« Quand j’avais 13 ans, ma famille a dû fuir la Géorgie pour venir en France. Au-delà de la misère et des humiliations de cette situation d’immigrés, ce fut un choc culturel et affectif. J’ai grandi dans un milieu principalement masculin, la seule figure féminine à laquelle je pouvais me raccrocher était ma mère. C’est pourquoi, dans le film, le personnage féminin le plus important est une mère.
Les hommes forts redeviennent des petits garçons devant leurs mamans. Dans Brûle le sang, je veux raconter l’échec de la violence et de la vengeance. Je crois profondément que l’obstination dans la virilité et l’honneur mène à la destruction. Dans le film, la vengeance tant souhaitée n’a pas lieu. La masculinité toxique mène à la mort. Les hommes forts finissent dans des bennes à ordures. » – Note d’intention du réalisateur
Brûle le sang (2024)
Réalisateur(s) : Akaki Popkhadze
Avec : Nicolas Duvauchelle, Florent Hill, Denis Lavant, Sandor Funtek, Finnegan Oldfield, Ia Shugliashvili
Distributeur : ARP Sélection
Durée : 1h49min
Sortie en salles : 22 janvier 2025
Résumé : Dans les quartiers populaires de Nice, un pilier de la communauté géorgienne locale se fait assassiner. Son fils Tristan, qui aspire à devenir prêtre orthodoxe, se retrouve seul avec sa mère en deuil. C’est alors que réapparaît Gabriel, le grand frère au passé sulfureux, qui revient d’un long exil dans le but de se racheter en lavant l’honneur de sa famille.
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- Notre avis : Brûle le sang est un premier film, ou plutôt un premier long puisque son réalisateur a déjà à son actif quelques courts-métrages remarqués. Brûle le sang est un premier long du même acabit, c’est à dire remarquable. En ce sens qu’il sort aisément du lot et pour de bonnes raisons. D’abord parce qu’il prend à bras le corps un genre, celui du thriller mâtiné d’un peu de polar, assaisonné d’une identité visuelle à vous crever une rétine. Et puis aussi parce que derrière il y a une histoire certes simple et déjà vue à maintes reprises mais dont le traitement est d’une efficacité redoutable, le tout portée par des acteurs au diapason.
La vedette de Brûle le sang ce ne sont pourtant pas eux, mais cette mise en image qui prend à la gorge dès les premières seconde. Un truc immersif qui rappelle lors de certains plans et au hasard Hardcore Henry (2015) du russe Ilia Naïchouller sans que pour autant le film tombe dans une démonstration à la jeux vidéo façon FPS. Bien au contraire. L’immersion ressentie est plus subtilement proposée et finalement plus convaincante car elle ne se confond jamais à la première personne. On est plus dans l’action immersive. Là un camion transportant du sable à ciel ouvert où est enfoui un mort. La caméra est solidaire de la benne et le camion de rouler lors du générique dans les rues de la ville jusqu’à une zone de chantier, sa destination finale. Le ton est donné et il ne va aller que crescendo.
La ville c’est Nice où le réalisateur et sa famille ont trouvé refuge après avoir quitté leur Géorgie natale au début de ce siècle. Celle-ci est trompeusement cartographiée mais magnifiquement stylisée sinon fantasmée. Ses protagonistes s’y ébrouent tel le personnage du « Prisonnier » dans la série culte du même blaze. On y entre pour ne plus en sortir à l’image de ce grand frère (Nicolas Duvauchelle égal à lui-même) venu venger la mort d’un père assassiné par erreur en pleine rue. On s’y fracasse, on y concasse des destins avec au bout la même finalité. Mais avant de compter les cadavres il faut pouvoir trouver les auteurs de cet assassinat mais aussi camper les protagonistes à commencer par cet autre fils (Florent Hill que l’on découvre) qui se destine à devenir prêtre orthodoxe et dont la mort et l’irruption de ce frère qui n’avait plus donné signe de vie depuis plus d’une décennie viennent tout remettre en cause. Et au centre de tout cela, une mère un peu dépassée, affligée, qui voit la vie défiler bien trop vite devant ses yeux.
Au-delà de ce cercle familial il y a une pègre là aussi fantasmée mais paradoxalement incarnée à la perfection par un Denis Lavant jouissif et un Finnegan Oldfield qui s’il en fait des tonnes dans la peau du mec totalement grillé du cerveau par le trop plein de coke qu’il s’enfile au quotidien, incarne au final un personnage attachant tant la démesure de sa connerie est abyssale. Tout ce petit monde est filmé selon un seul et même parti-pris. En mettre plein les mirettes. Dis comme cela, on peut se dire que cela va vite tourner au vinaigre teinté d’artificialité. Et en effet si on frise l’indigestion en fin de film, jamais Akaki Popkhadze (soit dit en passant, un nom aussi facile à retenir que celui de la nouvelle recrue du PSG en provenance du même pays) ne franchit la ligne de non-retour maintenant un équilibre fragile sinon précaire entre le déroulé de son intrigue et sa mise en situation. Il y arrive à l’exception des cinq dernières minutes à contre-courant de tout le métrage. C’est certainement voulu (en tout cas on l’espère) mais c’est maladroit. Brûle le sang aurait en effet gagné en intensité, en panache et en logique avec son genre à larguer son histoire sans cet ultime développement qui, on le répète, annihile tout un développement qui tenait jusque-là grave la route. Qu’à cela ne tienne, tout le reste est tellement prometteur qu’on a hâte de découvrir la suite et ce quel que soit le genre qu’il décidera d’explorer. D’ici là on se soigne la cornée violée et on préserve l’autre rétine… 3,5/5
- Box office : 4 460 entrées sur 142 copies (dont 1 863 lors d’avant-premières) lors du 1er jour d’exploitation. On s’achemine sur un cumul aux alentours des 50 000 entrées.
- La chronique Blu-ray et 4K UHD : Pas d’annonce au moment où s’écrivent ces lignes. Précisons qu’ARP, le distributeur, n’a pas abandonné l’édition de Blu-ray mais que tous les films distribués au cinéma sous sa bannière ne bénéficient pas systématiquement d’une édition Blu-ray. On ne parle même pas de 4K étant entendu que le distributeur / éditeur n’a pas encore sauté le pas vers l’UHD.