983. Christine cherche désespérément du travail et finit par se faire engager comme ouvreuse dans un cinéma porno de Times Square.
Elle devient peu à peu obsédée par les sons et les images des films qui l’entourent. Puis, fascinée par un des spectateurs, un homme d’affaires du nom de Louie, Christine commence à le suivre…

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  • Notre avis : Voilà un film essentiel. Tant sur le versant de l’histoire du cinéma que par l’écho qu’il provoque et distille encore aujourd’hui. Variety raconte l’histoire d’une jeune femme à la recherche d’un boulot dans le New-York du début des années 80. Sa quête l’amène à devenir caissière au Variety, un cinéma porno situé sur Time Square. Variety est une œuvre de fiction. Mais la mise en scène signée par la réalisatrice Bette Gordon, le traitement de son sujet et de ses thématiques (la femme, la ville, le cinéma, le voyeurisme) l’emmènent en des contrées bien plus excitantes et encore très peu explorées aujourd’hui. À la croisée des chemins entre documentaire et film témoin en avance sur son temps.
    Cela passe par un New-York qui est un personnage à part entière. Filmé comme peu de cinéastes ont réussi à le faire (on pense à Scorsese ou Abel Ferrara), Big Apple est montrée telle quelle. De jour et surtout de nuit, la ville qui ne dort jamais semble peu encline à livrer ses secrets tout en se laissant mettre à nue avec délectation. Bette Gordon en capte le rythme chaotique mais n’hésite pas non plus à laisser sa caméra se perdre dans des dédales de rues désertiques d’où affleurent l’anxiété de faire des mauvaises rencontres. Quand surgit la foule, l’impression reste la même. Comme les ombres dans la nuit, elle donne l’impression d’une société ectoplasmique où chacun est interchangeable ou qui n’aspire à offrir que peu d’aspérités de leurs passages (sur terre). C’est pourquoi, quand notre héroïne échoue dans ce cinéma et qu’elle y entend les râles surjoués de plaisir ou qu’elle entraperçoit certaines images, il y a là comme un nouveau monde qui s’ouvre à elle. Quelque chose qui, paradoxalement, ressemble à une promesse de vie.
    La voilà qui s’en enivre lui faisant percevoir son quotidien et sa ville sous un « jour » nouveau. Mais c’est la rencontre avec un spectateur occasionnel qui va définitivement précipiter ce qui n’était qu’un mirage en une promesse. Et la force de Variety est alors de tordre le coup aux préjugés narratifs habituels en proposant d’inverser les rôles au sein de ce qui se transforme sous nos yeux en une sorte de thriller (forcément) urbain. Bette Gordon lorgne dès lors du côté de Sueurs froides (Vertigo – 1958) mais la blonde fantasmée (Kim Novak) par sieur Hitchcock que suit le personnage joué par James Stewart dans un San Francisco onirique devient cet homme que notre héroïne (pour)suit tel un jeu de piste au sein d’une ville qu’elle redécouvre jusqu’au fin fond de la nuit. Le cheminement mental du début devient organique. Il se double d’une prise de conscience au féminin qui passe par l’appropriation d’une géographie synonyme d’un machisme ordinaire d’abord stigmatisé puis relégué au second plan.
    Rappelons encore une fois que l’on parle ici d’un film de 1983. La modernité de son discours, l’audace des partis-pris au niveau des cadrages et du montage éclaboussent de par leurs radicalités véritablement visionnaires jusqu’à notre époque qui se pare bien trop souvent derrière un féminisme militant d’arrière-garde. Dans Variety, le point de vue de la femme est naturel, induit et de tous les plans. Il ne revendique rien et n’impose rien. Mais il s’impose par la justesse de sa démonstration, de son propos tout en se donnant le luxe d’une fin qui ouvre tous les possibles. Variety est certainement une belle leçon de cinéma doublée d’une réflexion sociétale où l’homme a toute sa place (c’est dire si la femme n’est pas rancunière). Un film en fait même plus visionnaire aujourd’hui mais foncièrement utopique. Ps : On notera avec une certaine gourmandise la présence de très jeunes Mark Boone Junior, Will Patton et surtout Luz Gusmán dont c’était leur deuxième ou troisième apparition devant une caméra et qui depuis ont tous fait carrière à Hollywood. 3,5/5
  • Box office : 3 872 entrées depuis le 1er juin sur 10 copies. Ce qui est plutôt un résultat honorable. Nous ne disposons malheureusement pas des entrées générées par Variety lors de sa première exploitation française en 1985. Edit 10/12 : Notre partenaire CBO annonce un cumul de 4 919 entrées mais sans aucune précision du nombre de semaines d’exploitation.
  • La chronique Blu-ray : Une édition combo DVD/Blu-ray est attendue pour septembre 2022. Edit 10/12 : Un très joli coffret DVD + Blu-ray accompagné d’un livre de près de 100 pages est disponible depuis le 6 décembre 2022.

Une réflexion sur « Fiche film : Variety (1983) »

  1. L’argument a peut-être été inspiré à la réalisatrice par SIMONE BARBES OU LA VERTU (France 1980) de Marie-Claude Treilhou dont l’héroïne était ouvreuse au Cinévog-Montparnasse parisien, durant sa période finale X hardcore. J’écris « peut-être » parce que j’ignore si ce titre français (intéressant et qui avait bénéficié du soutien du cinéaste Paul Vecchiali) fut distribué aux USA.

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