Christopher Andrews, réalisateur du Le Clan des bêtes, a grandi au sein d’une famille conflictuelle. Une problématique douloureuse qu’il souhaitait explorer dans son film. Le cinéaste souhaitait aussi aborder le thème de la masculinité toxique, prégnante dans ce type de milieu et, de manière plus générale, dans un monde rural le plus souvent dominé par les hommes.
Christopher Andrews est un scénariste prolifique et a signé plusieurs courts métrages dont Stalker lauréat du Grand Prix au festival de Cork. Le Clan des bêtes dont il est co-scénariste, est son premier long de fiction.
Le Clan des bêtes (Bring Them Down – 2024)
Réalisateur(s) : Christopher Andrews
Avec : Christopher Abbott, Barry Keoghan, Colm Meaney, Nora-Jane Noone
Distributeur : New Story
Durée : 1h46min
Sortie en salles : 23 avril 2025
Résumé : Un berger irlandais est entraîné dans un conflit violent avec une ferme voisine, lorsque ses moutons sont attaqués par des inconnus…
Articles / Liens :
- Notre avis : Quelque part dans l’Irlande rurale, un conflit longtemps larvé entre deux fermes voisines va éclater au grand jour avec des conséquences tragiques et irrémédiables. Dit comme ça, Le Clan des bêtes ne semble pas lorgner vers l’original, l’imprévu ou même l’excitant. On parle ici d’un sempiternel conflit de voisinage comme on peut en entendre parler de temps à autre ou lire dans les journaux (pour les moins jeunes) à la rubrique « faits divers » avec le pendant forcément quelque peu extrême propre à envoyer la chose à la une de n’importe quel média. Mais alors outre l’aspect voyeuriste et déjà vu, pourquoi s’intéresser à ce premier long signé de l’Américain Christopher Andrews ? Par l’angle choisi pour son traitement et les thèmes abordés ? Oui même si ce n’est pas cela qui nous a le plus enthousiasmé. Par sa mise en scène et les zones d’ombre qu’il laisse sciemment au sein de son récit ? Oui là totalement.
Par thèmes abordés on entend déterminisme héréditaire et violence endogène provoqués par un milieu donné. Il y a en effet du Émile Zola dans l’écriture façonnée par le jusqu’ici plutôt connu comme scénariste Christopher Andrews qui accouche ici de son premier long de fiction. Dans La Bête humaine, l’alcoolisme du père avait contaminé le sang de son cheminot de fils. Dans Le Clan des bêtes, les deux fermiers ont été façonnés et marqués par leurs pères (l’un des deux est d’ailleurs joué par le vétéran Colm Meaney qui pour l’anecdote ne parle qu’en gaélique) les empêchant de réagir autrement aux événements auxquels ils sont confrontés ou qu’ils provoquent autrement que par une brutalité et une dureté jusqu’au-boutistes. Rien de nouveau ici toutefois. Un film récent tel que As bestas (2022) de Rodrigo Sorogoyen s’aventurait sur le même versant thématique au sein d’un décor similaire. Mais ce qui permet de franchir l’écueil du « terrain plus que balisé » que l’on peut avoir à lecture du synopsis est sans conteste la qualité d’une écriture suffisamment ciselée, précise et sans afféteries pour que l’on y croie instantanément.
Une impression que la mise en scène confirme par sa volonté de ne jamais rien appuyer. Au contraire, la caméra se meut avec pour seule prédisposition de coller au plus près des personnages. Les quelques plans larges sont là pour souligner un paysage qui peut être majestueux et omniprésent (on parle en effet ici de bergers qui doivent se mouvoir avec leur troupeau au sein d’une région vallonnée sinon accidentée) sans pour autant être écrasant ou même devenir un personnage à part entière. On aime surtout cette envie de ne pas forcément filmer en frontal les scènes de climax, d’action ou de violence. Une forme de hors-champ constitutive d’une grammaire de cinéma qui pourra en surprendre certains mais qui va avec l’autre thématique du film qui est la toxicité masculine. Quelque chose que Christopher Andrews n’a pas à l’évidence envie de mettre en image histoire certainement de ne pas faire preuve d’opportunisme à tendance hypocrite façon Revenge (2017) de Coralie Fargeat.
On aime aussi cette fin certes ultra frustrante mais qui laisse la porte ouverte à quelque chose qui ne court pas les rues dans ce qui peut être finalement qualifié de thriller à hauteur d’hommes. Les enjeux y sont paradoxalement peu déterminants mais au final bougrement efficaces. Une impression certainement due à la performance des deux acteurs principaux dont un remarquable Barry Keoghan que l’on avait découvert en France en 2014 avec ’71 de Yann Demange. Il personnifie à merveille ce berger de la ferme voisine à la personnalité hiératique, compulsive et agressive mais que l’on a du mal à détester quand de temps à autre la carapace tombe pour laisser affleurer une personnalité à fleur de peau, fragile et quelque peu perdue dans cet environnement où la testostérone est à son max.
Le Clan des bêtes rend compte ainsi et à sa manière d’une réalité bien plus complexe que le « fait-divers » du pitch pouvait laisser craindre/entendre. Un constat suffisamment rare de nos jours pour ne pas bouder cette découverte ni l’opportunité on l’espère future de découvrir les prochains films de ce Christopher Andrews. 3,5/5
- Box office avec CBO : 212 entrées sur 10 copies lors de la séance 14h Paris. Edit 24/04 : 3 235 entrées après une 1ère journée d’exploitation sur 78 copies. Edit 1er mai : 9 240 entrées lors de la 1ère semaine d’exploitation. On est parti pour un cumul à moins de 20 000 spectateurs.
- La chronique Blu-ray et 4K UHD : Un Blu-ray édité par MUBI sort le 25 mai en Angleterre. Il sera bien entendu sans VF ni STF. Et compte tenu des accents très prononcés et des passages en gaéliques (qui seront certainement sous-titrés en anglais), autant dire qu’il faut s’accrocher même en maîtrisant la langue de Shakespeare. En France rien n’a été annoncé au moment où nous mettons en ligne ces quelques lignes. Edit 24/04 : Nous avons posé la question au distributeur New Story qui nous a répondu qu’un simple DVD était prévu et qu’il serait édité par Blaq Out. La date de sortie n’est pour l’instant pas acté. On s’y attendait mais c’est tout de même une petite déception.