À l’époque de la sortie de Dillinger, le patron du FBI, J. Edgar Hoover, en condamne le contenu. II estime sa représentation du FBI néfaste pour l’image de ses services. Il proteste et demande que des modifications soient apportées au script. Peu de temps avant sa mort, il enregistre un avertissement contre-publicitaire destiné à ruiner la carrière du film. Il peut être entendu après le générique de fin.
À sa sortie, le film de John Milius est le cinquième à mettre en vedette John Dillinger – la septième production si on compte deux œuvres de télévision : Dillinger, l’ennemi public no 1 de Max Nosseck en 1945, trois épisodes de la série télévisée Gang Busters en 1952, L’Ennemi public de Don Siegel en 1957, La Police fédérale enquête de Mervyn LeRoy en 1959, le téléfilm Dillinger de Rupert Wainwright en 1960 et Young Dillinger de Terry O. Morse en 1965. Depuis 1973 quatre nouveaux films ont encore vu le jour dont Public Enemies de Michael Mann avec Johnny Depp en 2009 et J. Edgar de Clint Eastwood en 2012 qui revient assez longuement sur la période Hoover / Dillinger.
À noter que La Cinémathèque française projettera Dillinger dans le cadre d’une thématique réunissant 25 films de casses, hold-ups et braquages indispensables le 11 novembre 2024 (ou l’a projeté si vous lisez cette page après coup) via une copie 35mm.
Dillinger (1973)
Réalisateur(s) : John Milius
Avec : Warren Oates, Ben Johnson, Michelle Phillips, Cloris Leachman, Harry Dean Stanton, Geoffrey Lewis, John P. Ryan, Richard Dreyfuss
Distributeur : Rossel Films
Durée : 1h47min
Sortie en salles : 3 avril 1974
Résumé : Le film raconte les dernières années de la vie du gangster John Dillinger et de l’agent du FBI Melvin Purvis lancé à sa poursuite, dans le contexte de la Grande Dépression des années 1930.
Articles / Liens :
- Dossier de presse
- Voir la bande-annonce d’époque en VO
- Notre avis : Quand John Milius réalise Dillinger, son premier film, c’est déjà un scénariste qui a pignon sur rue à Hollywood. C’est même une star dans la profession que l’on paye très cher pour s’adjoindre ses services (top 3 des scénaristes les mieux payés en 1972). Au début des années 70, il vend ainsi coup sur coup les scénarii de Jeremiah Johnson et Juge et Hors-la-loi pour 90 000 et 300 000 dollars que réaliseront respectivement Sydney Pollack et John Huston en 1972. Soit des montants très élevés surtout pour un scénariste avec encore si peu d’expérience. Mais très vite Milius ne veut pas se cantonner à écrire pour les autres et aspire à passer derrière la caméra d’autant qu’il n’a pas aimé ce que Houston et Pollack ont fait de ses histoires.
« J’étais devenu un scénariste très en vue et très cher, donc j’ai pu passer un accord avec l’AIP (American International Pictures), qui n’aurait jamais pu acheter un de mes scripts. Je leur ai expliqué que j’écrirais ce qu’ils souhaitaient si je pouvais réaliser le film. Je les aurais payés pour le diriger. » L’AIP en la personne de Samuel Z. Arkoff lui offre trois choix de réalisation : Blacula, Black Mama (dans la veine des films de blaxploitation qui avaient alors le vent en poupe) ou « un truc de gangster avec Pretty Boy Floyd ou Dillinger », car les films de gangsters sont à nouveau à la mode à Hollywood. Bloody Mama (1970) de Roger Corman a ainsi récemment cartonné dans les salles. « Je me suis plongé dans les recherches et j’ai étudié les gangsters de l’époque, et celui qui avait le plus d’attrait était John Dillinger. C’était un sujet que je n’aurais jamais choisi moi-même, mais ça m’a permis de montrer à quel point je pouvais réaliser une fusillade, mettre en scène un scénario et diriger des acteurs. » (propos de John Milius repris du livret présent au sein du Blu-ray édité par Rimini dont nous rendons compte plus bas).
John Dillinger est en effet un gangster célèbre de l’époque de la Grande Dépression, braquant des banques et courtisant la presse, qui le traite comme une sorte de Robin des Bois, lui conférant peu à peu le statut de mythe. Si ce n’est pas tout à fait ainsi que Milius brosse son personnage, il est toutefois indéniable que l’aspect héros romantique s’employant à dévaliser des banques sans faire couler le sang est bien là d’autant plus magnifié qu’en face est mis en avant un certain Melvin Purvis, agent fédéral qui s’est fait connaître en traquant d’une manière obsessionnelle et plus que brutale (pour ne pas dire sans merci) John Dillinger et sa bande.
Ami de Milius et quasi sosie du vrai Dillinger, Warren Oates est celui qui endosse avec aisance et autorité les habits de la terreur des banques du Kansas. Depuis La Horde sauvage (1968) de Sam Peckinpah où il avait tout renversé sur son passage, il était alors au pic de sa carrière. En face c’est Ben Johnson qui interprète le personnage de Melvin Purvis. Acteur fordien, il était lui aussi au générique de La Horde sauvage. Sa façon d’allumer un cigare à chaque fois qu’il abat un membre du gang Dillinger fait froid dans le dos le rangeant d’office dans la catégorie de ceux qui trouvent dans leur métier un exutoire à leur penchant psychotique. Dès lors, il n’est pas étonnant de voir le spectateur se ranger du côté de Dillinger. La mise en scène qui accompagne pas à pas le bandit des grands chemins et celle qui emmène avec une certaine maestria les scènes d’action teintées d’une violence acerbe (dans la lignée de ce que Arthur Penn avait initié six ans plus tôt avec son Bonnie et Clyde) comme les fusillades et autres courses-poursuites en auto, finit en effet de le ranger dans la lignée de ces héros romantiques dont raffole le public.
Public qui adoubera Dillinger en l’emmenant au-delà des 2M de recette (pour un coût d’un million de dollars). Milius propose en effet un film carré, efficace et non dénué d’une lecture politique se lovant parfaitement au sein de cette décennie américaine de toutes les contestations sociales. Étonnant d’ailleurs quand on connait le pedigree (très) conservateur du bonhomme (on dirait Trumpiste aujourd’hui) qui aime bien se faire photographier avec sa carabine sous le bras ou en bandoulière, qui sera le co-sccénariste d’Apocalypse Now ou encore le réalisateur de Conan le barbare (1982), L’Aube rouge (1984) et notre préféré L’Adieu au roi en 1989 avec un Nick Nolte en cousin pas si éloigné du Colonel Kurtz joué par Marlon Brando dans Apocalypse Now justement. Bref que des films qui viennent ériger une certaine idée de la virilité héroïque mise au service de causes insensées mais considérées comme justes quitte à mourir pour elles. Au final, quand on y réfléchit bien, n’est-ce pas déjà la trajectoire de John Dillinger ? 3,5/5
La troublante ressemblance entre le véritable John Dillinger et l’acteur Warren Oates
- Box office : Le site JPBox-Office annonce 120 736 entrées lors de sa sortie dans les salles françaises en 1973.
- La chronique Blu-ray : Disponible depuis le 7 juin 2023, le Blu-ray édité par Rimini propose une image au format respecté 1.85 issue d’une restauration 2K effectuée depuis un interpositif (la génération qui vient juste après le négatif. Celui-ci semblant perdu ou introuvable à date). C’est en fait le même master utilisé par l’éditeur US Arrow pour son Blu-ray sorti en 2016 (Cf les captures comparatives ci-dessous). L’éditeur français propose par ailleurs la VF d’époque. Elle est nasillarde avec pour certains des accents « titis parisiens » peu en phase avec les personnages du sud profond ricain qu’ils sont censés incarner. L’éditeur précise sinon via un carton qu’une séquence de quelques secondes repasse en VOST faute d’avoir retrouvé l’entièreté du doublage. De toute façon c’est la VOST qui aura notre préférence avec sa tonalité d’ensemble bien plus naturelle au sein d’un équilibre voix / ambiance des plus précis. Le tout encodé en DTS-HD MA mono 2.0 tout comme pour la VF.
1ère de couverture du livret inclus dans l’édition DVD + Blu-ray Dillinger édité par Rimini
Enfin, cerise sur le gâteau, la présence de nombreux bonus vient compléter l’excellent livret écrit par Stéphane Chevalier inséré au sein de cette édition DVD + Blu-ray. Rimini a ainsi repris quelques-uns des compléments présents au sein de l’édition US Arrow avec en point d’orgue l’interview de Lawrence Gordon, le producteur de Dillinger et ami de Milius. Le tout en VOST il va sans dire. Mais Rimini a aussi produit ses propres bonus en faisant intervenir des pointures comme Samuel Blumenfeld, journaliste au journal Le Monde ou encore Olivier Père, directeur de l’Unité Cinéma d’Arte France qui reviennent sur le mythe Milius et l’importance de ce premier long dans sa filmo de réalisateur.
Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous (Arrow Vs Rimini) pour les visualiser au format HD natif 1920×1080