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Fiche film : Du rififi chez les hommes (1955)

Du rififi chez les hommes est le premier roman d’Auguste Le Breton de la série des Rififi à être adapté au cinéma. Du rififi chez les femmes (1959) d’Alex Joffé, Du rififi à Tokyo (1962) de Jacques Deray et Du rififi à Paname (1966) de Denys de La Patellière, Razzia sur la chnouf (1955) d’Henri Decoin et Le Clan des Siciliens (1969) d’Henri Verneuil sont également adaptés de ses romans.

À noter que La Cinémathèque française projettera Du rififi chez les hommes dans le cadre d’une thématique réunissant 25 films de casses, hold-ups et braquages indispensables le 5 novembre 2024 (ou l’a projeté si vous lisez cette page après coup) via une copie DCP.

Du rififi chez les hommes (1955)

Réalisateur(s) : Jules Dassin
Avec : Jean Servais, Carl Möhner, Robert Manuel, Marie Sabouret, Janine Darcey, Pierre Grasset, Robert Hossein, Magali Noël, Claude Sylvain
Distributeur : Consortium Pathé
Durée : 1h58min
Sortie en salles : 13 avril 1955

Résumé :  Tony le Stéphanois est un homme vieilli et usé qui sort de cinq années de prison. Il a perdu sa place dans le milieu. Son vieil ami Jo le Suédois lui reste pourtant fidèle et lui propose le cambriolage d’une bijouterie. C’est l’occasion pour Tony de faire un dernier gros coup. Le hold-up est minutieusement préparé, mais une bande rivale surveille Tony et ses amis…

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  • Notre avis : Nous sommes au mitan des années 50 quand Du rififi chez les hommes sort dans les salles françaises. Jules Dassin qui a été chassé d’Hollywood par le maccarthysme et la liste noire, en est le réalisateur suite à une proposition du producteur français Henri Bérard. Choix effectué parce qu’il sait Dassin dans la mouise financière et qu’il pourra ainsi le recruter pour une bouchée de pain. Du rififi chez les hommes est d’ailleurs un film au budget riquiqui qui veut surfer sur la tendance naissante du polar à la française que Jacques Becker avec son Touchez pas au grisbi avait brillamment initiée l’année précédente tout en remettant sur les rails un certain Jean Gabin après des années de vache maigre et propulsé une nouvelle gueule sur le devant de la scène en la personne de Lino Ventura.
    Pour cela Henri Bérard s’est mis en tête de porter à l’écran le roman à succès au titre éponyme d’Auguste Le Breton publié en 1954 dans la fameuse collection « Série Noire ». Le Breton a fréquenté la pègre, la fameuse carlingue de la rue Lauriston, mais aussi les Forces française combattantes (son parcours ambivalent durant l’occupation inspirera d’ailleurs le personnage de Lacombe Lucien dans le film du même nom que Louis Malle réalisera en 1974). Du rififi chez les hommes est écrit dans un argot tellement pointu que Jules Dassin à qui l’on a demandé de lire le livre en un week-end pour savoir si le job l’intéressait n’y comprend absolument rien et doit se faire aider par un ami français. Une fois saisie les grandes lignes et les enjeux dramatiques, il n’est absolument pas convaincu par cette histoire passablement misogyne et raciste. Mais Dassin n’a plus tourné depuis cinq ans et il n’a pas vraiment d’autres propositions. Hollywood arrive même à l’empêcher de travailler quand on apprend qu’il est approché pour réaliser un film. Il devait ainsi être derrière la caméra de L’Ennemi public n°1 avec Fernandel mais quand l’actrice vedette hongroise Zsa Zsa Gabor apprend que les portes d’Hollywood lui seront dorénavant fermées si elle tourne sous la direction de Dassin ou que la société Cocinor qui produit le film reçoit le même genre de menaces (elle ne pourra plus espérer distribuer ses films aux Etats-Unis), ce sera finalement Henri Verneuil qui le réalisera.
    Henri Bérard lui n’en a cure et il fait alors appel à René Wheeler, scénariste expérimenté pour qu’il travaille avec Dassin à l’adaptation du bouquin. À eux deux ils vont tenter de lisser les dérapages raciaux (la bande rivale n’est plus composée de malfrats d’origine maghrébine mais allemande), de complexifier les personnages, mais surtout ils développent l’épisode du casse qui deviendra à l’écran une séquence de plus de 30 minutes sans dialogue, sans musique et uniquement rythmée par la respiration des personnages ou les coups de burin. Un morceau de bravoure qui inspirera dès l’année suivante Stanley Kubrick dans L’Ultime Razzia pour devenir une des pierres angulaires du cinéma mondial à la fois parodiée (Le Pigeon – Monicelli – 1958), détournée, plagiée ou encore citée (Le Cercle rouge – Melville – 1970).
    Le Breton de son côté n’appréciera pas le scripte qu’il considère comme des trahisons à répétition provoquant une rencontre avec Dassin où il amène un flingue qu’il pose sur la table bien décidé à lui faire revoir une copie que les deux compères ont pondu en 6 jours. Mais comme l’explique Dassin dans une interview donnée en 2000 pour l’éditeur alors de DVD Criterion, à la question « où est mon livre ? » de multiples fois formulées par Le Breton, Jules Dassin finit par répondre sur le ton de la plaisanterie « Dans le scénario ». Une façon de faire qui désarçonne Le Breton pour finir par le faire rire. Les deux hommes deviendront les meilleurs amis du monde. Dassin a peut-être enjolivé la chose mais comme disait un journaliste dans le chef-d’œuvre de Ford L’Homme qui a tué Liberty Valance (1962) : « Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende ».
    Si Jules Dassin n’a pas trop eu son mot à dire niveau casting, il réussit tout de même à écarter l’acteur américain Eddie Constantine, alors grosse vedette en France, au profit de Jean Servais dont les heures de gloire étaient loin derrière lui. En vieux truand sur le retour qui veut se refaire une ultime fois, il est juste extraordinaire de présence avec sur son son visage le désespoir lucide d’un destin tragique. Le reste du casting est homogène et Dassin s’en accommode de toute façon à merveille même si l’acteur autrichien Carl Möhner a quand même bien du mal à se fondre dans le décor et la bande, peu aidé il faut bien le dire par le doublage de Roger Rudel qui le fait passer pour un personnage comique et facétieux sur une grande partie métrage. On notera aussi qu’il s’agit là du premier rôle au cinéma de Robert Hossein très convaincant en malfrat sans scrupule et dépendant de l’héroïne. Si le couple de scénaristes n’est pas non plus arrivé à totalement gommer la vision ultra machiste du livre symbolisée au demeurant par la fameuse chanson de cabaret Le Rififi entonnée par une Magali Noël très convaincante pour devenir au final l’ADN du film, Dassin a toutefois réussi à créer avec sa caméra un nouveau personnage en la ville de Paris. Un peu comme il l’avait fait avec New-York dans La Cité sans voiles (1978) et Londres dans Les Forbans de la nuit (1950), son Paris est une métaphore doublée d’un fantasme improbable au service total de l’histoire. Un chemin qu’aucun cinéaste français de l’époque n’avait jusqu’ici emprunté mais que ceux à venir de La Nouvelle Vague auront bien en tête à commencer par Jean-Luc Godard et son À bout de souffle en 1959. Sans oublier les formidables décors conçus par Alexandre Trauner (vous trouverez quelques dessins préparatoires ci-dessous).
    Jules Dassin sera récompensé en 1955 au festival de Cannes du Prix de la mise en scène où parmi ses compatriotes, seule la superstar Gene Kelly viendra le féliciter tandis que Du rififi chez les hommes attirera 3 284 666 spectateurs dans les salles françaises pour devenir le mètre étalon en matière de films de casse. Jules Dassin remettra le couvert avec Topkapi en 1964 dont De Palma dira s’être énormément inspiré pour son Mission Impossible en 1996. Ce n’est qu’en 1968 avec Point noir (Uptight), un remake du Mouchard de John Ford, qu’il remet les pieds aux États-Unis alors qu’il est dorénavant installé en Grèce où il est en couple avec la célèbre actrice grecque Melina Mercouri qu’il fera tourner dans 8 de ses films à partir de 1957. 4,5/5
  • Box office : 3 284 666 entrées
  • La chronique Blu-ray : Un Blu-ray édité par Gaumont existe depuis 2011. Il s’appuie sur un master restauré HD, le même qu’utilisera l’éditeur anglais Arrow la même année et 3 ans plus tard Criterion aux Etats-Unis. Un master donc qui a dorénavant près de 15 ans mais qui, pour l’avoir revu chez Criterion, tient encore plus que bien la route avec ses contrastes appuyés, sa définition quasiment jamais prise en défaut et une absence de scories patentes niveau pellicule. Côté bonus, on retiendra chez Criterion un entretien avec Jules Dassin que l’éditeur avait réalisé à l’été 2000 à New-York pour son édition DVD. Le réalisateur revient en anglais sans sous-titres sur les conditions de sa mise au ban d’Hollywood au temps du Maccarthysme et de la façon dont il a été approché pour réaliser Du rififi chez les hommes alors qu’il venait d’arriver à Paris. Cela reste encore aujourd’hui un document exceptionnel. On précisera enfin que Gaumont avait réalisé de son côté un documentaire d’un peu plus de 30 minutes intitulé Jules Dassin, l’élégance du noir avec des interventions de personnalités tels que Claude Chabrol, Alain Corneau, Magali Noël, Nadine Trintignant ou encore Robert Hossein. Quel que soit le Blu-ray que vous choisirez, ne pourra que satisfaire votre envie d’en savoir plus sur cet indéniable classique.

Cliquez sur les captures Blu-ray ci-dessous issues du Blu-ray Criterion pour les visualiser au format HD natif 1920×1080

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